Le Mentor moderne: Discours II.
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Nível 1
Discours II.
Nível 2
Metatextualidade
Le plus sur moyen de prevenir le
public en faveur de mon entreprise, c’est de lui faire
savoir quel homme c’est que celui qui lui promet tous les
jours une demi-feuille remplie de ses Reflexions. Je me suis
engagé à lui donner l’Histoire de ma vie, & j’entre en
matiere, sans perdre du tems en préambules.
Autorretrato
Je suis né l’an 1642, dans une
maison de Campagne, à un quart de lieue de la Ville de
Brandford, dans la Comté de Middlesex. Mes Parens avoient
assez de bien pour me donner une bonne éducation, &
assez de raison pour croire que rien ne pût m’être plus
avantageux ; quoi que l’héritage, où je pouvois m’attendre
dût être à peine capable de me mettre à l’abri de la
disette. Dans ma 16 année, je fus placé à Oxford dans le
College de Ste. Madelaine. Parmi les grands avantages, dont
jouïssent ceux qui font leurs études dans nos
Universitez, on peut compter pour un des plus considerables
les amitiez qu’on y contracte souvent, & qui nous sont
utiles pendant tout le cours de notre vie. Je puis en parler
par expérience. Je n’avois pas encore pris aucun de mes
dégrez, que j’entrai dans les liaisons les plus étroites
avec M. Ambroise Lizard, qui logeoit dans un College proche
du nôtre : je fis connoissances en même tems avec M. Joseph
Pullen, qui étudioit sous les mêmes maitres que moi ; &
je n’attribue la vieillesse florissante, où je me trouve à
présent, qu’aux promenades que j’ai faites tous les matins
dans son agréable compagnie sur la Colline de Hedington. Si
cet honnête homme vit encore, je prends la liberté de lui
faire ici mes complimens. J’en reviens à mon ami intimé M.
Lizard. A peine étoit-il entré dans l’adolescence, qu’on le
fit partir pour épouser Mademoiselle Jeane Lizard, riche
héritiere, dont le pere souhaitoit ce mariage par amour pour
son nom de famille. Le jeune Cavalier arriva à la terre des
Lizards un Samedi au soir : il vit sa maitresse le jour
après à table ; & il l’épousa, par ordre de son pere le
Chevalier Ambroise, le Mardi suivant entre dix
onze heures du matin. Quelques années après, quand mon ami
se vit le Chevalier Ambroise lui même, il étoit tellement
content de la femme, qu’on lui avoit choisie, qu’il donna au
Prêtre, qui avoit beni cet heureux Hymenée, la Cure de Welt,
Paroisse peu éloignée de Wellingborough. Mon ami se maria
l’an 62, & pendant dix-huit années consécutives j’ai
passé à si terre les plus agréables moins de l’été, Juin,
Juillet & Aout. C’étoit le 4 de Juillet de l’an 1674,
(je m’en souviendrai toute ma vie,) que lisant quelque chose
devant mon ami dans un petit boccage, je m’arrêtai tout d’un
coup voiant qu’il ne me prétoit plus attention. Dès que
nous fumes rentrez dans la maison, il me donna un billet de
deux mille livres sterling sur son banquier de
Londres, en me disant que c’étoit là le prix dont il
m’achetoit avec tous mes talens, afin que je me chargeasse
de l’Education de son fils, & que je rendisse à sa
famille tous les services possibles, selon les instructions,
qu’il me donneroit en tems & lieu. Cependant, je ne lui tins aucun
discours de cette nature : je savois que c’étoit un homme
prudent, qui n’agissoit que par poids & par mesure, sans
dépendre des circonstances du tems & des caprices de sa
propre humeur ; & je voulois pas lui ôter le plaisir de
m’obliger à sa maniere. J’étoit fortement persuadé
d’ailleurs, que je ne prendrois jamais aucun parti, qui pût
me détourner des soins qu’il exigeoit de moi, & dès ce
moment je me considerai comme un membre de sa famille, dont
je devins en même tems comme l’intendant à tous égards. Le
bon Chevalier m’assura encore, qu’il ne me demanderoit
jamais rien, qui fût incompatible, avec le
desir que je pourrois avoir dans la suite de changer de
condition : il n’avoit pour but que d’acquérir à sa Maison
un ami sûr & d’en éloigner cette peste des gens riches,
ces maitres d’Hôtel mercenaires, qui ne travaillent que pour
eux, & qui en peu de tems deviennent Crediteurs de leurs
Maitres de la moitié de leur Patrimoine, quoi que la base de
leur fortune ne soit qu’un modique salaire, qu’on leur a
donné, pour ne songer qu’aux intérêts de ceux qui les
employent. C’est là dessus que nous eumes une très longue
Conference ce même soir ; & le résultat en fut, que son
fils Frederic seroit dès-lors absolument sous ma conduite,
& que je donnerois toute mon application à ce cher
Enfant en particulier, & à toute la famille en general.
Depuis ce tems, il fut si content de mes soins, qu’il me fit
l’executeur de son testament, & qu’il me confia la
tutelle de son fils. Toute ma conduite dans cet emploi, la
méthode que j’ai emploiée en élevant Frederic jusqu’à son
âge viril, la maniere dont je me suis intéressé en ce qui le
regardoit, jusqu’à l’heure de sa mort, & mon procédié
avec toute la nombreuse Postérité de mon vieux
ami, sont capables de faire une suite d’évenemens de la vie
privée, aussi utile du moins que les Histoires les plus
remplies d’actions brillantes, qui ont donné l’immortalité
aux Princes, & aux Ministres d’Etat. La veuve du vieux
Chevalier Ambroise, & la vertueuse Epouse de son fils
Frederic, sont toutes deux encore pleines de vie.
Diálogo
Fermez votre livre, me dit-il,
& faisons un tour de promenade dans cette allée ;
j’ai quelque chose à vous dire ; nous nous étions
promenez pendant quelques momens dans un profond
silence, moi avide de l’écouter, & lui se préparant
à s’ouvrir à moi sur une chose de la plus grande
importance. Enfin, me regardant d’un œil attentif, Vous
avez certainement remarqué, mon cher ami, me dit-il, que
depuis le premier moment que je vous ai vu à
l’Université, j’ai toujours cherché votre compagnie, & ambitionné votre amitié. Le penchant,
que je me suis d’abord senti pour vous, s’est fortifié
de jour en jour par la conformité de nos inclinations,
& de nos sentimens. Je ne sai, s’il n’y a pas trop
de vanité à le dire, dans le sens même, que j’ose vous
assurer, que vous êtes l’homme du monde, dans lequel
j’ai réconnu le plus de probité, & de candeur. Vous
n’êtes pas d’humeur à vous jetter dans le grand monde,
& vous preferez la douceur de la vie privée, &
le calme du Celibat, aux soins orageux des emplois,
& aux inquiétudes, qui sont la suite des meilleurs
mariages. Vous voyez là dedans, mon fils Fréderic, mon
Enfant unique : son éducation exige de moi mille soins
nécessaires, dont je voudrois me décharger sur vous, du
moins de la plus grande partie ; & pour vous parler
sans détour, on vous faisant cette proposition, je songe
à faire en sorte qu’elle vaille la peine d’être
acceptée. Il ne voulut point être interrompu, & il
continua à me dire, que c’étoit sur ce plan qu’il avoit
reglé toutes ses affaires, & qu’il me croyoit trop
de ses amis pour vouloir les déranger.
Metatextualidade
Le Lecteur me prêtera ici sans doute une
longue tirade de complimens fleuris : il croira que je
ne manquois pas de dire à mon ami, qu’en faisant ma
fortune, il ne m’obligeoit que de m’acquiter d’un
devoir, où j’étois porté suffisamment par mon
inclination.
Metatextualidade
Je suis obligé d’avertir le
Lecteur, que la plupart des choses dont je
l’entretiendrai dans cet Ouvrage, couleront du pot à thé
de Myladi Lisard, c’est-à-dire les Discours que nous
tensons chez elle, pendant qu’avec toute sa famille elle
prend cette agréable boisson.
Retrato alheio
Cette Dame est à présent dans
la 46 année de son âge, elle s’est mariée à quinze, elle
est bénie d’une nombreuse famille, qui consiste en
quatre fils & cinq filles : elle s’est vue Mere de
tous ces Enfans à l’âge de trente ans, lorsqu’elle
perdit le Chevalier Frederic Lizard, un Gentilhomme
estimable par sa générosité, & par mille autres
vertus. Il laissa à son fils ainé un Patrimoine, qu’il
avoit fait monter par sa bonne œconomie jusqu’à six
mille livres sterling de revenu, sans compter le revenu
d’une année en argent comptant, qu’il a
legué à chacun de ses autres Enfans. Le nom de Batême de
Myladi est Aspasie. Ce nom a quelque chose de grand ;
Aspasie est une Dame, qui a beaucoup
de génie, & une grande Elevation dans l’esprit dans
les sentimens : elle a passé tout le tems de son veuvage
dans une retrait convenable, qui fait honneur à son
Epoux defunt, qui donne de la réputation à ses Enfans.
Comme elle en a plusieurs de l’un & de l’autre sexe
en âge de se marier, cette considération lui attire
beaucoup de visites ; mais es vertus, & les agrémens
de sa conversation, lui en attirent encore d’avantage.
Il n’y a presque point de circonstance de
la vie humaine qui n’entre dans la vie de cette Dame
considerée dans toutes ces differentes relations ;
&, Madame Lizard est sur-tout d’une
habilité admirable, à bien placer son argent, & à le
faire profiter de toutes les manieres que les loix &
la vertu authorisent : jamais femme ne fut plus propre à
augmenter le bien de ses Enfans.
Metatextualidade
& comme il est
propre à donner de la dignité à mon stile, je
stipule avec le Lecteur de me servir d’Aspasie, ou
de Myladi Lizard, conformement à la nature des
sujets que je traiterai. Quand elle m’entretiendra
de ses rentes, de son argent en caisse, & de son
menage, je me servirai du nom le plus vulgaire,
mais, ce sera Aspasie qui se fera une étude de
former l’esprit & le cœur de ses Enfans, qui
donnera noblement son superflu aux pauvres, &
qui parlera des matieres de Religion & de
morale.
Metatextualidade
par conséquent, sa
conduite me fournira une infinité d’incidents, dont
le public pourra tirer les préceptes les plus
utiles.
Metatextualidade
Je vous parlerai dans la suite
des membres de cette famille, de leur caractere, de leurs
penchans, de leurs occupations ; & de leurs amusemens.
Ce seront autant de nouvelles, qui vaudront mieux que celles
de la Gazette, & qui ne sauroient qu’être intéressantes,
venant directement de la table à thé d’une Dame si sage, si
habile, & si accomplie.