Le Mentor moderne: Discours XLIX.
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Livello 1
Discours XLIX.
Citazione/Motto
Sic honor & nomen Divinis
Vatibus atque Carminibus venit.
Horat.
C’est ainsi que les Poetes donnent une réputation immortelle à eux-mêmes, & à leurs ouvrages.Livello 2
Metatestualità
La Tragédie intitulée Caton a
extremement augmenté le nombre de mes Correspondans ; mais
j’espere, qu’aucun d’entre eux ne trouvera mauvais, que je
commence par inserer les lettres, qui m’ont été écrites sur
ce sujet par plusieurs membres de notre Université la plus
fameuse. Je donnerai le premier rang à celle que j’ai reçue
du plus jeune fils de Myladi Lizard, jeunhomme qui donne de
grandes espérances, & qui se dévoue entiérement à
l’Etude de la Théologie.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
« Monsieur, Je ne saurois vous
remercier assez du Caton dont vous avez eu la bonté de
me faire présent. Je l’ai lu & relu, avec toute
l’attention, & tout le plaisir imaginable. Vous
voulez que je vous en dise mon sentiment, & en même
tems vous me complimentez sur le gout que j’ai acquis,
par la Lecture continuelle des Poetes anciens. Mais, je
vous dirai, Monsieur, au hazard de décréditer chez vous
mon prétendu discernement, que la piece que vous m’avez
envoyée, surpasse à mon avis tout ce que les Anciens ont
fait de plus excellent dans ce genre. Vous savez, que
depuis un certain tems, j’ai laissé là ces sortes de
Lectures, & que m’étant entiérement appliqué à la
Théologie, je ne me familiarise plus qu’avec les vers de
ces poetes, qui ont été inspirez véritablement. Mais, je
n’aurois jamais cru, qu’une tragédie moderne eut pu se
lier si facilement à de si serieuses études ; & je
ne m’attendois pas à une poesie si noble uniquement
destinée à prester un nouvel éclat aux
sentimens les plus beaux, & les plus vertueux.
Quelle justesse, & quelle Elégance, ne voit-on pas
s’unir dans cette Réflexion de Portius ? Toute la Piece est admirable, &
si j’en cite un endroit plutôt qu’un autre, c’est moins
par ce que j’y trouve quelque beauté
particuliere, que parce que j’y découvre des sentiments
vertueux & des preceptes de morale, qu’on n’avoit
jamais songé auparavant à mettre dans la bouche d’un
Acteur Anglois. J’en suis charmé pour l’amour de ce
Siecle, & je félicite mes compatriotes du gout pour
la vertu, qu’ils ont fait paroitre en donnant à cette
tragédie des applaudissements si genéreux & si
souvent répetez. Par là ils se sont noblement lavé d’une
tache, dont un auteur de ce temps a voulu les noircir ;
permettez moy de copier ses parolles : C’est à présent que
l’éloge, que donne cet Auteur à nos dépens au peuple
Romain, peut être appliqué dans toute son étendue à la
Nation Britannique, qui s’est montrée sensible au
dernier point à des passages de notre Tragedie qui
n’expriment que des sentimens de vertu.
Tel est celui-ci, où Caton raisonne sur l’immortalité de
l’ame, & sur le sort qui attend les hommes après
cette vie : Cette espece d’argument, qui s’addresse à la
raison plutôt qu’au cœur, peut être mis en Parallele,
avec l’endroit cité de Terence ; &, puisque vous
m’assurez, qu’il s’est attiré les applaudissemens de
tout notre Parterre, il me semble que l’Auteur, dont je
viens de parler, devroit bien se repentir de sa decision
hardie, & rendre justice au caractere de ses
Compatriotes. Pour moi, je m’imagine, que
jusqu’ici la Poesie des Anciens a été supérieure à la
nôtre, & non pas leur vertu. Nous en voyons dans nos
jours la preuve la plus sensible. Dès que nos Pieces
Dramatiques ont égalé les leurs, le cœur des Anglois a
été susceptible de la même sensibilité, qu’on a admiré
dans l’ame des fameux Romains. Quelque différence, qu’on
puisse remarquer dans les opinions & dans les
penchants des hommes, il est certain qu’ils s’accordent
toujours dans le desir de faire honneur à une Personne,
qui fait honneur à une Patrie. La prevention des sectes
différentes, & le zele des factions, ont paru
dissipez & calmez dans ce Royaume, par le Caractere
de Caton, qui n’a fait songer tous les Anglois qu’à
l’amour qu’ils devoient au bien public. Qui de nous ne
voudroit pas se servir de ces Expressions, que Juba
addresse à la fille de cet incomparable Romain ? Je croi
qu’on peut dire sans exagération, que les Romains mêmes
n’ont pas tiré, de la vertu de leur Défenseur, d’aussi
grands avantages, que ceux que la répresentation de ses
grandes qualitez a procurez à la Grande Bretagne. Le
Caton de notre Théatre donne plus de noblesse à notre
langage, aussi bien qu’à nos sentimens ; & il ne
sera jamais au pouvoir de la Tyrannie de le faire
mourir. Je suis &c. Guillaume Lizard. »
Citazione/Motto
Les sentiers Tortueux, qae
<sic>suit la Providence, Eludent tout effort
de l’humaine science ;
Ce Labyrinthe obscur, dans ses fréquens detours
A la fiere raison n’offre que de faux jours ;
Des excez de sagesse ont pour nous l’air bisarre.
Plus on se croit au but, & plus l’esprit s’égare
Et faute d’embrasser un plan vaste & total,
On ne sait qu’en partie, & l’on décide mal ;
L’ordre à nos yeux paroit confusion entiere
Et nous trouvons la nuit, où regne la Lumiere.
Ce Labyrinthe obscur, dans ses fréquens detours
A la fiere raison n’offre que de faux jours ;
Des excez de sagesse ont pour nous l’air bisarre.
Plus on se croit au but, & plus l’esprit s’égare
Et faute d’embrasser un plan vaste & total,
On ne sait qu’en partie, & l’on décide mal ;
L’ordre à nos yeux paroit confusion entiere
Et nous trouvons la nuit, où regne la Lumiere.
Livello 4
Dans la premiere Scene de
la Comedie de Terence intitulée le Bourreau de
soi-même, un des Vieillards accusé d’indiscretion
par l’autre, des affaires duquel il s’informe par
bonté de cœur, repond ainsi : Je suis un homme,
& mon cœur est sensible à toutes les disgraces,
qui arrivent à ceux qui sont hommes comme moi. Tout
le Parterre Romain honora cette sentence d’un
applaudissement universel, & il me semble, que
c’étoit une preuve bien évidente du mérite de tout
ce peuple. Il faut avoir l’esprit bien fait, &
le cœur genéreux & &
<sic> sensible, pour être touché avec tant de
force par un simple sentiment d’humanité, exprimé
d’une maniere, & sans le moindre ornement.
Quelque habileté qu’on puisse supposer dans
l’Acteur, qui prononça ces paroles, il n’étoit pas
possible qu’elles produisissent un si heureux effet,
sinon sur un peuple sensible au devoirs de
l’humanité, & assez éclairé pour faire sur ses
devoirs des reflexions fines, & déliées.
Peut-être cet Acteur s’est-il mis la main sur la
poitrine, & par un air attendri, par une
Phisionomie insinuante, a-t-il encore mieux fait
entendre, que par son discours, qu’il s’interessoit
tendrement dans le malheur de son prochain. Je suis
sûr néanmoins, que quelqu’attitude touchante, dont
un de nos Comediens sût accompagner cette même
sentence, il ne feroit pas la moindre impression sur
notre Parterre Anglois.
Citazione/Motto
Mon foible
Esprit se perd dans ces incertitudes : Elles
plongent mon cœur dans mille inquiétudes.
Mais, un Principe est sur : Un souverain Pouvoir
Dans l’Univers entier nous force de le voir.
Sans bornes grand & sage il abhorre les Vices :
La sublime Vertu doit faire ses Délices :
Ce qui plait à cet Etre aimable & redouté
Doit conduire un mortel à la félicité.
Mais, un Principe est sur : Un souverain Pouvoir
Dans l’Univers entier nous force de le voir.
Sans bornes grand & sage il abhorre les Vices :
La sublime Vertu doit faire ses Délices :
Ce qui plait à cet Etre aimable & redouté
Doit conduire un mortel à la félicité.
Citazione/Motto
Sur le Divin Caton
toujours mon œil s’arrête, A me changer en lui tout
mon esprit s’apprête,
Je veux enter sur moi par des soins assidus
Les Fertiles Rameaux de toutes ses vertus ;
Il faut que dans mon cœur, son Caractere brille,
Et qu’un Prince Africain soit digne de sa fille.
Je veux enter sur moi par des soins assidus
Les Fertiles Rameaux de toutes ses vertus ;
Il faut que dans mon cœur, son Caractere brille,
Et qu’un Prince Africain soit digne de sa fille.
Autre Lettre sur le même sujet.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
« Oxford le 7 de May.
Monsieur, Je vous trouve aussi prudent dans votre
conduite, qu’un Vieillard le peut être
naturellement. Vous n’avez garde de risquer l’honneur de
votre discernement, à l’éxemple d’un de vos Collegues
qui depuis peu a voulu prévenir le public en faveur
d’une piece, avant qu’elle füt joüée. Pour vous,
Monsieur, vous avez attendu que Caton eut entrainé les
suffrages de toute la Grande Bretagne ; & ensuite
vous nous avez dit hardiment, que vous êtes de l’opinion
de tout le monde. Voyez vous même, s’il vous plait, si
ce procédé convient à un précepteur general de toute la
Nation, & s’il n’est pas de votre devoir, de nous
indiquer les plaisirs qui sont dignes de nous, & de
regler notre gout, & nos applaudissements. Je vous
trouve pourtant un peu excusable dans cette occasion, où
le simple bon-sens devoit prévenir vos préceptes. A la
premiere Lecture, tout notre College a été egalement
charmé de cette excellente piece, & vous voyez par
là qu’on nous accuse à tort nous autres membres de cette
Université, quand on dit, que nous avons résolu que, Nul
n’aura de l’Esprit que nous & nos amis. Pour vous persuader encore plus fortement du
contraire, je vous asseurerai que nous sommes presque
tous Vos très humbles & très-obeissans serviteurs. »
Autre Lettre.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
« Oxford le 7 de May.
Monsieur, Si l’on gardoit le silence, dans le le
<sic> séjour des Muses, lorsque Londres se déclare
à haute voix pour la Tragedie de Caton, on pourroit
soupçonner notre Université de n’aimer ni la Patrie ni
les belles-lettres, & le titre d’Alma Mater ne lui
conviendroit pas. Pour vous faire voir, Monsieur,
qu’elle est fort éloignéé de mériter un soupçon si
injurieux, je vous dirai, que malgré l’estime
extraordinaire que les autres ouvrages de l’Auteur de
cette piece nous avoient inspiré pour lui, nous avons
été surpris de ce dernier effort de son genie. Desormais César ne sera plus un Heros dans
nos déclamations : cette Tragédie à dissipé tout d’un
coup les faux-jours sous lesquels l’adulation des
Poetes, & des Historiens, nous l’avoient fait
considérer. Ce ne sera plus que le Meurtrier du meilleur
des hommes, & l’infame Tyran de sa Patrie. Caton, de
la maniere qu’il nous est réprésenté ici, rependra sur
la mémoire de cet Usurpateur un nuage plus noir, que
celui dont l’Image de ce grand-homme a paru envelopper
le triomphe de son ennemi. Si cette admirable piece
avoit vu le jour sous le regne d’Auguste, ce seroit
autant de siecles de perdu pour la réputation de César,
& l’on n’auroit pas pu faire un plus grand afront
aux souverains, que de les appeller d’un nom, dont la
flatterie est à present si prodigue. Ce n’est pas un
petit honneur pour notre siecle, d’avoir produit un
homme capable de rectifier ces idées dangereuses, &
la postérité la plus recultée trouvera un vaste champ de
réflexions, en voyant que cette tragédie a été jouée
avec un applaudissement général l’an 1713. Je suis
&c. P.S. La traduction Françoise de
Caton, qui est sous presse, sera j’espere in usum
Delphini. »