La Spectatrice danoise: Amusement XIV.

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Amusement XIV.

Citazione/Motto

Voici quel est mon Compliment
Sur la plus belle des Fauvettes ;
Quand elle revient ou vous êtes,
Ah ! m’écriai-je alors avec étonnement,
N’en déplaise à mon Oncle, elle a du jugement.

Mlle. Des Cartes.

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Metatestualità

Ces vers, que la Niéce du fameux Des Cartes envoia à Mademoiselle de Scudery au sujet d’une Fauvette, qui tous les étés venoit réguliérement à sa campagne, m’ont fait naître l’idée de m’amuser sur l’Ame des Bêtes.
J’ai le plus joli petit Epagneul du monde : D’un côté, je serois bien fâchée, qu’on pût le mettre au rang des Automates ; De l’autre, je la serois beaucoup, qu’on pût l’élever au rang des êtres raisonnables. Je ne voudrois pas le prémier, pour son honneur, auquel ses gentillesses m’intéressent assez vivement. Et l’on sçait qu’on nous plait à peu de frais. Je ne voudrois pas le second, pour l’honneur de la Nature humaine, qui me tient fort à cœur, dépuis que je me suis avisée de devenir tout de bon un Etre Pensant. Que vous importe dans le fonds, me dira-t-on ? Ne doit-il pas vous suffire que votre Epagneul vous amuse ? Qu’est-il nécessaire de vous embarquer dans des Raisonnemens abstraits, pour lui fixer un état, qui vous rendront peut-être incertaine sur le votre ? Quand on est attachée à un objet, comme je la suis à mon Epagneul, il est naturel, d’être curieux sur cet article, de chercher la cause de cet attachement, d’éxaminer s’il est bien fondé, de dévélopper le principe de tous ces jolis tours, dont je suis charmée. Qu’il me soit donc permis de prendre l’essor, de philosopher un peu, de rechercher si les Bêtes ont une Ame, ou non. Je ne prétends pas faire de nouvelles découvertes ; outre que je n’ai point l’esprit systématique, je suis venuë trop tard pour donner du nouveau. Je veux simplement me déterminer sur quelqu’une de celles qui ont été faites. Le Méchanisme des Bêtes n’est plus à la mode ; & peut-être est-il surprenant qu’il ait si long-tems eu la vogue. Qu’une Chienne soit une machine, une pure machine, montée avec industrie, c’est ce qui paroit du prémier coup d’œil dénué de toute vraisemblance. Aussi les Cartésiens avoient-ils la précaution de dire, que cette opinion n’est pas faite pour les Philosophes ordinaires, & qu’il faut même un grand effort d’imagination pour l’embrasser. Quoiqu’il en soit, un Raisonnement badin de M. de Fontenelle suffit pour renverser ce systême.

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« Mettez, dit il,(*1) une Machine de Chien & une Machine de Chienne, l’une auprès de l’autre, il en pourra résulter une troisiême petite Machine, au lieu que deux Montres seront l’une auprès de l’autre, toute leur vie, sans faire jamais une troisiême Montre. Or, toutes les choses, qui étant deux ont la vertu de se faire trois, sont d’une noblesse bien élevée au dessus de la Machine. »
D’ailleurs le Méchanisme des Bêtes a des conséquences fâcheuses pour la Raison de l’Homme. Car si les Bêtes ne sont que des Automates, si elles doivent à une certaine construction d’organes les merveilles que nous leur voïons faire, & qui ont bien assurément de quoi nous étonner, qui nous assurera, que notre Ame n’est pas matérielle comme la leur, & que nos Organes beaucoup plus délicats, des esprits animaux plus abondans, des fibres dont les ressorts joüent avec plus de facilité, une conformation plus parfaite de cerveau, ne nous rendent pas les services, que nous mettons sur le compte d’une substance distincte, ne forment pas ce que nous apellons Raison, & ne font pas uniquement la supériorité que nous avons sur les animaux ? Mais il ne s’agit de rejetter une opinion seulement à cause de ses conséquences. Celle de Des Cartes a d’autres défauts essentiels. (10.) Elle n’a d’autre appui, qu’une conjecture, ingénieuse, si l’on veut, mais peu solide ; (20.) Elle n’explique point tous les Phénoménes que nous admirons dans les Bêtes ; (30.) Elle est évidemment contraire à l’expérience, contre laquelle il n’y a point de systême qui tienne. Que nous dit-elle, l’expérience ? Que les Bêtes ont une Ame. Comment, une Ame ! Oüi. Vous ne me nierez pas, que la Perception, qui a la prérogative d’être la prémiere sorte d’Opération de l’esprit, la prémiére sorte de Pensée ne soit une des qualités de la Brute. Mais n’a-t-elle qu’une Ame sensitive ? Il est très probable, qu’elle a aussi l’imagination en partage, c’est-à-dire, une sorte de Perception, par laquelle l’esprit apperçoit sans l’action présente de l’objet sensible sur les sens : il ne l’est pas moins, que le sentiment intime lui apprend l’existence des changemens ou des mouvemens de son esprit. Elle est aussi capable d’attention. Quand l’objet lui plait, l’intéresse, sa perception est constante & accompagnée de quelque effort, pour connoître cet objet. Qu’est-ce que l’Idée ? C’est, à proprement parler, une Perception, qui représente tellement une chose, qu’on peut la concevoir clairément. Il faudroit n’avoir jamais vu de Bêtes, pour croire, qu’elles ne partagent point avec nous ce privilége. Mais leur Ame ne se borne pas au présent ; elle sçait aussi se réplier sur le passé. Leur Mémoire retient & rappelle les Perceptions qu’elles ont déjà eües par le secours des sens. Leurs idées sont à la vérité fort bornées. Mais les notres ne sont-elles pas imparfaites ? Elles laissent toûjours quelque chose à découvrir dans un objet ; elles ne les montrent, pour ainsi dire, que par parcelles ; & l’objet le plus mince est pour elles un fonds inépuisable. Voudrions-nous éxiger des Bêtes une plus grande étenduë d’esprit, que celle que nous avons ? N’est-il pas naturel, que, moins parfaites, que nous ne le sommes, elles nous soient inférieures en délicatesse & en nombre de Perceptions ? Non seulement les Bêtes perçoivent, mais encore elles jugent. Elles comparent deux idées, elles voïent les rapports de convenance ou de différence dans leurs objets, elles décident ; & leurs jugemens s’opérent comme les notres avec la rapidité d’un éclair. Bien plus : Ils sont moins sujets à révision, que ne le sont les notres ; sans doute parce que leurs organes ont des perfections que les notres n’ont pas. Ajoutez à cela, qu’elles raisonnent, si par raisonner, vous entendez, comme on fait ordinairement, décider une question sur la liaison qu’on lui trouve avec quelque jugement préalable. Elles font cet assortiment de Propositions, dont une suit de quelqu’autre. Mais s’il est vrai, que leurs raisonnemens n’ont pas la même profondeur que les notres, il ne l’est pas moins, qu’ils n’ont pas les mêmes défauts. Leurs Sillogismes vraisemblablement péchent plus dans la forme, mais assurément ils péchent moins dans la matiére. Les Sophismes leur sont presqu’inconnus. Qui vous a, me dira-t-on, appris de si belles choses ? D’où sçavez-vous, que les Bêtes perçoivent, jugent, raisonnent ? De leurs actions : Quand je vois la République des Abeilles, capable de servir de modéle aux Etats les mieux policés, la discipline éxacte, qui régne dans leurs ruches, les précautions qu’elles prennent, avant que de fonder une nouvelle Colonie ; Les Angles de leurs Loges compassés avec une justesse Géométrique ; Les différentes occupations des membres de ce petit Etat, les remèdes que leur Reine apporte aux accidens imprévus, vous voulez que j’attribuë à un pur instinct tant de merveilles ? J’aimerois autant lui faire honneur des Chefs-d’œuvre de l’esprit humain.

Metatestualità

Mais voici quelques faits particuliers & bien avérés, qui prouvent, que les Bêtes ont la faculté de percevoir, de juger, de raisonner, d’agir conformément aux conséquences déduites des leurs Principes ; & en faut-il d’avantage pour faire des êtres Raisonnables ?

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Un Limaçon s’étant glissé dans une Ruche de Mouches à miel, malgré les sentinelles, voilà toute la petite République en allarmes. On entend un grand Bourdonnement. La Reine assemble son Conseil. On délibère. Jamais affaire de plus grande importance ne fut mise sur le tapis. Les avis furent, selon toutes les apparences, fort partagés. Chasser l’ennemi, c’étoit tenter l’impossible. Le laisser dans la Ruche, s’étoit s’obliger à la déserter. L’attacher ouvertement, c’étoit s’exposer à de grands perils ; & dans ces conseils-là, on ne se pique pas, comme dans les notres de prodiguer la vie des sujets. Comment donc s’en défaire ? On se détermine à le couvrir de Cire, à fin que l’odeur du cadavre n’infecte point la ville. Les ordres sont donnés pour éxécuter ce projet. Tout le Peuple se met à l’ouvrage. Eh vite, eh vite ! on enduit à l’envi d’un miel glüant le témeraire Limaçon ; une Pyramide de Cire, où il est enséveli, sert de monument à une victoire si glorieuse.
Sérieusement, pour rendre raison de cet événement mémorable à jamais dans les Annales des Abeilles, ne faut-il pas leur accorder la Pensée & la Réfléxion, ne faut-il pas convenir, qu’elles ont fait ces raisonnements : « Ce Reptile est nuisible à notre travail, donc nous devons l’empêcher de nous nuire ? Nous ne pouvons pas le chasser, donc nous devons le couvrir de Miel. » &c. ?

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Deux Loups alloient ordinairement de compagnie roder autour d’un Bercail. Le Berger vigilant rendoit toûjours leurs visites infructueuses. Tous leurs stratagêmes ne réussissoient point. Il fallut donc en tenter un nouveau. Ils le tentèrent. Un beau jour le Berger vit venir l’un des deux loups. Il sort de sa cabane, pour garantir son troupeau ; Mais à peine s’est-il mis à courir après, que le Camarade du Poursuivi sort à point nommé de l’autre côté du bois, & enléve une Brebis.
N’est-ce pas là un tour de maître voleur ? Pour l’expliquer, ne faut-il pas avoüer, que ces deux Animaux en étoient convenus en leur patois.

Esempio

Dans plusieurs contrées du nouveau Monde, les Américains ne mangeoint <sic> point les oiseaux : aussi les Oiseaux n’étoient-ils point farouches. Mais les Européens, qui ne leur faisoient point de quartier, les ont rendus comme ceux d’Europe. Pour se deshabitüer de cette longue familiarité, qu’ils avoient avec les naturels du païs, n’ont-ils pas fait ce Sillogisme ? Nous devons fuir tous ceux qui en veulent à notre vie, or ces nouveaux Vénus en veulent à notre vie, donc nous devons les fuir.
Que dirai-je de l’industrie des Castors, qui se bâtissent des Maisonnettes à triple étage, pour se garantir des inondations, & à fausses portes pour se dérober à leurs ennemis ? du Renard, qui est aussi fin qu’un Jésuite ? Du Cerf, qui prend mille détours différens, pour échapper aux Chasseurs ? Après qu’on l’a lancé, qu’il coure par instinct ; soit <sic>. Je le veux, quoi que je pusse demander ce que c’est que cet instinct ; mais qu’on ne me nie pas qu’il se détourne, parce qu’il juge, que c’est le seul moïen d’échapper.

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Esempio

On raconte d’un Perroquet un trait fort joli, qui n’est point étranger à mon sujet. Il prouve démonstrativement, que les Bêtes pensent non seulement comme les hommes, mais encore qu’elles parlent avec autant d’esprit & de jugement qu’eux. Ce Perroquet étoit né dans l’Ile de Bantam, ou l’on en trouve beaucoup de blancs, qui jasent dans la dernière perfection ; il étoit le Mignon d’Henri VIII Roi d’Angleterre. Un jour il s’émancipa d’aller voir les jardins du Palais, qui joignoit à la Tamise. Et insensiblement le bruit, qu’il entendoit de l’autre côté de la rivière, l’aïant attiré vers la Terrasse, pour entendre la voix humaine, dont il étoit éperdument amoureux, le piel lui manqua, voilà le pauvre Perroquet dans l’eau. Comment s’en tirer ? Il se rappella fort à propos certaines paroles qu’il avoit entendües, & cria de toutes ses forces : a bott a bott for twenti Pounds : vite un batteau, vite un batteau pour vingt livres Sterlings. Un Batelier accourut, & sauva l’oiseau, qu’il rapporta au Roi. Henri VIII. lui dit, que le Perroquet devoit fixer la récompense qu’il méritoit. La proposition fut acceptée. On questionna l’échapé de la Tamise. Alors ce singe de la voix & des affections humaines dit d’un ton fier & dédaigneux. Give the knave a groot : donnez quatre sols à ce maraud-là.
Peut-on mieux copier l’homme d’importance, qui promet tout dans le peril, & ne tient rien, quand on l’en a tiré ? Quel Comédien entreroit mieux dans le caractère d’un faquin ? Je défie le plus franc Cartésien de refuser la Pensée à un Limier bien élevé, après qu’il l’aura éxaminé attentivement. J’imagine, qu’un Chasseur de profession seroit en état de fournir aux Philosophes de fort bons Mémoires, en faveur de l’Ame des Bêtes. Non seulement elles sçavent discerner ce qui leur est avantageux d’avec ce qui ne l’est pas, mais encore elles sont capables, jusqu’à un certain degré, de bien & de mal, de vertus & de vices. Je m’explique : Certaines qualités & certains défauts sont affectés à quelques animaux. Le Chien a la fidélité en partage ; L’Ours la férocité. Or le Chien peut à force de caresses & de leçons devenir encore plus fidelle qu’il ne l’est naturellement, & l’Ours peut s’humaniser ; d’où il s’ensuit qu’à tout prendre les Bêtes peuvent être vertueuses ou vicieuses, rélativement ux <sic> services qu’elles nous rendent. Nous les trouvons extrêmement bornées en mille occasions. Cela ne prouve rien. Notre esprit, que nous pourrions aisément étendre, est si rétréci par l’erreur & le préjugé, que je ne conçois pas, comment nous trouvons étrange, que celui des Bêtes soit si limité. Je voudrois bien sçavoir, si bien des hommes, dont les actions paroissent bornées aux besoins de la vie animale, ne sont pas presqu’aussi stupides qu’elles. Qu’on lâche un enfant, à qui l’on n’aura point parlé, dans leur compagnie, je doute fort, qu’il aît plus d’esprit, que quelques-unes en ont. Cette raison, dont on fait tant de bruit, ne nous rend pas de grands services, quand elle n’est pas cultivée. Peut-étre que les bornes, que nous appercevons dans celle des Bêtes, ne viennent que de ce que certaines choses ne sont pas du ressort de leur Ame. Quoiqu’il en soit, elles ont comme nous des goûts, des passions, du penchant à l’amitié ou à la haine. Tous les singes sont malins ; quelques chiens n’ont pas voulu survivre à leur maître. Il est bien difficile, que toutes ces qualités ne soient que de pures modifications de la Matière.

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Il me semble d’avoir lu dans le Spectacle de la Nature, que l’esprit d’imitation, qui régne dans les ouvrages & dans les actions des différentes espèces d’Animaux, prouve qu’ils ne sont point raisonnables ; si les hirondelles pensoient, dit cet Auteur, celles de la Chine bâtiroient-elles leur nid comme celles de France ?
Cet argument ne me paroit point conclüant. L’uniformité de leurs vuës n’est peut-être qu’apparente, & vient de ce que nous ne sommes pas assez clairvoïans, pour en découvrir la variété. D’ailleurs la Nature, qui, loin d’être prodigue, fait tout avec la dernière œconomie, varie assez les genres, pour qu’on ne doive pas éxiger d’elle une différence sensible dans les espèces. On peut dire encore, que leur Ame n’a pas, ni à beaucoup près, le même degré de perfection, que la notre, ou bien que les organes de leur corps ne sont pas également propres à réfléchir sur leur Ame toutes les impressions des objets. Destitutées <sic> de la parole, elles ne peuvent étendre ni perfectionner leur entendement. Le défauts <sic> d’éducation est peut-être ce qui les rend si viles à nos yeux. Peut-être se mocquent-elles à leur tour de notre ignorance en certaines choses, dont la connoissance leur paroit essentielle. Quelle uniformité ne remarque-t-on pas dans les pensées de la plupart des hommes ? Prenez un Laboureur, qui n’a jamais porté son esprit plus loin que la Charruë & le Hoïau. Tirez-le des bornes étroites, où sa Raison a toûjours été comme emprisonnée, vous ne le trouverez guéres capable de raisonner. Une ou deux régles, vraies ou fausses, sont la baze des raisonnemens du Peuple. Otez leur ces maximes. Les voilà désorientés. Plus de Compas. Plus de Boussole.

Esempio

Les Habitans des Iles Marianes étoient si novices à l’égard des commodités de la vie, qu’ils ne connoissoient pas même l’usage du Feu, que les Espagnols leur enseignèrent. Ceux-ci avoient beau leur faire un étalage pompeux du bonheur & de la sagesse des Européens, ces Insulaires ne pouvoient pas comprendre, qu’il y eut dans l’Univers un peuple plus sage & plus heureux qu’eux. Ils ne comprenoient pas mieux, que la variété des plans établit la supériorité de mérite.
Avant Des Cartes, qu’étoit la science du Raisonnement ? On peut dire, que jusqu’à lui les hommes ont ignoré l’Art de Penser. Que sçait-on, si parmi les animaux, il ne s’élevera pas un jour quelque Des Cartes, qui répandra la lumière dans tous les esprits ? si les hommes peuvent instruire les Bêtes jusqu’à un certain point, de quel succès ne seroient pas suivies les leçons de quelque habile Chien, par éxemple, qui auroit l’avantage d’être entendu de ses semblables ? Au moins y a-t-il grande apparence, qu’il perfectionneroit l’Art de Chasser. Il s’ensuit de tout ce que je viens de dire, que Les Bêtes ne sont pas si Bêtes que l’on pense. Mais ne s’ensuit-il pas, que notre Ame peut être matérielle ? Point du tout. Car je n’avance point, que celle des Bêtes la soit. Au contraire, de ce que je sens par moi-même, que la Matière ne sçauroit penser, j’en conclus, que les Bêtes, qui pensent, ont deux substances distinctes. Mais que deviennent ces Ames ? Ce quelles deviennent ! eh ! que m’importe ? Contente de leur en avoir trouvé une, je ne veux pas me donner la peine de leur assigner un Logement. Peut-être passent-elles dans quelque autre Animal ? Peut-être ne sont-elles autre chose, que les substances de quelques esprits, ou, comme le dit le P. Bougeant, (*2) des Diables condamnés à animer ces Créatures. Tout ce que je sçais, c’est que toutes les fortes preuves, qui me convainquent de l’éxistence de mon ame, concourent à me convaincre de l’éxistence des Ames subalternes des Bêtes. Ne m’en demandez pas davantage ; si vous me pressez, je bâtirai, à l’éxemple de Leibnitz, sur un amas de mots, que nous n’entendrons ni vous ni moi, un beau Systême, que vous ne détruïrez pas aisément.

1(*) Lettres Galant. du Chev. d’Her. - - - Lett. XII.

2(*) Amusement Philosophique sur le Langage des Bêtes, à une Dame de qualité. Les Jésuites trouvèrent cette Piéce écrite d’une manière trop galante & trop libre ; & ils en éxilèrent l’Auteur au Collége de la Fléche.