Le Philosophe nouvelliste: Article VI.
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Article VI.
Du Caffé de Guillaume, le 22. d’Avril.
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General account
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Dialogue
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Citation/Motto
Pour apprendre le nom du puissant Bienfaiteur :
De qui j’avois reçu ma vie & mon bonheur.
Tout fut sourd à ma voix ; & ce profond silence
Augmentant ma surprise avec mon ignorance ;
Pour y réver à l’aise, enfin je me couchai
Sous un riant Ombrage, & de fleurs tout jonché,
Ce lieu, dont la beauté me parut enchantée,
Adoucit les transports de mon Ame agitée,
Et du premier sommeil y sema les pavots.
D’une aimable langueur les plaisirs tout nouveaux,
Saisissant mes esprits, couloient de veine en veine,
Et mes sens s’éteignant par degrés & sans peine,
II me sembloit qu’ainsi je rentrois doucement
Dans l’insensible état de mon premier néant.
Level 4
Citation/Motto
D’un tremblement d’abord je fus toute saisie ;
Mais cette émotion de mon ame transie
Alluma des desirs, qui bientôt dans mon cœur
Des feux les plus brûlans répandirent l’ardeur.
Par le plaisir alors ravie hors de moi-même,
Il me falut ceder à sa douceur extrême :
De ravissans transports m’ôterent à la fois
Et l’usage des yeux, & celui de la voix,
Et je crus, en perdant & sens & connoissance,
Que j’allois perdre ainsi ma nouvelle existence.
Citation/Motto
Du Caffé Grec, le 22. d’Avril.
Pendant que, dans les autres Quartiers de la Ville, on s’entretient de ce qui se passe à l’Armée & des évenemens de nos jours, nous emploïons ici la soirée en recherches d’Antiquité. Tout est Nouvelles pour nous lors qu’il sert à augmenter nos lumiéres. C’est ainsi que nous nous divertissons agréablement à réduire en Journal l’Iliade d’Homere. L’ouverture de ce Poëme se fait par Chryses, Pere de Chryseïs & Sacrificateur d’Apollon. Il vient demander sa Fille, qu’on lui avoit enlevée à la prise de sa Capitale. Agamemnon, à qui elle étoit échue en partage, s’obstine à ne la point rendre. Ce refus met Apollon en colére. Ce Dieu vindicatif décoche, pendant neuf jours, des traits envenimez qui mettent la peste dans le Camp des Grecs. Le 10. jour Achille fait assembler le Conseil, & fait proposer par Calchas que l’on rende Chryseïs pour appaiser le Dieu irrité. Cette proposition fait naître une querelle fort vive entre Achille & Agamemnon. Celui-ci ne veut point relâcher la Fille de Chrysés à moins qu’il n’aît Briséïs à sa place. Après de longues contestations, où Agamemnon donne de grands éloges à la valeur d’Achille, il se détermine enfin à rendre Chryseïs à son Pére, & il envoie en même tems deux Herauts pour tirer Briséïs des mains d’Achille ; qui là-dessus s’abandonne à la rage & au desespoir. Sa Mere Thetis vient le consoler, & lui promet de représenter son déplorable état à Jupiter. Mais ce Pére des Dieux ne pût pas d’abord lui donner audience, parce que la veille il s’étoit engagé à s’aller divertir deux jours, au delà des Mers, avec les simples Ethiopiens. Ce ne fut que le 21. jour, après l’arrivée de Briséïs au Camp, que Thetis alla de grand matin demander audience à Jupiter. Le Maître des Dieux ne trouve point de meilleur expedient pour favoriser cette tendre Mere, que de faire éclater le mérite du Fils, & l’injuste mépris qu’on en faisoit. Il falloit pour cela persuader aux Grecs d’attaquer les Troïens, & ménager si bien le succès du Combat que les Troïens en eussent l’avantage. La nuit suivante Jupiter parle en songe à Agamemnon, & lui ordonne de faire cette attaque. Il n’en falloit pas davantage pour y engager ce Prince qui fut déçu par la flateuse esperance de vaincre les Ennemis, & de prendre Troie, sans en partager la gloire avec Achille. Le 22. Agamemnon assemble le Conseil, & après avoir feint de vouloir abandonner le Siége, & se retirer, il leur déclare le Songe qu’il avoit eu ; & secondé par Nestor & par Ulysse, il y fait prendre la résolution de livrer bataille aux Ennemis. Le 23.4le Combat se donne. Tout y est plein d’incidens variez qui tiennent depuis le commencement du ii. Livre jusqu’au hutiéme <sic>. Les Armées étant en présence, Hector propose que Menelas & Paris, les deux Auteurs de la Guerre, décident entre eux cette querelle par un Combat singulier. La proposition étoit avantageuse a Menelas ; mais Minerve vient à la traverse, en inspirant à ce Capitaine des sentimens de Poltronnerie. Les deux Armées en viennent donc aux coups. Les Troïens y ont d’abord du pire ; mais animez par Apollon ils repoussent les Ennemis. Les Grecs reviennent courageusement à la charge, & regagnent leur Terrein qu’ils reperdent bientôt par la valeur d’Hector qui se bat contre Ajax. Les Dieux prennent parti dans cette mêlée. Junon & Pallas se declarent pour les Grecs ; Apollon & Mars se rangent du côté des Troïens. Mars & Venus y sont tous deux blessez par Diomede. Ce jour-là finit par une Trêve que l’on fait pour enterrer les Morts. Les Grecs font des retranchemens pour assurer leur Flotte ; & l’on tient Conseil dans les deux Camps. Le 24. le Combat recommence. Les Grecs y sont battus, & poussés jusque dans leurs Retranchemens. Agamemnon, au desespoir de cette perte, propose tout de bon de lever le Siége, & de se retirer. Mais Nestor lui persuade de regagner Achille, de lui rendre Briseïs, & d’accompagner de beaux présens la restitution de la Belle. Ulysse & Ajax sont députés auprès de ce Heros qui demeure inflexible. Ulysse en s’en retournant, se joint à Diomede ; & ils vont la nuit épier tous deux ce qui se passe parmi les Troïens. Ils entrent dans le Camp des Ennemis, & favorisés par le sommeil des Sentinelles ils y font un grand carnage. Rhesus, qui venoit d’arriver avec les recrues que l’on envoyoit de Thrace au secours de Troie, Rhesus, dis-je, est tué dans cette Action. Par-là finit le dixiéme Livre, & par-là finira ce Journal. On en verra la suite dans les Articles qui seront ci-après datés de cette Maison,De mon Cabinet, le 22. d’Avril.
General account
1C’est le plus beau Poëme Epique que l’Angleterre ait produit.
2C’est le titre d’un Ouvrage de ce Poëte.
3Aeneid. IV. 124.
4Il ne se donne point de Combat dans le ii. Livre. Il n’y a que Paris & Menelas qui se batent dans le iii. & les deux Armées n’en viennent aux mains qu’à la fin du iv. comme un peut le voir par les Argumens que Mad. Dacier a mis à la tête de chaque Livre dans sa Traduction Françoise de l’Iliade.
5C’est le titre d’une Pièce Angloise composée par un Seigneur fort spirituel. Cette Pièce est une Satyre en forme de Comédie, dans laquelle l’Auteur tourne fort agréablement en ridicule les Poëtes dramatiques de son temps, & particulierement le fameux Dryden qui y paroit sus le faux nom de Bays.