Le Spectateur ou le Socrate moderne: XLVIII. Discours
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Nivel 1
XLVIII. Discours
Cita/Lema
Quis enim bonus, aut face dignus Arcanâ, qualem Cereris vult esse Sacerdos,
Ulla aliena sibi credat mala ?
Ulla aliena sibi credat mala ?
Juv. Sat. xv. 140.
Car un Homme de bien, tel que le Prêtre de Cerès veut qu’on soit, a-t-il jamais tenu pour maxime, qu’il dût compter pour rien le mal d’autrui ?
Nivel 2
Metatextualidad
Dans 1un de mes derniers Discours, j’ai parlé du bon Naturel, qui est une production du Temperament, & j’en traiterai ici sur le pié d’une Vertu morale.
Nivel 3
Ejemplo
Peut-être qu’un Exemple développera mieux ceci que la Regle ou le Conseil, que je viens de donner.
Retrato ajeno
Eugene est d’un Naturel si bon & si généreux, qu’il en produit des marques au de-là de sa Fortune ; mais, avec tout cela, d’une si grande économie dans ses affaires, que ce qu’il distribue en aumônes est compensé par le bon ménage. Il a deux cens Livres Sterlin de revenu, qu’il n’évalue jamais qu’à cent quatre-vingt, parcequ’il suppose n’avoir aucun droit sur la dixme, qu’il emploïe toujours en œuvres charitables. Il ajoûte souvent quelque chose de plus à cette épargne, en sorte que dans une bonne année, c’est-à-dire, pour m’exprimer avec lui, du nombre de celles où il se trouve en état de porter sa liberalité plus loin qu’à l’ordinaire, il a destiné le double de cette somme à secourir des Pauvres, malades ou sains. D’un autre côté, il se prescrit plusieurs jours d’abstinence & de jeûne, & il met à quartier, pour le même usage, la dépense qu’il auroit pû faire alors. Il va souvent à pié aux endroits, où ses affaires l’appellent ; &, au bout de sa course, il donne au premier Mendiant, qu’il rencontre sur ses pas, le Chelin qu’il auroit païé pour un Fiacre. Disposé quelquefois à voir jouer une Comedie ou un Opera, je l’ai vû emploïer, en faveur d’un Objet de charité qu’il trouvoit dans la rue, l’argent qu’il avoit destiné à cet usage, & passer ensuite la soirée dans un Caffé, ou chez quelque Ami, avec beaucoup plus de satisfaction qu’il n’en auroit eu de tous les divertissemens les plus exquis du Théatre. C’est par de tels moïens que sa Libéralité ne sauroit l’appauvrir, & qu’il jouït de ses revenus par le bon usage qu’il en fait.
Nivel 3
Ejemplo
Le Chevalier Thomas Brown, dans son Livre intitulé La Religion Du Medecin, après avoir cité ce passage des Proverbes de Salomon, 2Celui qui a pitié du Pauvre, prête à l’Eternel, qui lui rendra son bienfait, s’exprime en ces termes. « 3Il y a plus d’éloquence, dit-il, dans cette seule Periode, que dans une Biblioteque entiere de Sermons, & si nous avions de tous ces Proverbes des idées aussi exactes qu’en avoit l’Auteur qui nous les a donnez, nous connoitrions la Vertu par une voie fort abregée, & nous n’aurions pas besoin de tous ces gros Volumes de Morale qu’on nous debite. »
Nivel 3
Cita/Lema
« J’ai perdu ce que j’ai dépensé ; j’ai laissé à d’autres ce que je possedois, & j’ai mis en reserve ce que j’ai donné. »
Nivel 3
Cita/Lema
5« Oh, que ne suis je encore, dit-il, dans mon premier état, lorsque Dieu me gardoit, qu’il faisoit luire son flambeau sur ma tête, & que je marchois dans les ténèbres à la faveur de sa clarté ; lorsque le Tout-puissant m’accordoit sa protection, & que mes jeunes Gens m’environnoient ; lorsque je lavois mez piez dans le Beurre, & que des ruisseaux d’Huile découloient du Rocher dans mes Cuves. »
6« Ceux qui m’entendoient venir disoient que j’étois bien heureux, & ceux qui me voïoient me rendoient bon témoignage ; parceque je délivrois l’affligé qui crioit vers moi, de même que l’Orphelin qui n’avoit personne pour le secourir. La benédiction de celui qui s’en alloit perir venoit sur moi, & je faisois que le cœur de la Veuve chantoit de joie. Je servois d’yeux à l’Aveugle, & de piez aux Boiteux. J’étois le Pere des Pauvres, & je m’informois exactement de la Cause qui m’étoit inconnue. »
7« Ne pleurois-je pas pour celui qui tomboit dans l’adversité, mon ame ne s’affligeoit-elle pas à cause du Pauvre ? »
8« Qu’on me pese dans de justes balances, & Dieu connoîtra mon integrité. Si j’ai dédaigné de rendre justice à mon serviteur ou à ma servante, lorsqu’ils ont disputé avec moi. Car qu’aurois-je fait, si Dieu se fût levé contre moi, & que lui aurois-je répondu, s’il m’eût interrogé à cette occasion ? Celui qui m’a formé dans le sein de ma Mere, ne l’a-t’il pas formé aussi, & ne nous a-t’il pas façonnez de même dans la matrice ? Si j’ai refusé aux Pauvres ce qu’ils m’ont demandé ; si j’ai été insensible aux larmes de la Veuve ; si j’ai mangé tout seul les morceaux, qu’on servoit à ma table, & si l’Orphelin n’en a pas eu sa part : Si j’ai laissé perir quelqu’un faute d’habits, & le Pauvre manque de couverture : Si ses reins ne m’ont pas beni, & si la laine de mes Brebis n’a pas été emploïée à le tenir chaudement : Si j’ai levé la main contre l’Orphelin, lorsque je me voïois le plus fort dans l’Assemblée des Juges ; que mon Epaule se separe de sa jointure & tombe en terre, & que mon bras se brise avec tous ses os. Si je me suis rejoui de la perte de celui qui me haïssoit, ou si j’ai témoigné de la satisfaction lorsqu’il lui est arrivé quelque malheur : Je n’ai pas même permis à ma bouche de prononcer aucune malédiction contre lui. Je n’ai pas souffert que l’Etranger passât la nuit dans la rue ; mais j’ai ouvert ma porte au Voyageur. Si mes champs crient contre moi, & si leurs salons se plaignent de ma conduite, si j’en ai mangé les fruits sans argent, ou si j’ai causé la mort de ceux qui les cultivoient ; Qu’ils ne produisent à l’avenir que des épines au lieu de froment, & de l’yvraie au lieu d’orge. »
1C’est le xlii.
2Chap. xix. 17.
3Voïez p. 230. de l’Edition Latine de cet Ouvrage in 12. Lugd. Batavorum apud Franc. Hackrum anno 1644.
4Matth. xxv. 35. 40.
5Job Ch. xxix 2, 3, 5, 6.
6Ibid. v. 11, 12, 13, 15, 16.
7Ibid. Ch. xxx. 25.
8Job Chap. xxxi. 6, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 29, 30, 32, 38, 39, 40.