Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "LXX. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.2\070 (1716), S. 444-452, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1587 [consultado em: ].


Nível 1►

LXX. Discours

Citação/Divisa► Omnibus in terris, quæ sunt á Gadibus usque Aurorem & Gangem, pauci dignoscere possunt Vera bona, atque illis multùm diversa, remotâ Erroris nebulâ :

Juv. Sat X. 1.

De tous les Hommes qui sont depuis Cadis jusqu’aux Indes, il s’en trouve peu qui puissent juger sainement du vrai bien & du vrai mal. ◀Citação/Divisa

Nível 2► 1 Après avoir dit quelques genéralitez sur la Dévotion, je ferai voir ici quelles idées les Païens les plus subtils en avoient, telles que Platon nous les représente dans son Dialogue intitulé De la Priere, ou, le second Alcibiade, qui a donné sans doute occasion à la X. Satire de Juvenal & à la II. de Perse. Quoi qu’il en soit, le dernier de ces Poëtes a presque copié mot pour mot, dans sa IV. Satire, l’autre Dialogue de Platon, qui est intitulé le premier Alcibiade.

Les Interlocuteurs, dans le Dialogue sur la Priere, sont le Philosophe Socrate & Alcibiade ; & la substance de [445] ce Dialogue, après en avoir écarté les embarras & les digressions qu’on y trouve, se reduit à ceci.

Nível 3► Diálogo► 2 Socrate, à la rencontre de son Disciple Alcibiade, qui alloit faire ses Dévotions dans un Temple, les yeux attachez à terre, comme un Homme qui pense à quelque chose de fort serieux, lui dit, Qu’il avoit sujet d’être pensif & rêveur à cette occasion, puisqu’un Homme pouvoit s’attirer des maux par ses prieres, & que ses demandes exaucées pouvoient tourner à sa ruine : Ce malheur, ajoute-t-il, peut arriver, non seulement à celui-qui demande aux Dieux des choses pernicieuses de leur nature, comme on le voit par l’exemple d’Oedipe, qui les pria que ses Enfans décidassent leurs Droits par l’épée, mais à celui-là même qui leur demande ce qu’il croit lui être avantageux & qui les prie d’eloigner de sa personne ce qu’il croit lui devoit causer quelque préjudice. Le Philosophe montre ensuite que cela est inévitable, puisque l’Ignorance, les Préjugez & la passion aveuglent la plupart des Hommes, & les empêchent de voir ce qui fait réellement à leur avantage. Nível 4► Exemplum► Pour en donner un Exemple à son cher Alcibiade, il lui demande, S’il ne sentiroit pas une joie tout extraordinai-[446]re, supposé que le Dieu, qu’il alloit invoquer, lui promît de le rendre Souverain de toute l’Europe ? Alcibiade répond, Qu’il regarderoit sans douce cette promesse comme la plus grande faveur qu’il pût obtenir du Ciel. Socrate lui demande là-dessus, Si, après l’avoir reçuë, il seroit content de perdre la vie, ou s’il l’accepteroit quoique bien persuadé qu’il en feroit un mauvais usage ? Alcibiade avouë alors qu’il n’en voudroit pas à ces conditions. ◀Exemplum ◀Nível 4 Socrate lui montre aussitôt, par divers Exemples, que cela pourroit être la suite d’un si grand Bonheur. Il ajoûte que tout ce qu’on appelle bonne Fortune dans le Monde, comme d’avoir un Fils, ou de s’élever aux plus hautes Dignitez de l’Etat, se trouve sujet aux mêmes revers ; quoique, dit il, tous les Hommes y aspirent avec ardeur, & qu’ils ne manqueraient pas de le demander aux Dieux, s’il croïoient le pouvoir obtenir par leurs Prieres. ◀Diálogo ◀Nível 3

Après avoir établi ce Point capital, je veux dire, Que les plus grandes Felicitez de la Vie sont exposees à de si terribles conséquences, & qu’il n’y a personne au monde qui sache ce qui à la fin sera un Bonheur ou une Malediction pour lui, il instruit Alcibiade de quelle maniere il doit prier Dieu.

I. lui offre d’abord, pour le modèle de sa Dévotion, une courte Priere, qu’un Poëte Grec avoit dressee pour l’usage de [447] ses Amis, & qui est conçue en ces termes : Citação/Divisa► Grand Jupiter, donnez-nous les biens qui nous sont nécessaires, soit que nous vous les demandions, ou que nous ne vous le demandions pas ; & éloignez, de nous les maux, quand même nous vous les demanderions. ◀Citação/Divisa

II. En deuxiéme lieu, afin que son Disciple pût demander les choses qui lui seroient utiles, il lui fait voir, qu’il est absolument nécessaire de s’appliquer à l’étude de la véritable Sagesse, & à la connoissance du souverain Bien, & de ce qui s’accorde le mieux avec l’excellence de sa Nature.

III. En troisiéme & dernier lieu, il lui apprend que le plus sûr moïen de s’attirer les benedictions du Ciel, & de rendre ses Prieres agréables à la Divinité, seroit de vivre dans la pratique constante de son devoir à l’égard des Dieux & des Hommes. Il lui recommande à cette occasion la Priere des Lacédemoniens, qui demandoient aux Dieux Citação/Divisa► de leur donner tout ce qui étoit bon, pendant qu’ils s’’attachoient à la Vertu. ◀Citação/Divisa Il l’entretient aussi à ce propos d’un Oracle digne de remarque, & dont voici l’histoire en abregé.

Nível 3► Narração geral► Les Atheniens, après avoir été battus plusieurs fois, dans une Guerre où ils étoient engagez contre les Lacédemoniens, envoïerent à l’Oracle de Jupiter Ammon, pour savoir d’où venoit qu’eux, qui avoient élevé tant de Temples à l’honneur des Dieux, & les avoient enrichis de si belles [448] offrandes ; qu’eux, qui avoient institué à leur honneur tant de Fêtes solemnelles, accompagnées de Cerémonies si pompeuses ; qu’eux, en un mot qui avoient immolé tant d’Hecatombes sur leurs Autels, n’avoient pas le même succès que les Lacédemoniens, qui n’approchoient pas de leur zéle à tous ces égards. L’oracle leur répondit, J’aime beaucoup mieux la Priere des Lacédemoniens que tous les Sacrifices des Grecs. ◀Narração geral ◀Nível 3 Comme cette Priere supposoit & encourageoit la Vertu dans ceux qui l’emploïoient ; le Philosophe s’attache à faire voir que l’homme le plus abandonné au Vice pourroit devenir agréable aux Dieux à ce prix-là, mais qu’ils ont en horreur ses Victimes & ses Prieres. Il y ajoûte deux Vers d’Homere, où il dit, Citação/Divisa► que les Vents portoient de la Terre au Ciel l’odeur des Hecatombes que les Troyens offroient aux Immortels, & que ceux-ci se refuserent de la goûter, parce qu’ils avoient de l’aversion pour la Ville de Troye, pour Priam, & pour tout son Peuple. ◀Citação/Divisa

La Conclusion de ce Dialogue est fort remarquable. Nível 3► Diálogo► Après que Socrate a détourné Alcibiade d’offrir ses Prieres & ses Victimes, par les difficultez qu’il y avoit à se bien acquiter de ce devoir & que nous avons déja rapportées, il conclut en ces mots : C’est pourquoi il faut de toute nécessité que vous attendiez que quelqu’un vous enseigne comment vous devez vous conduire envers les Dieux & envers les Hom- [449] mes. Quand viendra donc ce tems, replique Alcibiade, & qui sera celui qui m’instruira ? Que je le verrai avec plaisir ! Ce sera celui, répond Socrate, qui a véritablement soin de vous. Mais il me semble que, comme on voit dans Homere, que Minerve dissipe le nuage qui couvroit les yeux de Diomede, & qui l’empêchoit de distinguer les Dieux d’avec les Hommes, il faut de même qu’il dissipe les ténebres qui envelopent votre Esprit, avant que vous soïez en état de discerner ce qui est bon & ce qui est mauvais. Qu’il dissipe donc, replique Alcibiade, qu’il chasse mes ténebres & tout ce qu’il voudra ; Je m’abandonne à sa conduite, & je suis prêt a obéïr à tout ce qu’il m’ordonnera, pourvu que j’en devienne meilleur. ◀Diálogo ◀Nível 3 Metatextualidade► Le reste de ce Dialogue est plein d’obscurité ; quoi qu’il y ait quelque chose qui sembleroit insinuer que Socrate veut parler de lui-même, lorsqu’il fait attendre un nouveau Docteur dans le Monde, s’il n’avoüoit à la fin qu’il est dans une aussi grande incertitude à cet égard que les autres Hommes.

Quelques Savans regardent ce dernier trait comme une prédiction de la venuë de Jesus-Christ, ou ils s’imaginent du moins que Socrate, de même que 3 Caïphe, prophetisa sans le savoir, & qu’il a designé ce divin Docteur qui devoit venir au Monde quelques siècles après [450] lui. Quoi qu’il en soit, nous voïons que ce grand Philosophe découvrit par les lumieres de la Raison, qu’il étoit de la Bonté Divine d’envoïer une Personne au Monde, pour instruire les Hommes de leurs Devoirs, & leur enseigner à prier Dieu. ◀Metatextualidade

Tout Homme qui lira cet Abregé du Dialogue de Platon sur la Priere, ne manquera pas de s’appercevoir, si je ne me trompe, que le grand Fondateur de notre sainte Religion ne s’en tint pas seulement, dans toute sa conduite & dans la Priere qu’il enseigna lui-même à ses Disciples, aux Maximes que les lumieres de la Nature avoient dictées à Socrate ; mais qu’il instruisit ses Disciples de toute l’étenduë de ce Devoir, aussi bien que de tous les autres. 4 Il leur indiqua le véritable objet de leur Culte, & leur apprit, suivant la troisiéme Regle marquée ci-dessus, à s’adresser à lui’ dans leurs Cabinets, sans éclat & sans ostentation, & de l’adorer en esprit & en vérité. Si les Lacédemonien, demandoient à leurs Dieux en genéral de leur donner tout ce qui étoit bon, pendant qu’ils s’attachaient à la Vertu, nous prions Dieu en particulier qu’il nous pardonne nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensez. Si la deuxième Regle de Socrate veut qu’on s’applique à la recherche du souverain Bien & [451] de ce qui s’accorde le mieux avec l’excellence de notre Nature ; l’Evangile nous enseigne, en divers endroits, que nous devons avoir des idées toutes differentes de celles qu’on a dans le monde, à l’égard du Bien & du Mal, de ce qui fait le Bonheur ou le Malheur des Hommes. C’est ainsi que nous demandons à Dieu, dans la Priere Dominicale, que son Regne vienne, qui est la source de notre souverain Bonheur, & l’unique but de notre Creation, sans nous mettre en peine, à l’égard du Temporel, que de notre subsistance d’un jour à l’autre. D’ailleurs nous ne le prions de nous délivrer que du Peché, & du Mal en général, sans dire en quoi il consiste, bien persuadez que son infinie Sagesse le déterminera mieux que nous. Enfin, si nous examinons le Formulaire que Socrate recommande dans sa premiere Règle, nous trouverons non seulement qu’il est compris, mais qu’il est poussé beaucoup plus loin, dans la demande que nous adressons à Dieu, pour le supplier que sa volonté soit faite sur la Terre, comme dans le Ciel : Ce qui revient à ce que notre Sauveur disoit lui-même, la veille de sa Mort, au milieu de l’agonie où il tomba, 5 Néanmoins que cela se passe non comme je le voudrois, mais comme tu le veux. On peut dire que cette demande est la plus sou-[452]mise & la plus prudente que la Créature puisse adresser à son Créateur, en ce qu’elle suppose que cet Etre infini ne veut rien qui ne soit pour notre avantage, & qu’il sait mieux que nous ce qui rend à ce but.

L. ◀Nível 2 ◀Nível 1

1Voïez le Disc. LXVIII.

2Voïez la Traduction de ce Dialogue par Mr. Dacier dans le I. Tome des Œuvres de Platon, pag. 371 & suiv. de la seconde Edition de Paris 1701.

3Jean XI. 49. 50. 51

4Matth. VI. 9. &c.

5Matth. XXVI. 39.