Le Mentor moderne: Discours XXX.
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Nível 1
Discours XXX.
Citação/Lema
Fortem posce animum. Juvenal.
Demandez aux Dieux un Esprit ferme.
Citação/Lema
Fortem posce animum. Juvenal.
Nível 2
MYlady Lizard n’est jamais si charmée,
que lorsqu’elle voit ses Enfans à l’entour d’elle engagez dans
quelque Conversation instructive. Je la trouvai, il y a deux
jours, assise auprès du feu avec toutes ses filles, & former
avec elles un des plus charmants demi-cercles, qu’il soit
possible de voir. Après lui avoir fait la revérence, je pris
d’abord ma place dans un fauteuil, qui m’attend toujours dans un
des coins de la cheminée. Notre conversation tomba
insensiblement sur la source du vrai bonheur. Chacune de nos
jeunes filles en dit son opinion conformément à ses lumieres,
& à son naturel, avec une Liberté entiere ; ce qui leur est
toujours permis, quand elles n’ont dans leur
Compagnie, que leur Mere & moi. Mademoiselle Jeane soutint
naïvement, qu’elle croyoit que le plus grand bonheur d’une
personne de son sexe consistoit à être mariée à un homme de
mérite, & à se trouver à la tête d’une famille
judicieusement dirigée. Il ne me fut pas difficile de remarquer,
qu’en traçant le Caractere d’un homme de mérite, elle faisoit un
tableau très fidelle & très vif de M. de Beau-cœur, qui lui
a fait la Cour depuis longtems. Ses sœurs ne s’en aperçurent,
que quand elle commença à excuser le défaut de fortune dans un
amant, & qu’elle se laissa échapper imprudement, qu’un homme
de mérite devoit avoir les dents blanches, & l’œil noir.
Mademoiselle Annabelle, après avoir raillé son aimée sur son
homme de mérite, s’étendit assez au long sur la richesse, le
grand équipage, & l’humeur commode d’un Epoux. La fine
mouche ne dit pas ouvertement, que c’étoit là les seules bonnes
qualitez, qu’elle souhaitroit dans un Epoux ; mais, je vis sans
peine, que l’objet de tous ses vœux étoit un mari
riche & sot, afin de pouvoir faire de lui & de son bien
tout ce qu’elle trouveroit à propos. Mademoiselle Cornélie,
notre aimable Héroine de Roman, ne parla que de vivre à la
campagne, entourée d’un concert perpétuel de Rossignols, de
Sephirs, d’Echos, & de ruisseaux murmurants. Elle n’enferma
pas directement un mari dans son plan de félicité ; mais, en
récompense, elle s’exprima avec tant de passion sur les tendres
tourerelles, & sur les lits de Gazon & de floeur, qu’il
fut aisé de s’apercevoir, que la solitude, qui a tant de charmes
pour elle, n’est pas une solitude absolue. Pour Mademoiselle
Babet elle plaça le souverain bien, dans la magnificence, dans
les assemblées, dans les Bals, & dans les festes de la Cour.
Elle parla avec extaze de la Caleche dorée du Chevalier de la
Surface, & de la falle ou Mylady Babil reçoit ses visites.
Elle ne se seroit pas facilement epuisée sur un sujet si
abondant, si elle n’avoit pas remarqué, que Madame étoit plus
sérieuse qu’à son ordinarie, & qu’elle condamnoit par ses
regards, la ridicule vanité qui regnoit dans tout ce Discours.
C’étoit alors le tour de ma chere Brillante.
Elle nous dit avec cet air de modestie & de douceur qui lui
est naturel, qu’elle croyoit le bonheur de ce monde une chimere,
& que tout ce qu’on pouvoit faire ici, c’étoit de se
procurer un sort supportable. Ensuite, elle m’adressa le
Discours, pour me prier de lui tracer quelques regles, par
l’observation desquelles on pût parvenir à cette condition
supportable, ou bien à cette espece de bonheur, dont la vie
humaine est susceptible. Mylady Lizard joignit ses prieres à
celles de sa fille. Elle me dit d’un air grave, que la matiere
lui paroissoit si importante, qu’elle espéroit que je voudrois
bien oublier pour quelques momens, que je parlois à des femmes,
& raisonner avec elles avec la même éxactitude, dont je me
servirois avec des Philosophes. Je voulus bien lui donner cette
marque d’estime ; & voici, autant que je m’en souviens, les
reflexions, que je lui communiquai là-dessus.
Citação/Lema
C’est ce que M. Ironside nous a dit si souvent,
continua-t-elle. Nous devons faire tous nos efforts pour
n’être pas malheureux dans cette vie, & pour être
heureux dans l’Eternité.
Nível 3
Comme rien n’est plus naturel à
tout Etre qui raisonne, que le desir d’être heureux, il
n’est pas étonnant, que les plus sages d’entre les hommes
ayent toujours recherché avec soin ce que c’étoit que la
felicité, & en quoi elle consistoit. Un Auteur fameux
nommé Varron compte jusqu’à deux cens quatre-vingt-huit
opinions differentes, qu’on a soutenues sur ce sujet ; Un
auteur appellé Lucien, après nous avoir donné un ample liste
d’idées, que plusieurs Philosophes ont formées touchant
cette matiere, les tourne toutes en ridicule, & les
détruit toutes sans fonder quelqu’autre Système sur leur
ruine. Ce qui me paroit la cause des erreurs, où tant de
gens sages sont tombez sur cet article considerable, c’est
qu’ils ont voulu trouver la source de la félicité humaine,
dans un sujet unique, au lieu que je crois certain qu’il
faut le concours de plusieurs causes pour former la
félicité, dont il est question. Parmi ces causes je donne la
prémiere place a la vertu, qui est la Mere du contentement
de l’esprit ; C’est la vertu, qui calme notre ame, &
qui, dans l’examen de nous-mêmes, nous fait gouter la plus douce satisfaction. La vertu toute me
pourtant n’est pas suffisante toute seule, pour rendre un
homme heureux : elle doit être du moins accompagnée d’assez
de bien, pour n’avoir pas à luter contre l’afreuse disette ;
& d’assez santé, pour n’avoir pas à combattre la
maladie, & la douleur. Un accez de Gravelle a été
capable d’arracher à un Stoicien, cet aveu : D’ailleurs la vertu est si fort
éloignée de pouvoir faire seule notre bonheur qu’en certains
cas un excès de vertu, joint à un tempérèmment foible &
effeminé, peut nous jetter dans l’agitation la plus forte,
& dans les plus vives afflictions. On en trouve des
exemples dans la Pitié, dans l’amitié, & dans l’amour.
Possedez par ces ceux dernieres passions, nous nous livrons
bien souvent d’une maniere si absolue aux objets aimez, que
nous rendons notre félicité entiérement dépendante d’une
autre : c’est là pourtant un dépôt, pour lequel aucune
créature humaine ne sauroit nous donner des facultez
suffisantes. Par consequent, celui qui veut être véritablement heureux doit s’aquérir, outre l’habitude de
la vertu, une certaine force d’esprit, propre à le rendre
lui-même le centre de la félicité, & à la tenir dans une
entiere indépendance. Un homme de ce caractere s’acquite de
tous les devoirs de l’humanité, avec la même exactitude, que
s’il agissoit par un motif de vive compassion, sans être
assez touché du malheur d’autrui pour en perdre son propre
répos. Sa charité même est d’autant plus noble, qu’elle
découle uniquement d’une vertu pure, & raisonnée, qui
n’a en vue que le devoir ; au lieu qu’une personne
vertueuse, dont l’esprit est plus foible, paroit en
soulageant la misere d’autrui, avoir pour but principal, de
se tranquiliser soi-même. Munis de cette force d’esprit nous
laissons au pouvoir d’un ami, ou d’une maitresse, d’ajouter
quelque chose à notre bonheur ; mais, nous ne leur donnons
jamais les moyens de nous rendre misérables. De ce que je
viens de dire, il suit évidemment que c’est la derniere des
foiblesses de chercher notre félicité dans les
applaudissemens des autres hommes. De cette manière, nous en
donnons la disposition absolue aux caprices
d’autrui, & nous la soumettons à l’envie, qui accompagne
toujours la réputation, & qui est la passion la plus
commune, parmi les hommes, quoiqu’il n’y en ait point de
plus extravagante, & de plus douloureuse. Le plus sur
moyen de parvenir à cette force d’esprit, dont je fais ici
l’Eloge, & à cette situation d’une felicité
indépendante, c’est une raison droite, & sure,
suffisamment fournie d’idées, pour pouvoir soutenir la
solitude, & entrer dans une agréable conversation avec
elle-même. L’Erudition est ici d’un grand secours : elle
accumule dans la mémoire un Trésor de Notions, dont on est
le maître de se servir quand on en a besoin, & l’esprit
trouve souvent, à éxaminer ces richesses, à les augmenter,
& à les arranger avec methode, le même plaisir qu’un
Prince goute en faisant la revue de ses armées, & en
leur faisant faire toutes sortes de revolutions. Que si une
raison enrichie de cette manière trouve une secrette
satisfaction dans la connoissance de ses forces ; si elle se
fait un plaisir de les mettre, dans l’occasion, à l’épreuve,
il faut avouer qu’une imagination vive donne à
des esprits plus foibles une satisfaction, qui n’est gueres
inférieure à celle qui est fondée sur une baze si solide.
Comme la premiere de ces situations, peut-être appellée le
Ciel des Sages, on pourroit nommer la seconde le Paradis des
Fous. Il y a pourtant bien de la différence entre l’une
& l’autre. Celle-là se soutient d’elle-même, & n’a
pas besoin d’autre appui, que de sa propre solidité ; au
lieu que celle-ci est dérangée par le moindre accident,
& qu’elle est incapable de soûtenir les malheurs les
plus ordinaires. C’est cette force d’esprit, telle que je
viens de la dépeindre, qui brave les assauts de la fortune,
& qui s’aggrandit elle-même à l’approche du danger :
C’est cette force d’esprit, qui fait
s’animer, & s’augmenter sur-tout, quand l’homme vertueux
a les plus redoutables ennemis à combattre. Elle se
proportionne à tout ce qui l’attaque, & si l’envie ou la
malignité ôtent quelques avantages à son possesseur, elle
tire de son propre fond de quoi les rempacer par des
avantages équivalens. Le mérite de soutenir noblement ses
pertes lui tient lieu des biens, qu’elle a perdus. Enfin,
c’est cette force d’esprit, qui ne peut que convaincre
insensiblement l’homme vertueux, de son veritable prix. Elle
releve ses actions, & ses paroles, d’une certaine
dignité naturelle, qui force l’estime des hommes, & qui
lui donne sur eux une plus grande autorité, que n’est celle
qu’on emprunte de la fortune, & de la naissance.
Citação/Lema
Mon maitre, Zenon ne m’a pas
dit la vérité, en m’enseignant que la douleur n’étoit
pas un mal.
Exemplo
C’est elle, qui porte un
Alexandre, si admiré dans cet endroit de sa vie par le
Prince de Condé, à soutenir lui seul la fureur de toute
une armée de séditieux.
Citação/Lema
Retournez dans la Macedoine, leur dit-il ; allez
dire à vos compatirotes, que vous avez abandonné
votre Roi occupé à la conquete de l’univers. Il n’a
pas besoin de votre secours : son nom lui fournira
des soldats par tout où il voudra les chercher.