Discours XLIX. Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Hannah Bakanitsch Mitarbeiter Lilith Burger Mitarbeiter Elisabeth Hobisch Herausgeber Veronika Mussner Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 19.04.2017 o:mws.6485 Justus Van Effen : Le Mentor moderne ou Discours sur les mœurs du siècle ; traduit de l'Anglois du Guardian de Mrs Addisson, Steele, et autres Auteurs du Spectateur. La Haye : Frères Vaillant et N. Prévost, Tome I, 483-494 Le Mentor moderne 1 049 1723 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Theater Literatur Kunst Teatro Letteratura Arte Theatre Literature Arts Teatro Literatura Arte Théâtre Littérature Art England Inghilterra England Inglaterra Angleterre United Kingdom Oxford Oxford -1.25596,51.75222 United Kingdom -2.69531,54.75844 United Kingdom London London -0.12574,51.50853 France 2.0,46.0

Discours XLIX.

Sic honor & nomen Divinis Vatibus atque Carminibus venit.

Horat.

C’est ainsi que les Poetes donnent une réputation immortelle à eux-mêmes, & à leurs ouvrages.

La Tragédie intitulée Caton a extremement augmenté le nombre de mes Correspondans ; mais j’espere, qu’aucun d’entre eux ne trouvera mauvais, que je commence par inserer les lettres, qui m’ont été écrites sur ce sujet par plusieurs membres de notre Université la plus fameuse. Je donnerai le premier rang à celle que j’ai reçue du plus jeune fils de Myladi Lizard, jeunhomme qui donne de grandes espérances, & qui se dévoue entiérement à l’Etude de la Théologie.

« Monsieur,

Je ne saurois vous remercier assez du Caton dont vous avez eu la bonté de me faire présent. Je l’ai lu & relu, avec toute l’attention, & tout le plaisir imaginable. Vous voulez que je vous en dise mon sentiment, & en même tems vous me complimentez sur le gout que j’ai acquis, par la Lecture continuelle des Poetes anciens. Mais, je vous dirai, Monsieur, au hazard de décréditer chez vous mon prétendu discernement, que la piece que vous m’avez envoyée, surpasse à mon avis tout ce que les Anciens ont fait de plus excellent dans ce genre. Vous savez, que depuis un certain tems, j’ai laissé là ces sortes de Lectures, & que m’étant entiérement appliqué à la Théologie, je ne me familiarise plus qu’avec les vers de ces poetes, qui ont été inspirez véritablement. Mais, je n’aurois jamais cru, qu’une tragédie moderne eut pu se lier si facilement à de si serieuses études ; & je ne m’attendois pas à une poesie si noble uniquement destinée à prester un nou-vel éclat aux sentimens les plus beaux, & les plus vertueux. Quelle justesse, & quelle Elégance, ne voit-on pas s’unir dans cette Réflexion de Portius ?

Les sentiers Tortueux, qae <sic>suit la Providence, Eludent tout effort de l’humaine science ;Ce Labyrinthe obscur, dans ses fréquens detoursA la fiere raison n’offre que de faux jours ;Des excez de sagesse ont pour nous l’air bisarre.Plus on se croit au but, & plus l’esprit s’égareEt faute d’embrasser un plan vaste & total,On ne sait qu’en partie, & l’on décide mal ;L’ordre à nos yeux paroit confusion entiereEt nous trouvons la nuit, où regne la Lumiere.

Toute la Piece est admirable, & si j’en cite un endroit plutôt qu’un autre, c’est moins par ce que j’y trou-ve quelque beauté particuliere, que parce que j’y découvre des sentiments vertueux & des preceptes de morale, qu’on n’avoit jamais songé auparavant à mettre dans la bouche d’un Acteur Anglois. J’en suis charmé pour l’amour de ce Siecle, & je félicite mes compatriotes du gout pour la vertu, qu’ils ont fait paroitre en donnant à cette tragédie des applaudissements si genéreux & si souvent répetez. Par là ils se sont noblement lavé d’une tache, dont un auteur de ce temps a voulu les noircir ; permettez moy de copier ses parolles :

Dans la premiere Scene de la Comedie de Terence intitulée le Bourreau de soi-même, un des Vieillards accusé d’indiscretion par l’autre, des affaires duquel il s’informe par bonté de cœur, repond ainsi : Je suis un homme, & mon cœur est sensible à toutes les disgraces, qui arrivent à ceux qui sont hommes comme moi. Tout le Parterre Romain honora cette sentence d’un applaudissement universel, & il me semble, que c’étoit une preuve bien évidente du mérite de tout ce peuple. Il faut avoir l’esprit bien fait, & le cœur genéreux & & <sic> sensible, pour être touché avec tant de force par un simple sentiment d’humanité, exprimé d’une maniere, & sans le moindre ornement.

Quelque habileté qu’on puisse supposer dans l’Acteur, qui prononça ces paroles, il n’étoit pas possible qu’elles produisissent un si heureux effet, sinon sur un peuple sensible au devoirs de l’humanité, & assez éclairé pour faire sur ses devoirs des reflexions fines, & déliées. Peut-être cet Acteur s’est-il mis la main sur la poitrine, & par un air attendri, par une Phisionomie insinuante, a-t-il encore mieux fait entendre, que par son discours, qu’il s’interessoit tendrement dans le malheur de son prochain. Je suis sûr néanmoins, que quelqu’attitude touchante, dont un de nos Comediens sût accompagner cette même sentence, il ne feroit pas la moindre impression sur notre Parterre Anglois.

C’est à présent que l’éloge, que donne cet Auteur à nos dépens au peuple Romain, peut être appliqué dans toute son étendue à la Nation Britannique, qui s’est montrée sensible au dernier point à des passages de notre Tragedie qui n’expriment que des sentimens de vertu. Tel est celui-ci, où Caton raisonne sur l’immortalité de l’ame, & sur le sort qui attend les hommes après cette vie :

Mon foible Esprit se perd dans ces incertitudes : Elles plongent mon cœur dans mille inquiétudes.Mais, un Principe est sur : Un souverain PouvoirDans l’Univers entier nous force de le voir.Sans bornes grand & sage il abhorre les Vices :La sublime Vertu doit faire ses Délices :Ce qui plait à cet Etre aimable & redoutéDoit conduire un mortel à la félicité.

Cette espece d’argument, qui s’addresse à la raison plutôt qu’au cœur, peut être mis en Parallele, avec l’endroit cité de Terence ; &, puisque vous m’assurez, qu’il s’est attiré les applaudissemens de tout notre Parterre, il me semble que l’Auteur, dont je viens de parler, devroit bien se repentir de sa decision hardie, & rendre justice au caractere de ses Compatriotes.

Pour moi, je m’imagine, que jusqu’ici la Poesie des Anciens a été supérieure à la nôtre, & non pas leur vertu.

Nous en voyons dans nos jours la preuve la plus sensible. Dès que nos Pieces Dramatiques ont égalé les leurs, le cœur des Anglois a été susceptible de la même sensibilité, qu’on a admiré dans l’ame des fameux Romains.

Quelque différence, qu’on puisse remarquer dans les opinions & dans les penchants des hommes, il est certain qu’ils s’accordent toujours dans le desir de faire honneur à une Personne, qui fait honneur à une Patrie. La prevention des sectes différentes, & le zele des factions, ont paru dissipez & calmez dans ce Royaume, par le Caractere de Caton, qui n’a fait songer tous les Anglois qu’à l’amour qu’ils devoient au bien public. Qui de nous ne voudroit pas se servir de ces Expressions, que Juba addresse à la fille de cet incomparable Romain ?

Sur le Divin Caton toujours mon œil s’arrête, A me changer en lui tout mon esprit s’apprête, Je veux enter sur moi par des soins assidusLes Fertiles Rameaux de toutes ses vertus ;Il faut que dans mon cœur, son Caractere brille,Et qu’un Prince Africain soit digne de sa fille.

Je croi qu’on peut dire sans exagération, que les Romains mêmes n’ont pas tiré, de la vertu de leur Défenseur, d’aussi grands avantages, que ceux que la répresentation de ses grandes qualitez a procurez à la Grande Bretagne. Le Caton de notre Théatre donne plus de noblesse à notre langage, aussi bien qu’à nos sentimens ; & il ne sera jamais au pouvoir de la Tyrannie de le faire mourir. Je suis &c.

Guillaume Lizard. »

Autre Lettre sur le même sujet.

« Oxford le 7 de May.

Monsieur,

Je vous trouve aussi prudent dans votre conduite, qu’un Vieillard le peut être naturellement. Vous n’avez garde de risquer l’honneur de votre discernement, à l’éxemple d’un de vos Collegues qui depuis peu a voulu prévenir le public en faveur d’une piece, avant qu’elle füt joüée. Pour vous, Monsieur, vous avez attendu que Caton eut entrainé les suffrages de toute la Grande Bretagne ; & ensuite vous nous avez dit hardiment, que vous êtes de l’opinion de tout le monde. Voyez vous même, s’il vous plait, si ce procédé convient à un précepteur general de toute la Nation, & s’il n’est pas de votre devoir, de nous indiquer les plaisirs qui sont dignes de nous, & de regler notre gout, & nos applaudissements. Je vous trouve pourtant un peu excusable dans cette occasion, où le simple bon-sens devoit prévenir vos préceptes. A la premiere Lecture, tout notre College a été egalement charmé de cette excellente piece, & vous voyez par là qu’on nous accuse à tort nous autres membres de cette Université, quand on dit, que nous avons résolu que,

Nul n’aura de l’Esprit que nous & nos amis.

Pour vous persuader encore plus fortement du contraire, je vous asseurerai que nous sommes presque tous

Vos très humbles & très-obeissans serviteurs. »

Autre Lettre.

« Oxford le 7 de May.

Monsieur,

Si l’on gardoit le silence, dans le le <sic> séjour des Muses, lorsque Londres se déclare à haute voix pour la Tragedie de Caton, on pourroit soupçonner notre Université de n’aimer ni la Patrie ni les belles-lettres, & le titre d’Alma Mater ne lui conviendroit pas.

Pour vous faire voir, Monsieur, qu’elle est fort éloignéé de mériter un soupçon si injurieux, je vous dirai, que malgré l’estime extraordinaire que les autres ouvrages de l’Auteur de cette piece nous avoient inspiré pour lui, nous avons été surpris de ce dernier effort de son genie.

Desormais César ne sera plus un Heros dans nos déclamations : cette Tragédie à dissipé tout d’un coup les faux-jours sous lesquels l’adulation des Poetes, & des Historiens, nous l’avoient fait considérer. Ce ne sera plus que le Meurtrier du meilleur des hommes, & l’infame Tyran de sa Patrie. Caton, de la maniere qu’il nous est réprésenté ici, rependra sur la mémoire de cet Usurpateur un nuage plus noir, que celui dont l’Image de ce grand-homme a paru envelopper le triomphe de son ennemi. Si cette admirable piece avoit vu le jour sous le regne d’Auguste, ce seroit autant de siecles de perdu pour la réputation de César, & l’on n’auroit pas pu faire un plus grand afront aux souverains, que de les appeller d’un nom, dont la flatterie est à present si prodigue. Ce n’est pas un petit honneur pour notre siecle, d’avoir produit un homme capable de rectifier ces idées dangereuses, & la postérité la plus recultée trouvera un vaste champ de réflexions, en voyant que cette tragédie a été jouée avec un applaudissement général l’an 1713. Je suis &c.

P.S. La traduction Françoise de Caton, qui est sous presse, sera j’espere in usum Delphini. »

Discours XLIX. Sic honor & nomen Divinis Vatibus atque Carminibus venit. Horat. C’est ainsi que les Poetes donnent une réputation immortelle à eux-mêmes, & à leurs ouvrages. La Tragédie intitulée Caton a extremement augmenté le nombre de mes Correspondans ; mais j’espere, qu’aucun d’entre eux ne trouvera mauvais, que je commence par inserer les lettres, qui m’ont été écrites sur ce sujet par plusieurs membres de notre Université la plus fameuse. Je donnerai le premier rang à celle que j’ai reçue du plus jeune fils de Myladi Lizard, jeunhomme qui donne de grandes espérances, & qui se dévoue entiérement à l’Etude de la Théologie. « Monsieur, Je ne saurois vous remercier assez du Caton dont vous avez eu la bonté de me faire présent. Je l’ai lu & relu, avec toute l’attention, & tout le plaisir imaginable. Vous voulez que je vous en dise mon sentiment, & en même tems vous me complimentez sur le gout que j’ai acquis, par la Lecture continuelle des Poetes anciens. Mais, je vous dirai, Monsieur, au hazard de décréditer chez vous mon prétendu discernement, que la piece que vous m’avez envoyée, surpasse à mon avis tout ce que les Anciens ont fait de plus excellent dans ce genre. Vous savez, que depuis un certain tems, j’ai laissé là ces sortes de Lectures, & que m’étant entiérement appliqué à la Théologie, je ne me familiarise plus qu’avec les vers de ces poetes, qui ont été inspirez véritablement. Mais, je n’aurois jamais cru, qu’une tragédie moderne eut pu se lier si facilement à de si serieuses études ; & je ne m’attendois pas à une poesie si noble uniquement destinée à prester un nou-vel éclat aux sentimens les plus beaux, & les plus vertueux. Quelle justesse, & quelle Elégance, ne voit-on pas s’unir dans cette Réflexion de Portius ? Les sentiers Tortueux, qae <sic>suit la Providence, Eludent tout effort de l’humaine science ;Ce Labyrinthe obscur, dans ses fréquens detoursA la fiere raison n’offre que de faux jours ;Des excez de sagesse ont pour nous l’air bisarre.Plus on se croit au but, & plus l’esprit s’égareEt faute d’embrasser un plan vaste & total,On ne sait qu’en partie, & l’on décide mal ;L’ordre à nos yeux paroit confusion entiereEt nous trouvons la nuit, où regne la Lumiere. Toute la Piece est admirable, & si j’en cite un endroit plutôt qu’un autre, c’est moins par ce que j’y trou-ve quelque beauté particuliere, que parce que j’y découvre des sentiments vertueux & des preceptes de morale, qu’on n’avoit jamais songé auparavant à mettre dans la bouche d’un Acteur Anglois. J’en suis charmé pour l’amour de ce Siecle, & je félicite mes compatriotes du gout pour la vertu, qu’ils ont fait paroitre en donnant à cette tragédie des applaudissements si genéreux & si souvent répetez. Par là ils se sont noblement lavé d’une tache, dont un auteur de ce temps a voulu les noircir ; permettez moy de copier ses parolles : Dans la premiere Scene de la Comedie de Terence intitulée le Bourreau de soi-même, un des Vieillards accusé d’indiscretion par l’autre, des affaires duquel il s’informe par bonté de cœur, repond ainsi : Je suis un homme, & mon cœur est sensible à toutes les disgraces, qui arrivent à ceux qui sont hommes comme moi. Tout le Parterre Romain honora cette sentence d’un applaudissement universel, & il me semble, que c’étoit une preuve bien évidente du mérite de tout ce peuple. Il faut avoir l’esprit bien fait, & le cœur genéreux & & <sic> sensible, pour être touché avec tant de force par un simple sentiment d’humanité, exprimé d’une maniere, & sans le moindre ornement. Quelque habileté qu’on puisse supposer dans l’Acteur, qui prononça ces paroles, il n’étoit pas possible qu’elles produisissent un si heureux effet, sinon sur un peuple sensible au devoirs de l’humanité, & assez éclairé pour faire sur ses devoirs des reflexions fines, & déliées. Peut-être cet Acteur s’est-il mis la main sur la poitrine, & par un air attendri, par une Phisionomie insinuante, a-t-il encore mieux fait entendre, que par son discours, qu’il s’interessoit tendrement dans le malheur de son prochain. Je suis sûr néanmoins, que quelqu’attitude touchante, dont un de nos Comediens sût accompagner cette même sentence, il ne feroit pas la moindre impression sur notre Parterre Anglois. C’est à présent que l’éloge, que donne cet Auteur à nos dépens au peuple Romain, peut être appliqué dans toute son étendue à la Nation Britannique, qui s’est montrée sensible au dernier point à des passages de notre Tragedie qui n’expriment que des sentimens de vertu. Tel est celui-ci, où Caton raisonne sur l’immortalité de l’ame, & sur le sort qui attend les hommes après cette vie : Mon foible Esprit se perd dans ces incertitudes : Elles plongent mon cœur dans mille inquiétudes.Mais, un Principe est sur : Un souverain PouvoirDans l’Univers entier nous force de le voir.Sans bornes grand & sage il abhorre les Vices :La sublime Vertu doit faire ses Délices :Ce qui plait à cet Etre aimable & redoutéDoit conduire un mortel à la félicité. Cette espece d’argument, qui s’addresse à la raison plutôt qu’au cœur, peut être mis en Parallele, avec l’endroit cité de Terence ; &, puisque vous m’assurez, qu’il s’est attiré les applaudissemens de tout notre Parterre, il me semble que l’Auteur, dont je viens de parler, devroit bien se repentir de sa decision hardie, & rendre justice au caractere de ses Compatriotes. Pour moi, je m’imagine, que jusqu’ici la Poesie des Anciens a été supérieure à la nôtre, & non pas leur vertu. Nous en voyons dans nos jours la preuve la plus sensible. Dès que nos Pieces Dramatiques ont égalé les leurs, le cœur des Anglois a été susceptible de la même sensibilité, qu’on a admiré dans l’ame des fameux Romains. Quelque différence, qu’on puisse remarquer dans les opinions & dans les penchants des hommes, il est certain qu’ils s’accordent toujours dans le desir de faire honneur à une Personne, qui fait honneur à une Patrie. La prevention des sectes différentes, & le zele des factions, ont paru dissipez & calmez dans ce Royaume, par le Caractere de Caton, qui n’a fait songer tous les Anglois qu’à l’amour qu’ils devoient au bien public. Qui de nous ne voudroit pas se servir de ces Expressions, que Juba addresse à la fille de cet incomparable Romain ? Sur le Divin Caton toujours mon œil s’arrête, A me changer en lui tout mon esprit s’apprête, Je veux enter sur moi par des soins assidusLes Fertiles Rameaux de toutes ses vertus ;Il faut que dans mon cœur, son Caractere brille,Et qu’un Prince Africain soit digne de sa fille. Je croi qu’on peut dire sans exagération, que les Romains mêmes n’ont pas tiré, de la vertu de leur Défenseur, d’aussi grands avantages, que ceux que la répresentation de ses grandes qualitez a procurez à la Grande Bretagne. Le Caton de notre Théatre donne plus de noblesse à notre langage, aussi bien qu’à nos sentimens ; & il ne sera jamais au pouvoir de la Tyrannie de le faire mourir. Je suis &c. Guillaume Lizard. » Autre Lettre sur le même sujet. « Oxford le 7 de May. Monsieur, Je vous trouve aussi prudent dans votre conduite, qu’un Vieillard le peut être naturellement. Vous n’avez garde de risquer l’honneur de votre discernement, à l’éxemple d’un de vos Collegues qui depuis peu a voulu prévenir le public en faveur d’une piece, avant qu’elle füt joüée. Pour vous, Monsieur, vous avez attendu que Caton eut entrainé les suffrages de toute la Grande Bretagne ; & ensuite vous nous avez dit hardiment, que vous êtes de l’opinion de tout le monde. Voyez vous même, s’il vous plait, si ce procédé convient à un précepteur general de toute la Nation, & s’il n’est pas de votre devoir, de nous indiquer les plaisirs qui sont dignes de nous, & de regler notre gout, & nos applaudissements. Je vous trouve pourtant un peu excusable dans cette occasion, où le simple bon-sens devoit prévenir vos préceptes. A la premiere Lecture, tout notre College a été egalement charmé de cette excellente piece, & vous voyez par là qu’on nous accuse à tort nous autres membres de cette Université, quand on dit, que nous avons résolu que, Nul n’aura de l’Esprit que nous & nos amis. Pour vous persuader encore plus fortement du contraire, je vous asseurerai que nous sommes presque tous Vos très humbles & très-obeissans serviteurs. » Autre Lettre. « Oxford le 7 de May. Monsieur, Si l’on gardoit le silence, dans le le <sic> séjour des Muses, lorsque Londres se déclare à haute voix pour la Tragedie de Caton, on pourroit soupçonner notre Université de n’aimer ni la Patrie ni les belles-lettres, & le titre d’Alma Mater ne lui conviendroit pas. Pour vous faire voir, Monsieur, qu’elle est fort éloignéé de mériter un soupçon si injurieux, je vous dirai, que malgré l’estime extraordinaire que les autres ouvrages de l’Auteur de cette piece nous avoient inspiré pour lui, nous avons été surpris de ce dernier effort de son genie. Desormais César ne sera plus un Heros dans nos déclamations : cette Tragédie à dissipé tout d’un coup les faux-jours sous lesquels l’adulation des Poetes, & des Historiens, nous l’avoient fait considérer. Ce ne sera plus que le Meurtrier du meilleur des hommes, & l’infame Tyran de sa Patrie. Caton, de la maniere qu’il nous est réprésenté ici, rependra sur la mémoire de cet Usurpateur un nuage plus noir, que celui dont l’Image de ce grand-homme a paru envelopper le triomphe de son ennemi. Si cette admirable piece avoit vu le jour sous le regne d’Auguste, ce seroit autant de siecles de perdu pour la réputation de César, & l’on n’auroit pas pu faire un plus grand afront aux souverains, que de les appeller d’un nom, dont la flatterie est à present si prodigue. Ce n’est pas un petit honneur pour notre siecle, d’avoir produit un homme capable de rectifier ces idées dangereuses, & la postérité la plus recultée trouvera un vaste champ de réflexions, en voyant que cette tragédie a été jouée avec un applaudissement général l’an 1713. Je suis &c. P.S. La traduction Françoise de Caton, qui est sous presse, sera j’espere in usum Delphini. »