Par Mlle. Sœur uterine de Mr. .Du
Une affaire de
conséquence ayant obligé mon Frere à sortir de
La premiére règle du Plan que ce Garçon se propose de suivre, est
d’obliger sa Femme à renoncer à son Sexe ; car il veut qu’elle ait
en aversion les Opera, les Bals, & les Visites ; qu’elle croie
que la compagnie d’un Mari suffit pour remplir agréablement tout le
vuide de la vie, & qu’il n’y a point d’homme au Monde qui lui
paroisse avoir autant ou plus de savoir, de bravoure, & d’esprit
que ce Mari. Pour le second point, il prétend qu’il lui soit permis
de faire des infidelitez à sa Femme, sans que cela tire à
conséquence & aquiere à cette Femme aucun droit d’en faire à son
tour ; car il déclare fort sechement qu’il n’entendra point
raillerie sur les entorses qu’elle pourroit donner à la foi
conjugale. Il s’étend fort ici sur la conduite prudente, &
circonspecte qu’il Appendix me paroit du dernier ridicule. Le
projet en est detestable, & n’en pouvant digerer l’impertinence
extrême, je retourne au corps même de l’Ouvrage.
Ici, mon Frére tire de l’Amour, la raison
secrette, le grand mobile de toutes les Révolutions humaines. Dans
la Préface, il répond à une espéce de reproche que l’on nous fait
ordinairement, qu’il n’arrive point de querelle
qu’il n’y ait quelque Femme au fonds de l’affaire. Je le crois
bien, dit-il ; c’est qu’il n’y a rien au
Monde qui vaille tant la peine de se quereller. Vous
noterez en passant que mon Frére est d’une humeur galante. Tout ce
qu’il pense, & tout ce qu’il dit se ressent un peu de ce doux
penchant. C’est sans doute ce qui lui a ouvert les yeux sur notre
mérite, & qui lui a fait appercevoir que nous ne sommes pas les
créatures aussi peu considerables, dans le Monde, que quelques
Esprits mal faits le prétendent. Il observe très-bien que tout
Homme, qui veut se mettre en train de faire quelque figure, ou qui
souhaite de parvenir, doit commencer par le désir de plaire à
quelque Belle : Aussi-tôt qu’il en a formé le dessein, il plait à
D. me damne,
si la chose n’est comme je le dis. A présent son honnêteté
va peut-être à l’excès ; sur les faits qu’il connoît le mieux, sur
les veritez les plus claires : Je puis me
tromper, dit-il, je suis, à la vérité,
d’un autre avis, mais je cede, & je ne veux pas
disputer.
Il n’y a que des hommes, dépouillez de tout sentiment, & sans
goût, qui ne puissent être ni animés ni adoucis par les charmes de
la Beauté. Nous en avons un de cette espéce qui nous rend quelques
Visites ; c’est un Garçon assez bien fait ; mais on diroit que c’est
un Corps sans Ame. Depuis un An que je travaille à lui
me dit-il, je regarde avec la derniere
indifference tout ce qui se fait parmi les Hommes ; je me donne
aussi rarement la peine de me trouver dans leur compagnie ; mais
quand cela m’arrive, je suis toujours le même que vous me voyez. Les
heures de mon existence, ou, si vous voulez, les heures que je suis
éveillé, sont depuis onze du matin jusqu’à onze du soir ; j’en donne
la moitié à moi-même ; je la passe à me nettoyer les dents, à me
laver les mains, à me rogner les ongles, & à me regarder au
Miroir. Les Railleurs m’appellent, Quid
nunc ? Pour marquer peut-être que je suis un Zéro dans le
Monde. Mais leur Quolibet James. Qui que ce soit que j’y trouve, je m’entretiens
avec lui ; mais toujours sans disputer sur quoique ce puisse être.
Mon Esprit est incapable de cette fatigue : il reçoit tous les
Objets sans en retenir aucun. La vie active est tout ce que je
crains, & que j’évite. C’est que j’ai un parfait mépris pour le
Monde, & que je suis parvenu par indolence au point de
perfection où l’on prétend que la Dévotion seule peut atteindre ».
N’en déplaise à ce Nigaud, si les Femmes osoient aller aux Caffés,
& s’y mêler aux Conversations, nous le déconcerterions bien lui,
& ses semblables qui renoncent à leur Sexe pour prendre le
nôtre. Quoi qu’il en soit, nous aurons bientôt le plaisir de les
voir traiter comme ils le méritent. Car mon Frére a dessein de nous
donner une fidelle Rélation de tout ce qui se passe dans les Caffés
qu’il y a depuis St. James jusqu’à la Bourse.
Il y peindra, au naturel, les beaux Raisonneurs de la premiére volée
qui ne manquent point à ces Rendez-vous de Politique. Il C’est une
Maison près de la Bourse. Caffé de
C’est Mlle. Auteur de mon Sexe, est, à mon avis,
d’une beauté qui efface tout
Cette reflexion me rappelle à mon premier sujet. Il se rencontre par
tout des preuves de notre empire. On nous en a donné ce soir une
bien illustre dans la Tragédie que l’on a jouée. C'est une Pièce de Mr. Elle a pour titre,
Il est si naturel aux Femmes de parler d’elles-mêmes, que
j’espere que l’on me pardonnera de n’avoir parlé d’autre chose. Journal d’Esprit de
mon Frére, quelques vers Latins qui marquent beaucoup de mépris pour
les Critiques.
Lib.I. Ode XXVI. I. &c. ; ils
veulent dire en François, « J’abandonnerai le chagrin &
la crainte aux Vents impétueux pour les promener sur la Mer
de Candie ». Creticum & Critique sont deux mots assez
approchans pour tromper une Femme qui n’entend pas le
Latin.Tristitiam &
metusTradam protervis in mare CreticumPortare
ventis.