Infecit æquor sanguine Punico. .
Ce n’étoient pas de jeunes gens, comme les nôtres, qui ont soutenu l’Empire Romain.
Je ne croi pas avoir senti de mes jours une pitié plus vive, que celle qui vient d’etre excitée dans mon cœur, par une lettre que j’ai receue d’une Démoiselle, qui n’a pas encore dix-neuf ans.
Voilà le piege presque inévitable, que la jeunesse, & l’amour-propre tendent avec trop de succès à de pauvres filles qui ne sont pas entourées, pour ainsi dire de la vigilance d’un Pere, & d’une Mere, & qui n’ont aucun secours à attendre de la protection de parents accreditez. Elles raisonneroient bien autrement, si elles connoissoient comme moi l’insolence, qui accompagne une grande fortune, & qui devroit leur inspirer la derniere horreur.
C’est cette fortune, qui dans l’esprit dereglé du genre-humain decide de la vertu, ou du vice, qu’on doit trouver dans une action. Une action est crimi-
Ce qu’il y a de plus triste dans ces sortes de desastres, c’est qu’ils tombent d’ordinaire sur les personnes, qui ont le plus
En écrivant ceci, j’ai devant moi la triste lettre de la demoiselle en question, & j’y découvre avec la plus forte compassion, que toute dupée qu’elle est, elle n’est pas encore desabusée sur le caractere de son amant. Je lui connois, me dit-elle, un cœur si genereux, & si sensible, que s’il lisoit dans votre feuille volante quelques réflexions sur ce sujet, il rougiroit de sa conduite, & que je crois fort qu’il rentreroit en lui-même.
-C’est un vers du Anglois. rougir ! N’a-t-il pas vu Pharsale ?
Un homme, qui n’a pas honte de commettre la trahison la plus noire, rougira-t-il quand on exposera à ses yeux une image de sa conduite ? Sera-t-il touché d’un recœuil de réfléxions sur cette ma-lui, qui a été capable de dresser tout un plan de fourberies, & qui absent de sa maitresse s’est laissé échapper comme par hazard des éloges de la fidélité & du desintéressement, afin qu’étant rapporté à sa dupe ils facilitassent la ruine de son honneur ; lui, qui a employé plus de tems à faire réüssir son infame dessein, qu’il ne lui en eut falu pour se perfectionner dans un utile science ; Enfin lui, qui a pu s’étourdir sur la probité, sur l’honneur, & sur la conscience, uniquement pour jouïr de quelques instants agréables ?
Qu’on ne s’imagine point, que celui, qui triomphe de la pudeur d’une fille bien élevée & dont le cœur n’est pas gâté, soit entrainé dans ce crime par la fougue subite d’une passion qu’il n’a pas le loisir de maitriser. Ce n’est point la fragilité humaine, qui l’y porte comme malgré lui : Il gagne le terrain pas à pas, & chacune de ses démarches est guidée par une calme reflexion. S’il n’est pas encore au nombre de certains scelerats achevés à qui le crime ne coute rien, il
Quel but veut-on qu’un homme vertueux se propose, en attaquant de toutes ses forces un crime si odieux en lui-même ? Quel effet peuvent produire les raisons les plus évidentes, sur une race d’hommes, chez laquelle la honte a été entierement détruite par la force presqu’invincible de la coutume ? Pour moi, je n’attends de mes leçons aucun fruit considérable, du moins de la part des gens du bel air, qui sont déja asservis à la mode. Je ne laisserai pas néanmoins de continuer mes réflexions sur un sujet si important, dans l’espérance de les faire gouter à ceux, qui jusqu’ici n’ont pas pris le parti funeste des maximes reçues, raison & la vogue.
Je ne sai pas de quelle maniere notre sexe s’y est pris ; mais, il est certain, qu’il s’est arrogé un certain droit d’exclure la continence de la liste de ses vertus, & que par là les femmes, qui ôsent entrer dans une intrigue avec nous, hazardent contre rien tout ce qu’elles ont de plus précieux. Dès qu’elles l’ont perdu, il ne leur reste que des soupirs, des larmes, & de vains reproches, qui sont incapables de frapper seulement l’imagination des scelerats, qui les ont precipitées dans un malheur réel, dans une réelle infamie. Je serois charmé de remedier à un abus si dangereux ; &, comme mon seul dessein est d’instruire les personnes dont la raison n’est pas encore esclave de la mode, j’ôse recommander ici la Chasteté comme une vertu mâle, pleine de dignité, & convenable à la force d’esprit, dont notre sexe se fait une noble prérogative.
Ce qui me paroit excessivement déraisonnable, c’est que le prix des autres vertus est fixé par le dégré des efforts qu’il faut employer pour y atteindre, & que le moindre effort qu’un homme peut faire pour parvenir à la chasteté est
Quand je serois sûr que ce discours seroit jetté au feu avec indignation par certaines gens du bel air, je ne laisserois pas d’y soutenir, que la chasteté d’un homme est une vertu heroïque, & propre à relever les qualitez les plus grandes & les plus nobles. Le moyen, par exemple, de ne pas admirer la conduite du grand pendant que ses grandes affaires lui laissoient quelque loisir. Mais ce grand Prince, quoique dans la force de son âge, ne se laissa point tenter par une offre si dangereuse : il ne voulut point rebuter d’une maniere offensante, cet indigne Courtisan, qui étoit un homme distingué, & Si je m’y laisse conduire par vous, pendant que j’ai quelque momens de loisir, la beauté de la Princesse pourroit bien m’y conduire dans la suite, quand les soins que je dois à mes Etats demanderont toute mon attention.
Je pourrois citer encore ici un Patriarche il lui avoit remis tous ses biens entre les mains, sans entrer avec lui en connoissance d’aucune chose, sinon du pain, qu’il mangeoit, Voici, mon Maitre n’entre dans aucune connoissance avec moi des choses, qui sont dans sa maison, & il m’a mis en mains tout ce qui lui appartient : il n’y a personne dans cette maison plus grand que moi, & il ne m’a rien defendu que toi, en ce que tu és sa femme.
Des exemples de cette nature devroient faire naturellement de fortes impressions sur l’un & sur l’autre sexe, d’autant plus qu’une utilité presente fait valoir dans cette occasion les interêts de la vertu. Est-ce s’aimer soi-même d’une maniere un peu sensée, que de sacrifier la tranquillité du cœur, la santé, la douceur du sommeil, & tous les plaisirs innocens, à une passion, qui s’empare de toutes nos facultez, qui ferme notre ame à tous les sentimens dignes de l’excellence de notre nature, & qui concentre toutes nos pensées dans un desir que nous avons en commun avec les brutes ?
Nous vivons dans un siecle, où generalement la jeunesse de l’un & de l’autre grave & sérieux ; & c’est la prémiere chose, qui nous frappe dans toutes sortes d’assemblées, jusques dans les Eglises mêmes, où les gens du bel air ne semblent se trouver que pour égayer la dévotion du peuple. On découvre cet air immodeste, jusques dans les Garçons, & dans les jeunes filles, qui commencent à se sentir, & qui imitent de leur mieux les manieres des personnes plus avancées en âge, & plus confirmées dans le bon air. Je n’entreprens point de rectifier dans l’esprit de mes compatriotes une idée, qui rend le bon air incompatible avec l’air sage ; mais, je déclare ouvertement que je proteste contre les prétentions de toute Créature humaine, qui, en faveur de cet extérieur hardi, veut s’emparer du titre de galant-homme, ou de femme de mérite. Si l’on se rit de ma Protestation, & si l’on s’obstine à ne point gouter le Caractere que j’ai donné d’un mérite réellement aimable, & digne d’estime, il ne me reste aucune res-que quand il étoit tête-à-tête avec une femme, il savoit mieux employer son tems, que ce General de Sparte. Cela se peut, Monsieur, lui répondit froidement le Poëte ;