Le Spectateur français avant la révolution: XXXIV. Discours.

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Niveau 1

XXXIV. Discours.

Sur une Lettre de M. de Voltaire.

Niveau 2

Peut-être accusera-t-on le Spectateur d’une vanité puérile, parce qu’il se pare quelquefois des éloges de Voltaire. Je le sais, on pourroit reprocher à cet aigle de la littérature française de n’avoir pas toujours été assez difficile en ennemis, et de s’être montré souvent trop indulgent envers la médiocrité qui recherchoit son suffrage. Mais, comme on le verra, en lui faisant passer quelques-unes de mes productions, je me dérobois à ses remercimens, et je ne desirois de lui qu’une estime silencieuse. Si l’on m’objectoit que cette lettre est étrangère à l’ouvrage du Spectateur, je répandrois qu’elle ne l’est pas à son auteur, et qu’il doit être permis d’opposer un suffrage aussi éclatant au ton ridiculement dédaigneux de deux journalistes qui n’ont pas respecté le malheur, et sembloient regretter que je n’eusse pas succombé sous les traits empoisonnés de la calomnie. Cette lettre rappellera que si je suis aussi loin du talent des Cicéron, des Tacite, des Pline le jeune, que de leurs siècles, j’ai néanmoins, à leur exemple, tâché de concilier les fonctions d’avocat avec celles de littérateur ; que j’ai partagé me vie entre les affaires privées et les affaires publiques ; que j’ai toujours travaillé, et pour les citoyens et pour la patrie, quoique je me sois attendu à ne recueillir qu’ingratitude des uns et qu’injustice de l’autre. Lettre

Citation/Devise

De M. de Voltaire.

Niveau 3

Lettre/Lettre au directeur

Il semble, Monsieur, qu’en adoucissant les maux de ma vieillesse et en consolant ma solitude par la lecture de vos agréables ouvrages, vous ayiez voulu me priver du plaisir de vous en remercier. Vous ne m’avez point donné votre adresse ; il y a plusieurs personnes à Paris qui portent votre nom, quoiqu’il n’y ait que vous qui le rendiez célèbre. Je hazard e <sic> mes remercimens chez votre libraire. Il a imprimé peu de mémoires aussi bien faits que ceux pour la Rosière : ils sont les premiers, je crois, qui ayent introduit les graces dans l’éloquence du barreau. Celui contre le duc de Guines me semble discuter les probabilités avec beaucoup de vraisemblance ; car les hommes ne peuvent juger que par les probabilités : la certitude n’est guère faite pour eux, et voilà pourquoi j’ai toujours pensé que notre code criminel est aussi absurde que barbare. Il n’y a guère de tribunal en France qui n’ait rendu des jugemens affreux et iniques, pour avoir mal raisonné plutôt que pour avoir eu l’intention de condamner l’innocence. J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime et la reconnoissance que je vous dois, Monsieur, etc. Voltaire. A Fernay, le 21 janvier 1775.