Sugestão de citação: Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] (Ed.): "Discours X.", em: Le Mentor moderne, Vol.1\010 (1723), S. 94-105, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4041 [consultado em: ].


Nível 1►

Discours X.

Citação/Divisa► Venit ad me sæpe clamitans :
Vestita nimium indulges, nimium ineptus es.
Nimium ipse est durus præter æquum, bonumque.

Ter..

Il vient souvent me crier aux oreilles, vous aimez trop la bagatelle, vous donnez trop dans l’ajustement, mais il ne songe pas que sa severité s’écarte de l’équité & de la bienseance. ◀Citação/Divisa

Nível 2► Quand je songe à donner d’utiles avis à mes Eleves, mes plus profondes meditations roulent sur certains sujets, que la plûpart des gens d’un solide merite méprisent trop, & qui servent d’unique merite à ceux, qui n’en ont point. Du nombre de ces sujets est sans contredit l’ajustement. Il faut conside-[95]rer comme une foiblesse indigne de gens capables de réflexion l’orgœuil ou la mortification, qu'ils fondent sur la figure agréable ou desagréable, qu’il a plu à la nature de donner à leur corps. Mais c’est en eux une extravagance complette, de s’enfler, ou de s’humilier, à mesure de l’agrément ou du desagrément étranger, que leur prête l’étoffe qui les enveloppe. Cependant, la complaisance que nous devons aux autres hommes nous prescrit certaines regles, qu’il est de la derniere utilité de suivre.

Il est permis, il est même raisonnable, d’aider nos bonnes qualitez à s’attirer de l'estime, en saisissant l’occasion de prevenir les hommes en notre faveur, pour ainsi dire, du premier coup d’œuil. La qualité d’une personne, & la situation où la fortune la place, décident souvent de la maniere de s’habiller à son avantage.

Retrato alheio► Une personne riche & distinguée, qui se trouve dans la fleur de sa jeunesse, ne sauroit s’aviser d’un moyen plus sur de donner bonne opinion d’elle à ceux qui ne connoissent pas son caractere, que de se produire dans un habit modeste sans être négligé. Par là, elle gagne le cœur des hommes, du prémier abord ; au lieu [96] que ceux, qui magnifiques jusqu’a l’ostentation, aiment à se panader aux yeux des hommes, manquent rarement de donner mauvaise opinion de leurs lumieres & de leurs sentimens. ◀Retrato alheio

Quand Mademoiselle Lizard ma favorite est à sa toilette devant moi, je me fais une occupation sérieuse de l’éxaminer depuis les pieds jusqu’à la tête ; & je suis véritablement mortifié, quand je la vois placer dans sa coëffure quelque ruban, qui par sa couleur trop vive, ou trop sombre, releve ou offusque trop son teint. S’il y a de la grossiéreté à ne se pas mettre en peine de quelle maniere l’on est bati, il y a ce me semble une espece de libertinage délicat, à tirer de sa figure, par l’ajustement, tout ce qu’on en peut tirer.

Ceux, qui se mettent dans l’esprit, que des qualitez réellement grandes suppleent à la négligence, qu’on a pour les bagatelles de la mode, sont trop severement punis tous les jours de leur peu de complaisance, pour qu’il soit naturel d’imiter leurs manieres.

Une expérience constante nous enseigne jusqu’à quel point il est difficile de ne nous pas arrêter à l’écorce de ceux [97] que nous voyons, & dont nous ne connoissons pas l’intérieur. Metatextualidade► La maniere de se mettre est par conséquent une affaire, qui mérite nos reflexions, & je la considererai sur ce pied-là dans tout le corps de cet Ouvrage.

Pour ce qui regarde le beau sexe, j’ai resolu de lui communiquer mes lumieres, sur ce sujet, par le moyen d’un Commentaire étendu, que je vais faire sur un habit neuf, que ma chere Brillante doit recevoir de son tailleur la semaine qui vient. J’espere prouver clair comme le jour, que c’est un vrai modelle d’ajustement pour les Dames : aussi, n’a-t-il été commandé, qu’après trois conferences très sérieuses que j’ai eues avec cette aimable fille, sur toutes les parties qui doivent le composer. ◀Metatextualidade

Par rapport à l’instruction des hommes sur le même sujet, je suis charmé pour l’amour d’une Université, où j’ai fait autrefois quelque figure, de ce qu’il s’y trouve à present un heureux genie pour ces minuties importantes. C’est une chose déplorable, que jusqu’à présent on revienne de ce séjour des Muses aussi incapable de s’habiller, que les Enfants qui sortent des mains de leurs Nourices. On [98] ne sauroit croire combien ce défaut de gout est préjudiciable à un homme, qui entre dans le monde, & jusqu’à quel point cette negligence lui rend rabotteux le chèmin de la fortune. Metatextualidade► Pour remedier à ces inconveniens, je veux donner ma Protection à l’Auteur de la Lettre suivante, dont je crois le caractere plus raisonnable qu’il ne le dèpeint lui-même. Je crois qu’il l’aura chargé d’un certain ridicule, pour le rendre plus original & plus propre à divertir mes Lecteurs. Quelle que soit la Lettre, je la crois très capable de porter les jeunes gens, qui ne sauroient aquerir de l’Erudition dans les Universitez, à n’y pas acquerir un air nigaud ; & de persuader aux autres, que le savoir peut se passer d’un habillement pedantesque. Voici la Lettre dont il s’agit. ◀Metatextualidade

Nível 3► Carta/Carta ao editor►

« Oxford le 8 de Mars. 1712 – 13.

Monsieur,

Quoique je prévoye que les Correspondans ne vous manqueront pas ici, je me flatte pourtant que ma Lettre obtiendra une place [99] dans votre feuille volante, à cause de la singularité de la matiere, sur laquelle mes compagnons d’étude sont d’une si crasse ignorance, que j’en ai une veritable douleur. Pour ne vous pas amuser par un long exorde, je vous dirais, Monsieur, que dans ce séjour du savoir, où chacun s’efforce à devoiler la nature, je me suis fait une occupation d’entrer par mes reflexions dans la nature de l’ajustement, & que je suis le joli homme de l’Université en titre d’office. Je considere quelquefois avec la plus grande mortification, l’obligation où je suis de porter un habit grave, ce qui ote à mon esprit inventif l’occasion de se faire valoir, en introduisant de nouvelles modes parmi les Nouriçons de Phœbus. C’est ce malheur, qui me force à faire connoitre mes talens par le moyen de la presse, contre mon inclination, & contre l’attente de ceux qui connoissent ma capacité. Il est vrai que j’ai le plaisir de voir plusieurs projets, que j’ai formez sur cet article, très goutez par plusieurs jeunes gens plus éveillez que les autres : & que les manches de la robbe, rélevées de velours vert, qui [100] ont si fort la vogue ici, tirent leur origine de la fecondité de mon imaginative ; ce qui n’est pas un petit sujet de triomphe pour moi.

Pour faire des progrès dans le genre d’érudition, que j’ai choisi, il faut avoir l’esprit aussi net, que le teint : c’est pour cette raison, que j’evite la compagnie des hommes, pour n’être pas obligé de boire, & que je ne fréquente gueres que les petites Coteries des Dames. Je connois en perfection toutes les parties qui composent leur ajustement, & je les sai nommer toutes par leur veritable nom. Mes amies ne font rien faire, sans m’avoir consulté ; & je crois pouvoir dire, sans me donner de trop grands airs, que je suis un grand genie pour bien tourner un nœud de ruban. Je me fais quelquefois un plaisir de manier l’éguille, & de broder de la mouseline pour la petite Mademoiselle Doublepoint, qui est ma favorite à présent, & qui me dit que je m’y prens fort bien. D’autrefois, je lis vos feuilles volantes devant elle & ses bonnes amies, & je leur explique le passage latin, qui vous sert de texte. Elles [101] ne manquent jamais d’y trouver plus d’esprit qu’il n’est gros. Il est vrai qu’assez souvent je tranche un peu du petit tiran parmi elles. Que voulez-vous ? Chacun a ses petites humeurs. Dez qu’il y a à leur ajustement la moindre chose qui n’est pas orthodoxe, elles peuvent compter sur la censure de Mr. Propret ; &, si quelque petite etourdie hazarde un parure, qui peche contre les principes du bon gout, elle doit être sure que je déchirerai si bien, à coups de langue, cet ajustement heteroclyte, qu’il n’y restera pas un petit morceau d’entier. Ma seule vue epouvante la pauvre Celimene, dont la robbe de chambre passe chez bien des gens pour une veritable Indienne. Sa cousine affecte de m’éviter, quand elle est dans son habit de Dimanche, que certains prétendus docteurs de notre art prennent pour sortir de la boutique, & que du premier coup d’œuil j’ai reconnu pour être lavé, & remis sous la presse.

Voilà, Monsieur, qu’elles sont mes lumieres acquises, que je serois bien aize de communiquer aux jeunes gens qui, comme moi, ont de la disposi-[102]tion à briller d’avantage du côté du Corps, que du côté de l’Esprit. Je croi pouvoir le faire innocemment, & il me semble même, que le tems que j’ai employé à pousser mes études dans cette science ne doit point passer pour être du tems perdu. Si par là je ne me suis pas rendu estimable, du moins me suis-je garenti d’un desagreable exterieur ; & il y a un grand nombre de jeunes Cavaliers qui devroient m’imiter, pour faire quelque espece de figure dans le monde.

Rien ne me paroit plus insupportable, qu’un homme stupide, qui est en même tems un salop. Quoi que tout homme ne puisse pas se remplir la tête d’érudition, chacun ne laisse pas d’être le maitre de porter une perruque de bon gout. Que celui, qui ne sauroit dire de jolies choses, montre du moins des dents blanches en riant des bons-mots des autres. Si quelqu’un se connoit incapable de faire des chansons, qu’il ait soin d’avoir la main belle & d’une peau douce. A qui ne sait pas parler savamment de triangles & d’arcs de cercle, il doit être permis de se séparer les sourcils par quelques coups de razoir.

[103] Quand la paix sera faite, nous aurons sans doute de nouvelles modes de la France, & je crois avoir quelque raison de m’imaginer, qu’une partie de l’ajustement des Abbez de Cour pourra être transplanté avantageusement dans nos habits.

J’espere que cette espece d’adoption ne me fera pas soupçonner de Papisme ; mais, à tout hazard, j’ose vous supplier de me soutenir par votre credit dans ce dessein, qui ne sauroit avoir rien de dangereux pour l’Eglise.

Au reste, je ne pretens pas que mes talens me donnent la moindre Jurisdiction, sinon sur ceux qui n’ont point de disposition à briller du côté de ce qu’on appelle mérite solide. Pour les jeunes gens qui ne songent qu’à leurs études, je les abandonne à leur mauvais gout, comme animaux indécrottables ; mais, je vous conjure de me donner une commission, pour gouverner sous vous, avec une autorité absolue, tout ce qu’il y a ici d’ignorans. Par là, j’aurai un titre, pour introduire ici de tems en tems certaines petites manieres bisarres de relever ou [104] de ceindre la robbe, pour regler les dimensions des Perruques, pour varier la houpe des bonnets carrez, & pour retressir ou élargir les petits collets.

J’ai composé un petit traité pour faire voir l’indecence des cravates à la cavaliere, quand elles accompagnent la Robbe ; & l’on m’a dit que ce petit ouvrage a son mérite. J’ai mis encore sur le papier à la hâte plusieurs Observations sur les bas, & sur differents coins. Mes amis m’asseurent que les plus habiles gens ne se feroient pas une honte de passer pour en être les Auteurs. Cepandant, je ne les donnerai pas au public, avant que de les avoir exposées à la critique de notre societé femelle. Je suis d’autant plus porté à faire cette démarche, que je suis sur d’avance des ses applaudissemens. Car, toutes mes amies avouent naturellement, que j’entens mieux ces sortes de matieres, qu’elles mêmes. Je serois charmé d’être encouragé par un homme comme vous à l’éxécution de mes grands desseins, puisqu’après mon ambition de mettre notre Université de bon-gout, je n’en ai pas de [105] plus grande que de faire voir que je suis,

Monsieur,

Votre &c.
Simon Propret. » ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1