Sugestão de citação: Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] (Ed.): "Discours XXXII.", em: Le Mentor moderne, Vol.1\032 (1723), S. 298-307, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4063 [consultado em: ].


Nível 1►

Discours XXXII.

Citação/Divisa► Dignum sapiente bonoque est.

La chose est digne d’un sage, & d’un homme de bien. ◀Citação/Divisa

Nível 2► Metatextualidade► On sait que je me suis fait une Loi de ne rien écrire le Sammedi <sic>, qui n’ait de la liaison avec les devoirs de la journée suivante. Quelle satisfaction inexprimable pour moi, de vivre dans un tems, où je puis suivre cette régle, en portant mes réflexions sur une piece de Theatre. Je suis sur que le Lecteur sent déjà, où j’en veux venir, & que j’ai formé le dessein de parler de la Tragédie intitulée Caton1 . ◀Metatextualidade

Le Caractere du principal personage [299] consiste uniquement à n’agir que par le seul motif de l’amour de sa patrie : il écarte de son ame toute sa tendresse pour l’intérêt particulier de sa famille ; & même il trouve de la satisfaction à la voir malheureuse, parce qu’elle ne s’est attirée des desastres que par son attachement pour les Loix de la république, & pour sa précieuse Liberté. Caton ne dit pas un mot, qui ne soit digne du plus vertueux des hommes, & les sentimens qu’il exprime, ne conviennent pas seulement à un homme de bien, qui vit dans une société mortelle, mais ils sont d’une telle Nature, qu’ils peuvent passer avec une ame vertueuse dans le sejour éternel de la gloire.

Le Caractere de ce grand homme influe sur celui de la plupart des autres personnages, & ne semble que se propotionner aux differents âges, & aux sexes differents. Ces Personages sont dans leur espece aussi dignes d’estime que Caton, & aussi propres à nous servir de modelle. On découvre dans la conduite des jeunes amants plus tendres, & en même tems plus sages, que tous ceux qui paroissent dans les autres tragedies, les sentimens qui sont naturels à des Romains, [300] qui sont sur le point de perdre l’inestimable liberté ; la vivacité de leur tendresse & l’ardeur de leur amour pour la patrie ; Passions qui semblant devoir se détruire, ne font que se donner mutuellement de l’éclat, & de la force.

Il y a dans cette piece quelque chose de plus remarquable encore : on y voit la Pudeur d’une Heroine se soutenir noblement, quoi qu’elle se laisse échapper une declaration ouverte de tendresse, dans un tems, où sa patrie ; & sa famille, sont menacées des catastrophes les plus terribles. C’est là un effort d’art, dont certainement peu de genies sont capables. Ils n’y en a pas moins dans la mort de Marcus, un des fils de Caton, jeun’homme estimable, qu’on porte sur le theatre, percé d’une infinité de coups qu’il a reçus en défendant ce qui passe chez les humains pour la chose la plus interessante, & la plus precieuse. Ce guerrier intrépide, dont la vertu avoit à luter contre un naturel bouillant & impétueux, expire, en excitant en nous moins de regret, que d’admiration. Sa vie paroissoit incompatible avec le repos de sa famille, & avec l’intérêt de Rome ; & l’on est charmé en quelque sorte de le [301] voir mourir dans la Carriere de la vertu, dans un tems qu’on trembloit pour la bonté de son cœur, que la vivacité de ses passions ménaçoit d’une ruine prochaine. Marcus, en poussant le dernier soupir soulage le Spectateur plutôt, qu’il ne l’afflige.

Quelle obligation n’avons-nous pas à un auteur, qui par la superiorité de son genie fait faire de notre cœur tout ce qu’il veut, quand il ne s’en sert que pour nous inspirer des sentimens nobles ? Cette force d’imagination, qui fait nous faire gouter la mort d’un jeune Heros, pour lequel nous nous intéressions si tendrement, seroit ceatainement <sic> un talent bien dangereux, s’il étoit au pouvoir d’une personne ennemie de la vertu.

Si mon but étoit de développer toutes les beautez de cette piece, je pourrois faire voir encore, que le Caractere des Numidiens n’y est pas tracé avec moins de vérité & de justesse, que celui des Héros de Rome. Il n’y pas une seule pensée dans le Rolle de Syphax, qui ne sorte naturellement des mœurs & des sentimens d’un Afriquain. La conversation de ce vieux General, avec Juba son Roi, est très instructive ; elle expose à [302] nos yeux un parallele admirable entre une vertu raisonnée, & quelques bonnes qualitez acquises machinalement par la coutume. Syphax dit tout ce qu’on peut alleguer contre la Philosophie, considérée comme capable de fournir des armes dangereuses à des hommes mal-intentionnez, qui abusent de leurs Lumieres : & Juba fait voir jusqu’à quel point l’activité, la patience, le mépris du travail, de la faim & de la soif, qualitez brutes des Numidiens, sont subordonnées, à ces talents de l’esprit, & à ces vertus de l’ame, qui sont guidez par la réflexion.

Je ne m’entendrai pas d’avantage sur ce sujet, qui a été si bien dévéloppé par d’autres, & où, pour des Raisons particulieres, je ne dois toucher qu’en passant. J’aime mieux insérer ici l’excellent Prologue, par lequel M. Pope a trouvé à propos de préparer le Spectateur à des passions plus grandes, & à des transports plus nobles, que ceux qu’on à<sic> songé à exciter jusqu’ici sur notre Théatre. Cette piece pourra amuser l’impatience du public, en attendant la Tragédie même, qu’on achevera d’imprimer en peu de jours.

[303] Prologue de la Tragedie intitulée Caton,

Par Mr. Pope.

Nível 3► 2 Le Mortel abimé dans un gouffre d’erreurs

Du beau nom de vertus honoroit ses fureurs, quand du Ciel descendue une Muse Heroïque
Sur la scene chaussa le Cothurne Tragique.
Le desordre à sa voix aussi tôt disparut ;
De lui-même ignoré le cœur se reconnut ;
L’
Homme se développe, il se sent, il raisonne ;
[304] Le fier Tyran en pleurs de ses larmes s’étonne,
Il paye à la bonté l’hommage, qu’il lui doit.
Se plaçant sur la scene, il dévient ce qu’il voit ;
Et sa noble douleur, qui le charme, & l’éclaire,
Lui marque du Devoir la route salutaire.
Cette Muse aujourd’hui, Peuple Anglois trop heureux,
Fera naitre en ton cœur ce trouble généreux
Ne croy pas qu’a <sic> tes yeux complaisante elle étale.
Une molle tendresse, une valeur Brutale :
L’ambitieux altier par son crime est puni,
De son cœur l’homme même est par l’amour banni.
Elle veut, en peignant des vertus plus qu’humaines,
Ouvrir les
yeux Anglois à des larmes Romaines ;
Et ne daigne exciter que d’utiles Douleurs,
Qui debrouillent l’esprit, & réforment les Mœurs.
Elle éxige de nous de ces larmes touchantes,
Que répand la vertu pour les Loix expirantes
,
[305] En offrant à nos yeux dans un même portrait
Ce qu’a pensé Platon, ce que Caton a fait :
Pour le Ciel, qui voit tout matiere peu commune,
Un Héros, qui lui seul lute avec la fortune,
Et qui par son grand cœur à l’Etat enchainé
Ne tombe qu’avec lui, par sa chute entrainé.
Dieux ! qui peut voir
Caton resserré dans Utique
Des débris du Sénat former la Republique,
Qu’il n’échauffe son cœur de la même vertu,
Qui soutint ce Heros, par le sort abbatu ?
Dans chacun de ses faits, une ame grande & belle
Trouve un motif à suivre un si parf <sic> ai<sic> tmodelle <sic>.
Peut-on le voir baigné dans son sang précieux
Sans briguer un trépas si grand, si glorieux ?
Quand du cruel Destin
César indigne Idole
Mit l’univers conquis au pied du Capitole
,
[306] Son Triomphe éclatant de Rois Captifs suivi
Charma l’oeuil curieux du Citoyen ravi ;
Mais, voyant de
Caton la venerable image
Orner honteusement ce pompeux étalage,
Rome entiere eut horreur d’un Triomphe inhumain,
Et pleura dans
Caton le dernier vrai Romain.
Tout fut morne, abbatu, l’on eut dit qu’un miracle
Sous un nouage épais couvrit tout le spectacle ;
Du superbe vainqueur on ne vit plus le char,
Et
Caton détourna sous les yeux de César.
Des sensibles Romains, Anglois, suivez les traces.
Respectez la vertu, qu’accablent les disgraces ;
Apprenez-le à la fin ; la tendre humanité,
Du sublime mérite est l’appui respecté.
Devouez au bon sens, éloignons du Theatre
Un Héroïsme afreux, que le peuple idolatre
.
[307] Si d’un oeuil meprisant, un autre Caton vit
Rome apprendre les arts, du Grec, qu’elle asservit,
Par de nobles efforts affranchissons la scene
De l’empire honteux d’une étrangere veine :
Pour nos vers dédaignons d’emprunter des succez,
Du
fin de l’Italie, & du vif des François ;
De notre propre fond produisons des merveilles,
Où le grand
Caton même eût prêté les oreilles. ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1

1Cette Piece a été traduite en proze françoise; mais, d’une maniere assez plaste, pour qu’on ait de la peine a y entrevoir les beautez de l’Original. On peut consulter pourtant cette traduction sur l’intrigue de cette tragedie, & sur le caractere des personages.

2M. Pope suppose ici, par une fiction poetique qui n’est pas tout à fait sans fondemnt<sic>, que l’humanité a été développé dans les cœurs, par le moyen de la tragedie ; Du moins cette vertu ne paroit avoir être gueres connue encore, du tems d’Homere, chez qui une valeur féroce, & la force du corps, font tout le mérite d’un Héros.