Le Monde comme il est (Bastide): No. 12
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Feuille du Mardi 15 Avril 1760.
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Lettera/Lettera al direttore
Lettre
Metatestualità
Que je
viens de recevoir.
Je m’imagine,
Monsieur, qu’un Ouvrage periodique portant le titre que
vous avez donné au vôtre, doit être général & parler
généralement de tout ; mais cela me paroît difficile :
je ne doute nullement de vos talens, votre façon
d’écrire me prouve même que vous en avez infiniment ;
cependant, Monsieur, avec le talent de bien dire les
choses, il faut encore en avoir vû beaucoup ; il
faudroit être un Prothée, avoir passé par tous les
différens états, & c’est ce qui ne peut être ; par
exemple, vous n’êtes ni Peintre, ni
Musicien, ni Astronome1; vous n’avez point servi ni voyagé
peut-être ; vous n’avez pas été à portée de voir dans
les états subalternes les tracasseries, les jalousies,
les fourberies même qui s’y font : vous me direz que les
hommes sont hommes par-tout ; cela est vrai dans un
sens, c’est-à-dire, dans le fond ; mais la forme est
bien différente. La Cour ne ressemble point à la Ville,
la Province differe de la Capitale, & tous les
hommes different entre eux, même avec des défauts de la
même espece. Je voudrois donc que pour remplir le titre
de votre Ouvrage, & rendre vos Feuilles telles
qu’elles doivent être, vous engageassiez le Public à
vous écrire : vous vous chargeriez de donner une forme,
& si vous voulez, une derniere couleur, à cet amas
d’histoires & d’anecdotes que l’on vous
enverroit : le Public ne pourroit manquer d’y gagner
beaucoup ; je ne demande pas mieux pour ma part que d’y
contribuer ; mais sous une condition, c’est que vous ne
me nommerez point, & que me Lettres ne vous
serviront que de matériaux. Je n’ai jamais écrit que des
Lettres à mes amis, & pour des petits Ouvrage, des
Histoires, des Vers même, jamais je ne me suis mêlé d’en
faire ; & afin que l’envie ne puisse jamais m’en
prendre, je porte toujours sur moi l’Art poétique de
Boileau. Mon métier a toujours été mon seul amusement,
& les études qui y ont rapport mon seul plaisir :
cependant j’ai vû & entendu dans mes campagnes des
choses, qui rapportées par vous, pourroient amuser :
dans le Régiment où j’ai l’honneur d’être Capitaine, il
est arrivé mille petites aventures, Metatestualità
que je voudrois que vous sçuffiez, &
qui serviroient à faire voir le Monde comme il est.
Racconto generale
Le Chevalier
de Parlierac, qui étoit Officier dans le même
Régiment, & qui est mort de pleurésie à Paris,
reçut à la bataille de Fontenoy une balle dans la
basque de son habit qui lui meurtrit un peu la
cuisse : depuis ce tems il alloit passer une partie
de la campagne aux eaux, & ne manquoit pas
d’avoir un congé tous les hyvers, avec lequel il
venoit se divertir à Paris: cependant si vous
l’eussiez entendu dans les promenades, & à
Versailles dans les Bureaux, il n’y avoit eu aucune
action dont on ne dût lui attribuer l’avantage ;
dans telle affaire, il avoit tué dix hommes de sa
main ; dans une retraite, il avoit soutenu seul le
choc de dix cavaliers ; dans un siege, il avoit pris
seul la contrescarpe ; il n’avoit vécu que de cheval
& de pain bis ; il avoit été enterré trois fois,
& trois jours une fois, par l’effet d’une mine :
comment ne pas accorder des graces à un homme qui a
tant souffert & fait de si belles actions : cependant le Chevalier des Vertus, son
camarade, qui servoit dix ans avant lui, qui n’a
jamais eu de congé, qui n’a jamais vû les eaux, qui
a déjà reçu quatre coups de sabre, à qui il manque
deux doigts, n’a encore aucune pension : cela n’est
pas étonnant, ce dernier ne demande rien, & se
croit trop heureux de servir son Maître & sa
Patrie ; voilà, Monsieur, le Monde comme il est :
car tous les Parlieracs ne sont pas morts2. J’ai eu
dans ma Compagnie un Soldat bien plus sincere ;
c’étoit un de ces fainéans qui courent le Monde sous
le nom d’Hermite. Mon Sergent qui m’avoit fait
quatre hommes assez beaux, les
conduisoit au Régiment : en passant dans un Village
ils y rencontrerent cet Hermite qui demandoit la
charité ; ils lui offrirent de boire un coup avec
eux ; l’Hermite l’accepte : on parle guerre, &
l’on fait un si beau portrait du service, que
l’Hermite y prend goût. On appuye le propos de
quelques verres de vin : enfin on le détermine à
trocquer son capuchon contre une cocarde : voilà mon
hermite<sic> au rang des Césars ; mais en lui
en donnant l’habit, on ne lui en avoit pas donné le
cœur ; c’étoit bien aussi le plus mauvais soldat qui
fût dans les troupes. Il étoit tous les jours dans
ma tente pour me demander son congé. Il avouoit
lui-même qu’il n’avoit pas de courage, qu’un coup de
fusil le feroit mourir de peur : il fut deux heures
sans connoissance pour avoir vû passer, étant en
faction, un de nos hussards, qu’il prit pour un de
ceux des ennemis. Enfin n’étant pas possible d’en rien faire, je lui donnai son congé
pour ce qu’il m’avoit coûté. Après la bataille
d’Hastembeck, lorsque nous chassions les Hanovriens
de leur pays, nous tombâmes un jour un peu vivement
sur un détachement des leurs qui escortoit quelques
bagages ; nous prîmes l’escorte, & nos soldats
pillerent. Un gros Comtois, soldat de recrue, qui
n’avoit jamais vû dans son Village que des sols
marqués, tomba sur la malle de quelque Officier
Hanovrien : ayant rompu la serure, il prit une veste
galonnée, quelques chemises fort fines & un sac
de cuir qu’il avoit déja rebuté deux ou trois fois.
Lorsque l’affaire fut finie, & qu’il se vit
tranquille, il voulut voir ce qui étoit dans le
sac : il l’ouvrit & y trouva deux cens ducats,
mais n’ayant jamais vû de ducats, il les prit pour
des jettons ; & de colere, manqua de les jetter
dans un ruisseau au bord duquel il
étoit : mais ayant appellé un de ses camarades, il
lui dit, Dialogo
tiens
Sans-souci, ne voila-t-il pas une drôle de
trouvaille que j’ai fait de jettons : son camarade
lui dit, bon des jettons, ce sont des ducats : eh
bien, dit l’autre, des lucas ! des lucas tant que
tu voudras, j’aimerois mieux des sols : son
camarade lui en ayant demandé quelques-uns, il ne se
fit pas prier ; il lui en donna ainsi qu’à tous ceux
qui en voulurent ; il n’en garda pas trente. Enfin
me les ayant montrés, je lui dis ce que c’étoit,
& le grondai de sa bêtise. Tant que l’argent a
duré, il n’a cessé de boire, & finalement au
bout de quinze jours il n’avoit pas le fou. O
fortune ! C’est bien avec raison que l’on te peint
avec un bandeau !
Metatestualità
Mais je m’apperçois que
mes réflexions m’ont mené plus loin que je ne
voulois. Je finis en vous priant de ne point
chercher à me connoître non plus que ceux que j’ai
nommés dans ma Lettre : mon nom &
le leur sont imaginés ; mais il n’en est pas de même
des caracteres qui sont très-vrais. J’ai
l’honneur d’être, &c. Le Chevalier de S. Macaire.
Livello 3
Nouvelles. Lundi 7 du mois,
seconde Fête de Pâques, l’immense charpente élevée dans le
Chœur de l’Eglise de Saint Germain l’Auxerrois, pour la
décoration qu’on y fait, s’est renversée à sept heures du
matin, & a causé un dommage considérable : elle n’a
heureusement blessé personne, parce que deux ou trois pieces
de bois en se détachant d’abord ont averti du danger. Mais
les Marguillers ayant appellé des Experts à l’examen des
causes de cet accident, Messieurs Goupi, Entrepreneur des
Bâtimens, & Rabian, Charpentier actuel de
la Fabrique, ont décidé que ce deversement général provenoit
de la négligence de l’Entrepreneur à bien assembler & à
consolider les parties par des chevilles. Cette négligence
affreuse, & qui pouvoit coûter la vie à bien des
personnes, est imputée à l’avidité de l’Entrepreneur. Elle
n’est que trop commune dans le Monde comme il est. On fera
aisément les réflexions qu’inspire une pareille horreur. La
déposition en a été faite chez M. le Commissaire Chenon.
Les Grands ont fait autant d’ingrats que de victimes :
pourquoi le dissimuler ? M’accusera-t-on d’adulation si j’oppose
une justice raisonnable, aux injures souvent atroces, &
toujours insolentes, par lesquelles ma malignité & le talent
prétendent se signaler. Je dirai du moins qu’il est des Grands
incapables de faire des victimes, & dignes de ne faire
jamais d’ingrats.
Livello 3
Racconto generale
Madame la Duchesse de M * * *
est de ce nombre. Elle vient de prouver sa générosité
& la délicatesse de son gôut, par un trait de
magnificence qui caracterise l’un & l’autre.
L’Auteur d’ * * avoit commandé une harpe au plus habile
ouvrier de Paris. Madame la Duchesse de M * * * le sçut,
& ordonna à cet ouvrir de se surpasser dans son
travail. M. de La * * reçut cet instrument il y a deux
jours : il fut fort surpris, en le voyant tout autre
& bien plus beau qu’il ne l’avoit demandé. Vous
voulez me ruiner, dit-il, à l’ouvrier : non, Monsieur,
car il est payé. J’étois présent : la surprise fut
générale ; mais le nom de Madame de M * * * la fit
cesser. M. de La * * eût voulu sur le champ lui aller
exprimer sa reconnoissance, sur l’instrument même
qu’elle venoit de donner. Mais il ne fait pas des vers.
Un homme en fit, & ils furent chantés le lendemain à
Madame de M * * *.
Metatestualità
Je crois que le Public les verra avec
plaisir.
3
Livello 4
Citazione/Motto
D’une lyre
enchanteresse M * * * me fait présent ; Le
bienfait d’une Déesse S’y reconnoît aisément ;
Sous mes doigts qu’elle s’exprime, Qu’elle
instruise l’univers : Un bienfait qui nous anime
Doit retentir dans les airs. Si par la
reconnoissance Le plaisir peut s’exprimer ; Je
n’ai nulle défiance Des sons que je vais former :
Vous en ferez attendrie ; Vous sçaurez mes
sentimens ; Tout le bonheur de ma vie Va dépendre
de mes chants.
Ce n’est pas le Monde comme il est, c’est le Monde comme
il devoit être.
Livello 2
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Lettre
Metatestualità
Que je
viens de recevoir.
Je m’imagine,
Monsieur, qu’un Ouvrage periodique portant le titre que
vous avez donné au vôtre, doit être général & parler
généralement de tout ; mais cela me paroît difficile :
je ne doute nullement de vos talens, votre façon
d’écrire me prouve même que vous en avez infiniment ;
cependant, Monsieur, avec le talent de bien dire les
choses, il faut encore en avoir vû beaucoup ; il
faudroit être un Prothée, avoir passé par tous les
différens états, & c’est ce qui ne peut être ; par
exemple, vous n’êtes ni Peintre, ni
Musicien, ni Astronome1; vous n’avez point servi ni voyagé
peut-être ; vous n’avez pas été à portée de voir dans
les états subalternes les tracasseries, les jalousies,
les fourberies même qui s’y font : vous me direz que les
hommes sont hommes par-tout ; cela est vrai dans un
sens, c’est-à-dire, dans le fond ; mais la forme est
bien différente. La Cour ne ressemble point à la Ville,
la Province differe de la Capitale, & tous les
hommes different entre eux, même avec des défauts de la
même espece. Je voudrois donc que pour remplir le titre
de votre Ouvrage, & rendre vos Feuilles telles
qu’elles doivent être, vous engageassiez le Public à
vous écrire : vous vous chargeriez de donner une forme,
& si vous voulez, une derniere couleur, à cet amas
d’histoires & d’anecdotes que l’on vous
enverroit : le Public ne pourroit manquer d’y gagner
beaucoup ; je ne demande pas mieux pour ma part que d’y
contribuer ; mais sous une condition, c’est que vous ne
me nommerez point, & que me Lettres ne vous
serviront que de matériaux. Je n’ai jamais écrit que des
Lettres à mes amis, & pour des petits Ouvrage, des
Histoires, des Vers même, jamais je ne me suis mêlé d’en
faire ; & afin que l’envie ne puisse jamais m’en
prendre, je porte toujours sur moi l’Art poétique de
Boileau. Mon métier a toujours été mon seul amusement,
& les études qui y ont rapport mon seul plaisir :
cependant j’ai vû & entendu dans mes campagnes des
choses, qui rapportées par vous, pourroient amuser :
dans le Régiment où j’ai l’honneur d’être Capitaine, il
est arrivé mille petites aventures, Metatestualità
Que je
viens de recevoir.
Metatestualità
que je voudrois que vous sçuffiez, &
qui serviroient à faire voir le Monde comme il est.
Racconto generale
Le Chevalier
de Parlierac, qui étoit Officier dans le même
Régiment, & qui est mort de pleurésie à Paris,
reçut à la bataille de Fontenoy une balle dans la
basque de son habit qui lui meurtrit un peu la
cuisse : depuis ce tems il alloit passer une partie
de la campagne aux eaux, & ne manquoit pas
d’avoir un congé tous les hyvers, avec lequel il
venoit se divertir à Paris: cependant si vous
l’eussiez entendu dans les promenades, & à
Versailles dans les Bureaux, il n’y avoit eu aucune
action dont on ne dût lui attribuer l’avantage ;
dans telle affaire, il avoit tué dix hommes de sa
main ; dans une retraite, il avoit soutenu seul le
choc de dix cavaliers ; dans un siege, il avoit pris
seul la contrescarpe ; il n’avoit vécu que de cheval
& de pain bis ; il avoit été enterré trois fois,
& trois jours une fois, par l’effet d’une mine :
comment ne pas accorder des graces à un homme qui a
tant souffert & fait de si belles actions : cependant le Chevalier des Vertus, son
camarade, qui servoit dix ans avant lui, qui n’a
jamais eu de congé, qui n’a jamais vû les eaux, qui
a déjà reçu quatre coups de sabre, à qui il manque
deux doigts, n’a encore aucune pension : cela n’est
pas étonnant, ce dernier ne demande rien, & se
croit trop heureux de servir son Maître & sa
Patrie ; voilà, Monsieur, le Monde comme il est :
car tous les Parlieracs ne sont pas morts2. J’ai eu
dans ma Compagnie un Soldat bien plus sincere ;
c’étoit un de ces fainéans qui courent le Monde sous
le nom d’Hermite. Mon Sergent qui m’avoit fait
quatre hommes assez beaux, les
conduisoit au Régiment : en passant dans un Village
ils y rencontrerent cet Hermite qui demandoit la
charité ; ils lui offrirent de boire un coup avec
eux ; l’Hermite l’accepte : on parle guerre, &
l’on fait un si beau portrait du service, que
l’Hermite y prend goût. On appuye le propos de
quelques verres de vin : enfin on le détermine à
trocquer son capuchon contre une cocarde : voilà mon
hermite<sic> au rang des Césars ; mais en lui
en donnant l’habit, on ne lui en avoit pas donné le
cœur ; c’étoit bien aussi le plus mauvais soldat qui
fût dans les troupes. Il étoit tous les jours dans
ma tente pour me demander son congé. Il avouoit
lui-même qu’il n’avoit pas de courage, qu’un coup de
fusil le feroit mourir de peur : il fut deux heures
sans connoissance pour avoir vû passer, étant en
faction, un de nos hussards, qu’il prit pour un de
ceux des ennemis. Enfin n’étant pas possible d’en rien faire, je lui donnai son congé
pour ce qu’il m’avoit coûté. Après la bataille
d’Hastembeck, lorsque nous chassions les Hanovriens
de leur pays, nous tombâmes un jour un peu vivement
sur un détachement des leurs qui escortoit quelques
bagages ; nous prîmes l’escorte, & nos soldats
pillerent. Un gros Comtois, soldat de recrue, qui
n’avoit jamais vû dans son Village que des sols
marqués, tomba sur la malle de quelque Officier
Hanovrien : ayant rompu la serure, il prit une veste
galonnée, quelques chemises fort fines & un sac
de cuir qu’il avoit déja rebuté deux ou trois fois.
Lorsque l’affaire fut finie, & qu’il se vit
tranquille, il voulut voir ce qui étoit dans le
sac : il l’ouvrit & y trouva deux cens ducats,
mais n’ayant jamais vû de ducats, il les prit pour
des jettons ; & de colere, manqua de les jetter
dans un ruisseau au bord duquel il
étoit : mais ayant appellé un de ses camarades, il
lui dit, son
camarade lui en ayant demandé quelques-uns, il ne se
fit pas prier ; il lui en donna ainsi qu’à tous ceux
qui en voulurent ; il n’en garda pas trente. Enfin
me les ayant montrés, je lui dis ce que c’étoit,
& le grondai de sa bêtise. Tant que l’argent a
duré, il n’a cessé de boire, & finalement au
bout de quinze jours il n’avoit pas le fou. O
fortune ! C’est bien avec raison que l’on te peint
avec un bandeau !
Dialogo
tiens
Sans-souci, ne voila-t-il pas une drôle de
trouvaille que j’ai fait de jettons : son camarade
lui dit, bon des jettons, ce sont des ducats : eh
bien, dit l’autre, des lucas ! des lucas tant que
tu voudras, j’aimerois mieux des sols :
Metatestualità
Mais je m’apperçois que
mes réflexions m’ont mené plus loin que je ne
voulois. Je finis en vous priant de ne point
chercher à me connoître non plus que ceux que j’ai
nommés dans ma Lettre : mon nom &
le leur sont imaginés ; mais il n’en est pas de même
des caracteres qui sont très-vrais.
Livello 3
Nouvelles. Lundi 7 du mois,
seconde Fête de Pâques, l’immense charpente élevée dans le
Chœur de l’Eglise de Saint Germain l’Auxerrois, pour la
décoration qu’on y fait, s’est renversée à sept heures du
matin, & a causé un dommage considérable : elle n’a
heureusement blessé personne, parce que deux ou trois pieces
de bois en se détachant d’abord ont averti du danger. Mais
les Marguillers ayant appellé des Experts à l’examen des
causes de cet accident, Messieurs Goupi, Entrepreneur des
Bâtimens, & Rabian, Charpentier actuel de
la Fabrique, ont décidé que ce deversement général provenoit
de la négligence de l’Entrepreneur à bien assembler & à
consolider les parties par des chevilles. Cette négligence
affreuse, & qui pouvoit coûter la vie à bien des
personnes, est imputée à l’avidité de l’Entrepreneur. Elle
n’est que trop commune dans le Monde comme il est. On fera
aisément les réflexions qu’inspire une pareille horreur. La
déposition en a été faite chez M. le Commissaire Chenon.
Livello 3
Racconto generale
Madame la Duchesse de M * * *
est de ce nombre. Elle vient de prouver sa générosité
& la délicatesse de son gôut, par un trait de
magnificence qui caracterise l’un & l’autre.
L’Auteur d’ * * avoit commandé une harpe au plus habile
ouvrier de Paris. Madame la Duchesse de M * * * le sçut,
& ordonna à cet ouvrir de se surpasser dans son
travail. M. de La * * reçut cet instrument il y a deux
jours : il fut fort surpris, en le voyant tout autre
& bien plus beau qu’il ne l’avoit demandé. Vous
voulez me ruiner, dit-il, à l’ouvrier : non, Monsieur,
car il est payé. J’étois présent : la surprise fut
générale ; mais le nom de Madame de M * * * la fit
cesser. M. de La * * eût voulu sur le champ lui aller
exprimer sa reconnoissance, sur l’instrument même
qu’elle venoit de donner. Mais il ne fait pas des vers.
Un homme en fit, & ils furent chantés le lendemain à
Madame de M * * *.
3
Metatestualità
Je crois que le Public les verra avec
plaisir.
Livello 4
Citazione/Motto
D’une lyre
enchanteresse M * * * me fait présent ; Le
bienfait d’une Déesse S’y reconnoît aisément ;
Sous mes doigts qu’elle s’exprime, Qu’elle
instruise l’univers : Un bienfait qui nous anime
Doit retentir dans les airs. Si par la
reconnoissance Le plaisir peut s’exprimer ; Je
n’ai nulle défiance Des sons que je vais former :
Vous en ferez attendrie ; Vous sçaurez mes
sentimens ; Tout le bonheur de ma vie Va dépendre
de mes chants.
1Je ne crois pas l’être du moins ; mais je le suis peut-être sans le sçavoir.
2Cette réflexion se trouve confirmée par le fait suivant. On sçait que ce ne fut que vers la fin de sa vie que l’immortel Corneille obtint une pension de Louis XIV. Ce grand Roi aimoit pourtant à recompenser : mais il étoit entouré de Poëtes plus courtisans, qui remplissoient ses oreilles du bruit de leur génie, & le trop modeste Corneille laissoit parler le sien.
3On a mis le mot lyre à la place du mot harpe, parce que le dernier est dur en chant.