L. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer-Pernkopf Herausgeber Katharina Jechsmayr Mitarbeiter Stefanie Lenzenweger Mitarbeiter Martin Stocker Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 24.05.2019 o:mws.4540 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Paris: Etienne Papillon 1716, 314-320 Le Spectateur ou le Socrate moderne 2 050 1716 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Autopoetische Reflexion Riflessione Autopoetica Autopoetical Reflection Reflexión Autopoética Réflexion autopoétique Reflexão Autopoética United Kingdom Chester Chester -2.89189,53.1905 United Kingdom Bath Bath -2.36172,51.3751 United Kingdom -2.69531,54.75844 France 2.0,46.0

L. Discours

Centuriæ seniorum agitant expertia frugis :Celsi prætereunt austera Poëmata Rhamnes.Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci,Lectorem delectando, pariterque monendo.

Hor. A. P. v. 341.

Nos vénérables Sénateurs ne goûtent pas les Pièces qui n’ont rien de solide & de moral : & la moralité toute nue & sans agrément, ne plaît pas à nos jeunes Chevaliers. Qui sait mêler le plaisant & l’utile ensemble, ne peut manquer de plaire à tout le Monde.

Je puis distinguer mes Lecteurs en deux Classes, dont l’une renferme les Mercuriens & l’autre les Saturnins. Les premiers sont la Bande joïeuse de mes Disciples qui demandent des Speculations pleines d’esprit & d’enjouement ; les autres, qui sont d’une tournure plus grave & plus serieuse, ne trouvent du plaisir que dans les Discours de Morale & fondez sur le bon Sens ; ceux-là traitent de stupide tout ce qui est serieux, & ceux-ci taxent de ridicule tout ce qui est Comique. Si je gardois toûjours mon air grave, la moitié de mes Lecteurs m’abandonneroit ; & si je voulois toûjours badiner, je risquerois de perdre l’autre. C’est pour cela même que je cherche à les entretenir tous deux, & cette methode pourroit bien leur être plus avantageuse, que si j’écrivois toûjours suivant le goût particulier des uns ou des autres. Puisqu’ils ignorent tous quel sera le sujet de mes nouveaux Discours, il peut arriver qu’un Lecteur enjoué, qui prend une de mes Feuilles volantes pour se divertir, se trouve engagé, lorsqu’il y pense le moins, dans une suite de Raisonnemens serieux & utiles ; ou que de l’autre côté, un Homme grave, qui se flate d’y trouver quelque chose de solide, & plein de profondes reflexions, est insensiblement amené à la Joie. En un mot, chaque Lecteur s’assied à mon Festin sans qu’il sache quels mets on lui servira ; de sorte qu’il a du moins le plaisir d’esperer qu’il y en peut avoir quelqu’un à son goût.

Ce n’est pas que je n’aimasse mieux m’appliquer à instruire qu’à divertir ; mais si nous voulons être utiles au Monde, il faut le prendre tel qu’il est. Les Auteurs reconnus pour severes, empêchent la plupart des Hommes, qui menent une vie libertine, de jetter les yeux sur leurs Ecrits. Un Homme doit avoir déja quelques principes de Vertu, avant qu’il s’engage à la lecture d’un Seneque ou d’un Epistete.

Le seul titre d’un Livre de Morale a quelque chose de rebutant pour les Personnes indolentes & incapables de reflechir.

De là vient que plusieurs de ceux qui n’aporteroient aucune attention à des Leçons debitées avec l’air serieux d’un Prédicateur ou la gravité d’un Philosophe, donnent dans mes Filets. Ils s’y enlacent d’eux-mêmes, & adoptent presque sans y penser, des maximes de Sagesse & de Vertu : de sorte que s’ils arrivent de cette maniere à un certain degré de connoissance, qui les dispose à prêter l’oreille à des Discours plus étudiez, je ne croirai pas mes Spéculations inutiles. On peut remarquer d’ailleurs que l’Esprit des plus honêtes Gens se trouve quelquefois envelopé dans de sombres nuages, & qu’ils ont besoin de quelque chose de cette nature, pour les exciter à la joie, dissiper leur Mélancholie, & mettre leurs Facultez en mouvement. Il y a même des Personnes qui croient, que de pareils Entretiens sont plus nécessaires aux Habitans de la Grande Bretagne, qu’à ceux de tout autre Climat.

Si ce que je viens de dire ne justifie pas à tous ces égards la varieté de mes Spéculations, il peut servir du moins à l’excuser. Lorsque je m’occupe à divertir mes Lecteurs, je voudrois aussi les instruire ; ou si j’échoue dans ce dessein, & que mon Badinage ne soit plus instructif, il ne cessera jamais d’être innocent. Une conduite scrupuleuse à cet égard a peut-être plus de mérite qu’on ne s’imagine d’ordinaire, si l’on savoit combien de pensées pleines de feu & de vivacité se presentent à l’Es-prit lorsqu’il badine, & qu’un Auteur discret & modeste supprime ; si l’on savoit combien de traits Satiriques s’offrent d’eux-mêmes, qui ne manqueroient pas de plaire au goût general du Monde, mais qu’il étouffe dès leur naissance à cause de quelque rapport éloigné qu’ils ont avec les idées corrompues de certaines Gens ; si l’on savoit combien d’insinuations malignes il évite avec soin, de crainte de porter coup à la réputation des autres ; si 1’on savoit, dis-je, tout cela, on auroit meilleure opinion de ces Ecrivains qui tâchent de divertir sans blesser personne, & de se rendre agréables sans être vicieux. En un mot, on peut leur appliquer ce que Vvaller a dit à des Poètes, qu’ils perdent la moitié des éloges qui leur seroient dûs, si l’on savoit tout ce que la discretion les oblige d’effacer. Il n’est rien de plus facile que d’avoir de l’Esprit lorsqu’on se donne carriere sur toutes ces libertez ; mais de paroître spirituel sans leur secours, cela demande quelque Genie & de l’Invention.

Cette remarque n’a pas le seul Public en vûë, mais aussi un de mes Correspondans, qui m’a écrit la Lettre suivante, dont j’ai retranché quelques endroits pour les raisons qui viennent d’être alleguées. Quoi qu’il en soit, en voici tout l’essentiel.

Monsieur,

« Après avoir lû votre C’est un de ceux qu’on n’a pas jugé à propos de traduire.Discours sur une partie de Grimaciers, je ne puis m’empêcher de vous rendre compte d’une partie de Sifleurs, dont je fus regalé à Bath, avec bien d’autres, il y a trois années ou environ. Le Prix étoit une Guinée, qui devoit revenir à celui qui sifleroit d’un ton plus distinct, & qui acheveroit un air entier sans rire, quoiqu’il y fût excité par les postures grotesques d’un Boufon, placé sur le même Théatre, & à la vûë des Acteurs. Il y eut trois Concurrens, dont le premier étoit un Laboureur qui païoit de mine ; il avoit le regard fixe, pour ne pas dire stupide, & les muscles de son visage paroissoient inflexibles, qu’on crut d’abord qu’il emporteroit la Guinée. Cependant il n’eut pas plutôt commencé à sifler une Gigue, que Jean Potage se mit à danser, & à faire tant de gambades, de contorsions, & de grimaces, qu’il ébranla son Homme qui ne put s’empêcher à la fin de sourire, & de manquer ainsi le Prix.

Le second, qui monta sur le Théatre, étoit un petit Artisan de Bath, Personnage remarquable entre le menu Peuple, par sa grande prudence & son rabat large. Il ressera ses levres avec beaucoup de gravité, &, pour s’affermir l’Esprit à un serieux tout extraordinaire, il entonna l’Air, qui commence par ces mots, Les Enfans dans le Bois : il en avoit siflé une bonne partie assez heureusement, lorsque Jean Potage, qui se tenoit à son côté de la maniere du monde la plus grave & la plus attentive, lui toucha l’épaule gauche, & se mit en même tems à le regarder sur le nez, d’un air si grotesque, que le Sifleur relâcha ses fibres, & qu’il en vint d’abord à une espèce de souris, qui se termina par un éclat de rire.

Le troisiéme qui parut sur la Scène, ètoit un Valet de pié, qui, malgré toutes les singeries de Jean Potage, sifla un air Ecossois & une Sonate Italienne, d’un si grand serieux, qu’il emporta le Prix, & qu’il fut admiré par quelque centaine de Spectateurs, qui se trouverent, avec moi, à ce beau défi.

Il me semble donc, Monsieur, quelque bonne opinion que vous aïez des grimaciers, qu’on devroit encourager les Sifleurs, non seulement parce que leur Art s’exerce sans aucune contortion, mais aussi parce qu’il sert à perfectionner la Musique Campagnarde, qu’il met en crédit la Gravité, & qu’il enseigne aux Gens du commun à garder leur contenance, lorsqu’ils voïent quelque chose de ridicule dans leurs Superieurs, outre que c’est un Divertissement fort propre pour les Bains, puisqu’un Cavalier sifle d’ordinaire à son Cheval, pour lui faciliter le passage de son urine.

Après avoir expedié ces deux Articles des Grimaces & de la Siflerie, je compte, mon cher Monsieur, que vous voudrez bien honorer le Public de quelques reflexions sur le Bâaillement que j’ai vû pratiquer le jour & la nuit des Rois, entre plusieurs Gambades qui se font alors, aussi bien qu’à Noël, chez un illustre Gentilhomme, qui regale toûjours ses Fermiers dans cette saison de l’année. Le Prix, pour lequel on bâaille, est un Fromage de Cheshire, ou de la Province de Chester, & l’on commence l’exercice environ le minuit, lorsque tout le monde est disposé au sommeil. Celui qui ouvre le plus la gueule, & qui bâaille en même tems d’un air si naturel, qu’il entraîne le plus grand nombre de ses Camarades à suivre son exemple, emporte le Fromage. Si vous traitez ce Sujet comme il faut, je ne doute pas que votre Discours ne fasse bâailler la moitié du Roïaume ; quoique je sois bien persuadé que vous n’endormirez jamais personne. Je suis, &c. »

L.

L. Discours Centuriæ seniorum agitant expertia frugis :Celsi prætereunt austera Poëmata Rhamnes.Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci,Lectorem delectando, pariterque monendo. Hor. A. P. v. 341. Nos vénérables Sénateurs ne goûtent pas les Pièces qui n’ont rien de solide & de moral : & la moralité toute nue & sans agrément, ne plaît pas à nos jeunes Chevaliers. Qui sait mêler le plaisant & l’utile ensemble, ne peut manquer de plaire à tout le Monde. Je puis distinguer mes Lecteurs en deux Classes, dont l’une renferme les Mercuriens & l’autre les Saturnins. Les premiers sont la Bande joïeuse de mes Disciples qui demandent des Speculations pleines d’esprit & d’enjouement ; les autres, qui sont d’une tournure plus grave & plus serieuse, ne trouvent du plaisir que dans les Discours de Morale & fondez sur le bon Sens ; ceux-là traitent de stupide tout ce qui est serieux, & ceux-ci taxent de ridicule tout ce qui est Comique. Si je gardois toûjours mon air grave, la moitié de mes Lecteurs m’abandonneroit ; & si je voulois toûjours badiner, je risquerois de perdre l’autre. C’est pour cela même que je cherche à les entretenir tous deux, & cette methode pourroit bien leur être plus avantageuse, que si j’écrivois toûjours suivant le goût particulier des uns ou des autres. Puisqu’ils ignorent tous quel sera le sujet de mes nouveaux Discours, il peut arriver qu’un Lecteur enjoué, qui prend une de mes Feuilles volantes pour se divertir, se trouve engagé, lorsqu’il y pense le moins, dans une suite de Raisonnemens serieux & utiles ; ou que de l’autre côté, un Homme grave, qui se flate d’y trouver quelque chose de solide, & plein de profondes reflexions, est insensiblement amené à la Joie. En un mot, chaque Lecteur s’assied à mon Festin sans qu’il sache quels mets on lui servira ; de sorte qu’il a du moins le plaisir d’esperer qu’il y en peut avoir quelqu’un à son goût. Ce n’est pas que je n’aimasse mieux m’appliquer à instruire qu’à divertir ; mais si nous voulons être utiles au Monde, il faut le prendre tel qu’il est. Les Auteurs reconnus pour severes, empêchent la plupart des Hommes, qui menent une vie libertine, de jetter les yeux sur leurs Ecrits. Un Homme doit avoir déja quelques principes de Vertu, avant qu’il s’engage à la lecture d’un Seneque ou d’un Epistete. Le seul titre d’un Livre de Morale a quelque chose de rebutant pour les Personnes indolentes & incapables de reflechir. De là vient que plusieurs de ceux qui n’aporteroient aucune attention à des Leçons debitées avec l’air serieux d’un Prédicateur ou la gravité d’un Philosophe, donnent dans mes Filets. Ils s’y enlacent d’eux-mêmes, & adoptent presque sans y penser, des maximes de Sagesse & de Vertu : de sorte que s’ils arrivent de cette maniere à un certain degré de connoissance, qui les dispose à prêter l’oreille à des Discours plus étudiez, je ne croirai pas mes Spéculations inutiles. On peut remarquer d’ailleurs que l’Esprit des plus honêtes Gens se trouve quelquefois envelopé dans de sombres nuages, & qu’ils ont besoin de quelque chose de cette nature, pour les exciter à la joie, dissiper leur Mélancholie, & mettre leurs Facultez en mouvement. Il y a même des Personnes qui croient, que de pareils Entretiens sont plus nécessaires aux Habitans de la Grande Bretagne, qu’à ceux de tout autre Climat. Si ce que je viens de dire ne justifie pas à tous ces égards la varieté de mes Spéculations, il peut servir du moins à l’excuser. Lorsque je m’occupe à divertir mes Lecteurs, je voudrois aussi les instruire ; ou si j’échoue dans ce dessein, & que mon Badinage ne soit plus instructif, il ne cessera jamais d’être innocent. Une conduite scrupuleuse à cet égard a peut-être plus de mérite qu’on ne s’imagine d’ordinaire, si l’on savoit combien de pensées pleines de feu & de vivacité se presentent à l’Es-prit lorsqu’il badine, & qu’un Auteur discret & modeste supprime ; si l’on savoit combien de traits Satiriques s’offrent d’eux-mêmes, qui ne manqueroient pas de plaire au goût general du Monde, mais qu’il étouffe dès leur naissance à cause de quelque rapport éloigné qu’ils ont avec les idées corrompues de certaines Gens ; si l’on savoit combien d’insinuations malignes il évite avec soin, de crainte de porter coup à la réputation des autres ; si 1’on savoit, dis-je, tout cela, on auroit meilleure opinion de ces Ecrivains qui tâchent de divertir sans blesser personne, & de se rendre agréables sans être vicieux. En un mot, on peut leur appliquer ce que Vvaller a dit à des Poètes, qu’ils perdent la moitié des éloges qui leur seroient dûs, si l’on savoit tout ce que la discretion les oblige d’effacer. Il n’est rien de plus facile que d’avoir de l’Esprit lorsqu’on se donne carriere sur toutes ces libertez ; mais de paroître spirituel sans leur secours, cela demande quelque Genie & de l’Invention. Cette remarque n’a pas le seul Public en vûë, mais aussi un de mes Correspondans, qui m’a écrit la Lettre suivante, dont j’ai retranché quelques endroits pour les raisons qui viennent d’être alleguées. Quoi qu’il en soit, en voici tout l’essentiel. Monsieur, « Après avoir lû votre C’est un de ceux qu’on n’a pas jugé à propos de traduire.Discours sur une partie de Grimaciers, je ne puis m’empêcher de vous rendre compte d’une partie de Sifleurs, dont je fus regalé à Bath, avec bien d’autres, il y a trois années ou environ. Le Prix étoit une Guinée, qui devoit revenir à celui qui sifleroit d’un ton plus distinct, & qui acheveroit un air entier sans rire, quoiqu’il y fût excité par les postures grotesques d’un Boufon, placé sur le même Théatre, & à la vûë des Acteurs. Il y eut trois Concurrens, dont le premier étoit un Laboureur qui païoit de mine ; il avoit le regard fixe, pour ne pas dire stupide, & les muscles de son visage paroissoient inflexibles, qu’on crut d’abord qu’il emporteroit la Guinée. Cependant il n’eut pas plutôt commencé à sifler une Gigue, que Jean Potage se mit à danser, & à faire tant de gambades, de contorsions, & de grimaces, qu’il ébranla son Homme qui ne put s’empêcher à la fin de sourire, & de manquer ainsi le Prix. Le second, qui monta sur le Théatre, étoit un petit Artisan de Bath, Personnage remarquable entre le menu Peuple, par sa grande prudence & son rabat large. Il ressera ses levres avec beaucoup de gravité, &, pour s’affermir l’Esprit à un serieux tout extraordinaire, il entonna l’Air, qui commence par ces mots, Les Enfans dans le Bois : il en avoit siflé une bonne partie assez heureusement, lorsque Jean Potage, qui se tenoit à son côté de la maniere du monde la plus grave & la plus attentive, lui toucha l’épaule gauche, & se mit en même tems à le regarder sur le nez, d’un air si grotesque, que le Sifleur relâcha ses fibres, & qu’il en vint d’abord à une espèce de souris, qui se termina par un éclat de rire. Le troisiéme qui parut sur la Scène, ètoit un Valet de pié, qui, malgré toutes les singeries de Jean Potage, sifla un air Ecossois & une Sonate Italienne, d’un si grand serieux, qu’il emporta le Prix, & qu’il fut admiré par quelque centaine de Spectateurs, qui se trouverent, avec moi, à ce beau défi. Il me semble donc, Monsieur, quelque bonne opinion que vous aïez des grimaciers, qu’on devroit encourager les Sifleurs, non seulement parce que leur Art s’exerce sans aucune contortion, mais aussi parce qu’il sert à perfectionner la Musique Campagnarde, qu’il met en crédit la Gravité, & qu’il enseigne aux Gens du commun à garder leur contenance, lorsqu’ils voïent quelque chose de ridicule dans leurs Superieurs, outre que c’est un Divertissement fort propre pour les Bains, puisqu’un Cavalier sifle d’ordinaire à son Cheval, pour lui faciliter le passage de son urine. Après avoir expedié ces deux Articles des Grimaces & de la Siflerie, je compte, mon cher Monsieur, que vous voudrez bien honorer le Public de quelques reflexions sur le Bâaillement que j’ai vû pratiquer le jour & la nuit des Rois, entre plusieurs Gambades qui se font alors, aussi bien qu’à Noël, chez un illustre Gentilhomme, qui regale toûjours ses Fermiers dans cette saison de l’année. Le Prix, pour lequel on bâaille, est un Fromage de Cheshire, ou de la Province de Chester, & l’on commence l’exercice environ le minuit, lorsque tout le monde est disposé au sommeil. Celui qui ouvre le plus la gueule, & qui bâaille en même tems d’un air si naturel, qu’il entraîne le plus grand nombre de ses Camarades à suivre son exemple, emporte le Fromage. Si vous traitez ce Sujet comme il faut, je ne doute pas que votre Discours ne fasse bâailler la moitié du Roïaume ; quoique je sois bien persuadé que vous n’endormirez jamais personne. Je suis, &c. » L.