Le Philosophe nouvelliste: Article XVIII.
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Nivel 1
Article XVIII.
Du Jeudi 19. au Samedi 21. Mai. 1709.
De mon Cabinet le 20. Mai.
Nivel 2
Du Caffé de St. James, le 20. Mai.
Les apparences d’une Paix prochaine font trembler nos Troupes, que les plus sanglantes Batailles n’ont point étonnées, & peu s’en faut que ces Troupes ne se repentent de leur propre bravoure, qui a précipité leur défaite, en hâtant la chute de Louïs XIV. Le Duc de Marlborough passera toûjours pour le plus grand Capitaine de notre Siecle ; mais il a fait voir clairement, qu’il ne connoit point du tout l’art de faire traîner une Guerre. S’il eût voulu suivre les Exemples du Duc d’Albe & du Prince de Waldeck, il ne tenoit qu’à lui de vieillir dans les Païs-Bas. On estimoit autrefois que le Commandement des Armées y étoit un Emploi à vie, & à dire le vrai, notre illustre Général y pouvoit aquerir tous les ans assez de réputation pour contenter un Homme qui ne seroit pas insatiable de gloire. Je voudrois bien savoir sur tout comment il pourra se justifier aux yeux du Public, de l’empressement qu’il témoigne pour mettre a la béface cent-mille hommes des plus braves qu’il y ait en Europe. Ma compassion ne tombe pas toute sur les simples Soldats ; car ceux-ci ne peuvent guère mourir de faim dans un Païs où il y a quantité de Poulaliers. Je n’ai pas oublié ce que dit autrefois un 10Officier que je compte au rang de mes Ancêtres.Nivel 3
Diálogo
1Ce qui suit est, si je ne me trompe, une imitation du Placet de Caritides dans les Fácheux de Moliere.
2Il n’y a presque point de Bourgeois dans Londres qui ne tranche de l’habile homme, sur-tout en fait de Politique & de Théologie ; & l’on peut dire en général qu’il n’y a point de Nation chez qui le commun Peuple ait plus de lumieres.
3L'Auteur donne un coup en passant à Mrs. les Antiquaires, qui, sur des fautes visibles d’Orthographe, nous forgent à plaisir des mots ou des Histoires. Pour en donner un Exemple, je citerai celui que j'ai trouvé à l'ouverture du Livre dans le Traité du Pere Hardouin, intitulé, Nummi Antiquis illustrati, in voce ΝΥΣΑΞΩΝ Φεογάμíα , sur une Médaille de Valerien : Φεογαμíα, dit-il, étoient des Jeux que les Siciliens faisoient à l'honneur de Proserpine, & il cite pour son garant, Julius Pollux. Ensuite vient une autre Médaille qui porte au revers Φεθχíμια. Il dit que ce mot signifie des Jeux sacrés quel'on faisoit pour la santé de Gallien. Il n'en donne aucune preuve, si ce n'est qu'il fait expresses défenses de confondre ce mot avec le précedent ; comme s'il n’étoit pas visible qu'un Graveur ignorant avoit écrit un k pour un g qu'il prononçoit apparemment d'une maniere rude.
4Ce que l’Auteur dit ici est une raillerie assez froide sur la pauvreté des Ecossois qui n'a pas été diminuée par l’union des deux Roïaumes. Le Peuple y vit d'Oignons & de choses semblables, comme auparavant ; & dans la prononciation Ecossois, il n'y a presque point de difference entre Union & Oignon. Le C. Mazarin fit rire bien des gens, en disant que la Reine ne vouloit point d’Arrêt d’Oignon, lors qu’on parloit d’unir les Chambres ; il prononçoit Union à l’Italienne. Voy. Mem. de Joly, Tom. I.
5C’est la place d’un grand Marché qui est près de la Bourse.
6Il falloit que cet Homme fût ivre & qu'il eût passé toute la nuit à boire, car un Homme sobre ne sauroit s'y méprendre. Peut-être y a-t-il ici quelque trait de satire contre quelque Gentilhomme Ecossois, Membre du Parlement de la Gr. Bretagne. Les affaires publiques étoient bien confiées entre les mains d'un Homme qui beuvoit toute la nuit & qui le jour ne savoit ni ce qu'il faisoit ni même où il étoit.
7Petite Paroisse à un demi-Mille de Westminster.
8Les gens malins soupçonnerent que 1’Auteur vouloit parler du Duc de B…g…m. qui fit mettre pour devise sur la façade de la Mai on qu'il bâtit au bout du Parc de St. James, Rus in Urbe. Le Duc passoit tous les jours dans le Boulingrin de Marybone, & y jouoit à la boule tant que la lumiere le permettoit.
9Ce Comte Suisse est le même Mr. Heidegger, dont il est parlé dans le XII. Article. On ne lui donne le titre de Comte que par dérision. Les gens qui le connoissent m’ont assuré, qu’il n’est nullement beau.
10L'Auteur attribue ce mot au Chevalier Jean Falstaff, Voleur de grand chemin, dont il a parlé dans l’Article XI.
11Il est incroïable combien de Feuilles volantes, en forme de Gazette, se débitent dans la Ville. A present, par exemple, on en compte vingt-trois differentes, par semaine. J’écrits ceci en Janvier 1720.
12C’étoit lui qui écrivoit alors la Feuille volante connue encore sous le nom de Post-boy.
13Mr. Boyer est François de naissance, & sorti de sa Patrie à cause de la Persécution. Il avoit été élevé à l’Etude, & non plus que la plûpart des gens de Lettres, je ne pense pas qu’il se fasse un mérite de sa bravoure.
14Ce Mr. Buckley étoit alors & est encore l’Auteur d'une Gazette connuë sous le Titre de Daily Courant. Pendant le dernier Ministere de la Reine Anne, ce Nouvelliste eut le courage d'inserer les Mémoires, & les Nouvelles du Parti Wigh ; ce qui l'exposa souvent à la colere des Toris, & lui a valu dans la suite la protection & les faveurs de la Cour fous le Roi George.
15L'Auteur du Daily Courant ne faisoit que donner une Traduction fidelle des Gazettes étrangeres, de France, d'Allemagne, de Hollande, & par conséquent on y voïoit les Rélations que chaque Parti publioit à son avantage des mêmes faits.
16Mr. Dyer évrivoit des Nouvelles manuscrites qui se répandoient dans les Provinces. Il se mit en réputation par la hardiesse qu’il prit de débiter des Nouvelles desagréables à la Cour, & mouut riche.
17Dawks étoit un pauvre Nouvelliste, qui mettoit dans ses Feuilles volantes beaucoup de choses ridicules.
18Cet Homme étant Tory, l’Auteur suppose qu’une Paix, qui alloit renverser toutes les esperances de Torie, obligeroit leurs Nouvellistes à changer de langage.
19Des Annales compilées sur de semblables Memoires ressembleroient assez aux Gazettes, où l'on ne voit souvent que de faux bruits qui se contredisent à chaque Poste.
20Mr. Steele avoit eu quelque Emploi dans les Gardes; mais la nécessité de ses affaires domestiques l’avoit contraint de le vendre, il y avoit déjà quelque tems, lors qu’il écrivoit ceci.