, ou, Relation de la Mort de Mr. , le faiseur d’Alamanachs,
arrivée le 29. de ce Mois. Lettre écrite à un Seigneur en 1708.
Pour obéir à vos ordres, autant que pour satisfaire ma propre curiosité,
je me suis enquis avec soin, pendant quelques jours, de l’état de Mr.
Il me reconnut, & surpris de la civilité que je lui faisois, il m’en
fit compliment du mieux qu’il put, dans l’état où il se trouvoit. Les
gens qui le soignoient m’informerent que le Malade avoit eu quelques
momens de délire ; mais, lors que je le vis, il paroissoit avoir autant
de bon-sens que je lui en aie jamais connu : Il avoit la voix nette,
& la parole libre, sans qu’il fît aucun effort pour se faire
entendre. Après lui avoir témoigné le chagrin ajouta-t-il, & que j’aie de bonnes raisons
qui m’obligent de croire que Mr.
me repliqua-t-il, qu’un pauvre homme sans
lettres. Vous savez quelle a été ma premiére Profession. Il en est à
peine de plus basses. J’ai néanmoins assez de lumieres pour savoir que
l’Astrologie n’est qu’un jeu d’imposture. La preuve en est facile. Les
gens sages & éclairez, qui sont les
Alors je lui demandai, pourquoi il n’avoit pas calculé sa Nativité pour
voir si elle se rencontroit avec la Prédiction du Sieur lui dis-je, que les Observations
& les Prédictions, que vous faisiez imprimer dans vos Almanachs,
n’étoient que des Chansons pour tromper le Peuple, & pour en
attraper l’argent. N’en doutez point, me
répondit-il, & c’est cela même qui grossit le compte que
j’ai à rendre. Nous avons, entre nous, un Formulaire constant pour
toutes les choses. Quand il s’agit de prédire le tems qu’il doit faire,
nous ne nous en embarrassons point. Nous laissons ce soin à l’Imprimeur,
qui co-
Nous dimes encore quelques autres choses que j’ai oubliées, & que je
ne repeterois pas quand je m’en souviendrois, parce, Mylord, que je
crains de n’avoir déja que trop abusé de votre patience. Je ne dois
pourtant pas omettre cette circonstance fort remarquable, qu’un
Prédicant fanatique a reçu les derniers soupirs de l’Astrologue, &
que Nonconformiste. Je me retirai après une demie
heure de conversation. La chambre étoit si renfermée, qu’il s’en fallut
peu que je n’y suffoquasse.
Savoir s’il a été la cause de la Mort de ce pauvre Homme, comme il en a
été le Prophete, c’est ce que je laisse à d’autres à décider. Ce qu’il y
a de certain, c’est que l’Avanture ne peut être plus singuliére, à
quelque cause qu’on l’attribue ; soit au jeu du Hazard, ou à celui de
l’Imagination. Je ne sais plus qu’en penser, quoiqu’il n’y aît point
d’Homme moins crédule que moi, cependant j’attens avec impatience &
même, si je l’ose dire, avec quelque certitude, l’accomplissement de la
seconde Prédiction de Mr. Avril. Si
celle-ci se vérifie comme la précedente, j’avouë que ma surprise se-