XXXVIII. Discours. Jacques-Vincent Delacroix Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Hannah Bakanitsch Mitarbeiter Karin Heiling Mitarbeiter Elisabeth Hobisch Herausgeber Barbara Thuswalder Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 22.05.2017 o:mws.6555 Delacroix, Jacques-Vincent: Le Spectateur français avant la Révolution. Paris: F. Buisson, 1795, 289-292 Le Spectateur français avant la révolution 1 038 1795 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Menschenbild Immagine dell'Umanità Idea of Man Imagen de los Hombres Image de l’humanité Gesellschaftsstruktur Struttura della Società Structure of Society Estructura de la Sociedad Structure de la société France Paris Paris 2.3488,48.85341 France 2.0,46.0

XXXVIII. Discours. Sur l’inconvénient des Sociétés formées par la vanité.

Je ne trouve rien de plus ridicule, de plus contrainte à la raison, que ce mélange de vieillards sombres, grondeurs, et de jeunes gens aimables, enjoués ; de femmes laides, impérieuses, et de jeunes personnes douces et jolies ; d’hommes éclairés, spirituels, et de gens lourds et stupides. Tous ces individus si opposés se rassemblent pourtant sous l’étendard de la fortune ou des dignités, et marchent quelquefois de concert. Un homme de qualité, qui a des connoissances et du goût, préfère souvent de s’ennuyer avec les sots qu’il rencontre dans le monde, à aller s’amuser avec des gens instruits qui ont une existence ignorée. Il y a mille femmes à Paris, remplies d’esprit, de graces, et qui ne se trouvent jamais qu’avec des douairières enluminées, et ne reçoivent que les tristes hommages de vieux militaires ou d’ennuyeux robins.

Un sot, tel riche qu’il puisse être, quelqu’illustre que soit son origine, est plus déplacé, selon moi, dans une société d’hommes agréables et légers, qu’un pauvre dans un cercle de financiers. Donnez à ce misérable un habit brodé et quelques pièces d’or, il paroîtra l’égal de ceux qui l’environnent ; mais cet être stupide qui n’a que l’air de l’insolence et le regard de la bêtise, toutes les puissances de la terre ne le mettront jamais au niveau des hommes aimables qui répandent sur leurs idées le vernis de l’esprit ou le charme du sentiment.

Au lieu de ne chercher ses amis que dans la classe des riches et des gens de qualité, il me semble qu’il vaudroit mieux des prendre par-tout où ils peuvent se rencontrer. La société n’offriroit plus ces contrastes bizarres qui coquent celui qui veut y pénétrer. Tous ceux qui ont reçu de la nature une ame belle et sensible, ne passeroient pas leurs plus beaux jours avec des êtres froids et sans délicatesse. L’homme de génie ne seroit plus excédé des questions que lui font les pygmées qui l’environnent. Les sots réunis ne se mépriseroient plus. Les ignorans ne seroient plus humiliés par les éclairs de l’esprit qui découvrent à tous les yeux leur ténébreuse difformité. Les méchans, s’ils se nuisoient encore, vengeroient la vertu qu’ils ont fait souffrir.

Tous les hommes, unis par les mêmes passions, par les mêmes facultés de l’ame, soumis aux loix de la nature, imiteroient les habitans des airs, qui ne se mêlent pas avec une espèce différente de la leur, quoiqu’ils ayent à-peu-près le même plumage. Les héros, les philosophes, comme l’aigle superbe, planeroient au-dessus de l’humanité dans les régions de la gloire. La femme tendre et fidèle soulageroit son cœur, et feroit entendre les doux accens de l’amour, comme la timide fauvette qui voltige dans la prairie. Semblable à l’oiseau nocturne qui n’ose s’exposer à la clarté du jour, le méchant fuiroit dans les ténèbres.

On ne verroit plus alors de ces alliances si funestes aux époux. Une jeune femme, vive et légère, ne sentiroit plus sa joie mou-rir au fond de son cœur, en contemplant son mari triste et jaloux. Les graces ne seroient point unies à la laideur ; la délicatesse ne seroit jamais liée à la brutalité, ni l’esprit soumis à la sotise.

XXXVIII. Discours. Sur l’inconvénient des Sociétés formées par la vanité. Je ne trouve rien de plus ridicule, de plus contrainte à la raison, que ce mélange de vieillards sombres, grondeurs, et de jeunes gens aimables, enjoués ; de femmes laides, impérieuses, et de jeunes personnes douces et jolies ; d’hommes éclairés, spirituels, et de gens lourds et stupides. Tous ces individus si opposés se rassemblent pourtant sous l’étendard de la fortune ou des dignités, et marchent quelquefois de concert. Un homme de qualité, qui a des connoissances et du goût, préfère souvent de s’ennuyer avec les sots qu’il rencontre dans le monde, à aller s’amuser avec des gens instruits qui ont une existence ignorée. Il y a mille femmes à Paris, remplies d’esprit, de graces, et qui ne se trouvent jamais qu’avec des douairières enluminées, et ne reçoivent que les tristes hommages de vieux militaires ou d’ennuyeux robins. Un sot, tel riche qu’il puisse être, quelqu’illustre que soit son origine, est plus déplacé, selon moi, dans une société d’hommes agréables et légers, qu’un pauvre dans un cercle de financiers. Donnez à ce misérable un habit brodé et quelques pièces d’or, il paroîtra l’égal de ceux qui l’environnent ; mais cet être stupide qui n’a que l’air de l’insolence et le regard de la bêtise, toutes les puissances de la terre ne le mettront jamais au niveau des hommes aimables qui répandent sur leurs idées le vernis de l’esprit ou le charme du sentiment. Au lieu de ne chercher ses amis que dans la classe des riches et des gens de qualité, il me semble qu’il vaudroit mieux des prendre par-tout où ils peuvent se rencontrer. La société n’offriroit plus ces contrastes bizarres qui coquent celui qui veut y pénétrer. Tous ceux qui ont reçu de la nature une ame belle et sensible, ne passeroient pas leurs plus beaux jours avec des êtres froids et sans délicatesse. L’homme de génie ne seroit plus excédé des questions que lui font les pygmées qui l’environnent. Les sots réunis ne se mépriseroient plus. Les ignorans ne seroient plus humiliés par les éclairs de l’esprit qui découvrent à tous les yeux leur ténébreuse difformité. Les méchans, s’ils se nuisoient encore, vengeroient la vertu qu’ils ont fait souffrir. Tous les hommes, unis par les mêmes passions, par les mêmes facultés de l’ame, soumis aux loix de la nature, imiteroient les habitans des airs, qui ne se mêlent pas avec une espèce différente de la leur, quoiqu’ils ayent à-peu-près le même plumage. Les héros, les philosophes, comme l’aigle superbe, planeroient au-dessus de l’humanité dans les régions de la gloire. La femme tendre et fidèle soulageroit son cœur, et feroit entendre les doux accens de l’amour, comme la timide fauvette qui voltige dans la prairie. Semblable à l’oiseau nocturne qui n’ose s’exposer à la clarté du jour, le méchant fuiroit dans les ténèbres. On ne verroit plus alors de ces alliances si funestes aux époux. Une jeune femme, vive et légère, ne sentiroit plus sa joie mou-rir au fond de son cœur, en contemplant son mari triste et jaloux. Les graces ne seroient point unies à la laideur ; la délicatesse ne seroit jamais liée à la brutalité, ni l’esprit soumis à la sotise.