Citazione bibliografica: Jean-François de Bastide (Ed.): "Discours VIII.", in: Le Nouveau Spectateur (Bastide), Vol.6\008 (1759), pp. 405-409, edito in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2255 [consultato il: ].


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Discours VIII.

Livello 2► Livello 3► Racconto generale► « Cyrus, après le gain d’une bataille, trouva parmi les prisonniers, Panthée, Dame d’une grande beauté, & femme d’Abradate, Roi de Susiane : il ne voulut pas la retenir lui-même, & la mit sous la garde d’Araspe, jeune Seigneur Méde, qui avoit soutenu en sa présence, que la beauté d’une femme ne pouvoit jamais contraindre un honnête-homme à manquer à son devoir, quand il avoit pris la résolution de s’en acquitter. Cependant le jeune Méde n’eut pas plutôt cette belle captive en sa garde, qu’il en devint amoureux, qu’il mit tout en œuvre pour la suborner, & qu’au désespoir de n’en pouvoir venir à bout, il se préparoit à quelqu’extremité fâcheuse, lorsque Cyrus en [406] fut averti. Ce Prince qui l’aimoit dès l’enfance, le manda au plus vîte, lui représenta son crime avec beaucoup de douceur, & lui rappella ce qu’il avoit dit lui-même à cette occasion. Là-dessus, Araspe, touché d’une vive douleur, & pénétré de honte, versa un torrent de larmes & lui répondit en ces termes. Livello 4► Dialogo► Voulez-vous, Seigneur, que je vous dise la vérité ? J’éprouve sensiblement que j’ai deux ames. C’est une nouvelle philosophie, que l’amour, ce grand sophiste, m’a enseignée : en effet, si je n’avois qu’une ame, elle ne pourroit pas être tout à la fois bonne & mauvaise, ni aimer en même-tems le bien & le mal, ni vouloir tout ensemble faire une certaine chose & ne la pas faire. Cela prouve clairement que j’ai deux ames : quand la bonne est la plus forte, elle fait le bien ; quand la mauvaise a l’avantage, elle entreprend les actions vicieuses : maintenant que vous [407] êtes venu à mon secours, ma bonne ame est la plus puissante. ◀Dialogo ◀Livello 41

Nous n’avons pas deux ames; nous n’en avons qu’une, & c’est quelquefois trop pour notre malheur ; mais nous avons mille vices & mille fausses excuses. ◀Racconto generale ◀Livello 3

Livello 3► Racconto generale► « 2 La ville de Lacédémone attaquée à l’improviste par une puissante armée de Thébains, couroit grand risque d’être la proie de ses ennemis, lorsque ses habitans attroupés coururent aux armes, & se battirent avec toute la vigueur qu’on pouvoit attendre de la nécessité où ils se trouvoient. Mais il n’y en eut aucun qui se distingua d’une maniere aussi éclatante, au grand étonnement de l’une & l’autre armée, [408] qu Isadas, fils de Phœbidas, qui étoit alors dans la fleur de sa jeunesse, & très-remarquable pour la beauté de sa personne. Il sortoit du bain lorsque l’allarme fut donnée ; c’est-à-dire, qu’il n’eut pas le tems de mettre ses habits, ni d’aller chercher ses armes. Cependant, plein de zèle pour sa patrie, dans une rude extrémité, il arrache une lance à l’un & une épée à l’autre, & court, tête baissée, au plus épais des ennemis. Rien ne put résister à son ardeur, & partout où il tourna ses pas, il mit l’ennemi en fuite, sans recevoir une blessure. Je ne déterminerai pas, dit Plutarque, si quelque Dieu, pour le récompenser de sa grande valeur, en eut un soin tout particulier dans cette journée, & le couvrit de sa protection ; ou si les ennemis frappés de la singularité de son équipage, & de la beauté de sa personne, crurent qu’il y avoit [409] en lui quelque chose au-dessus de l’homme.

Les Epheres, ou les principaux de la Ville, trouverent tant de noblesse & de bravoure dans cette action, qu’ils lui décernerent une guirlande ; mais ils le condamnerent en même-tems à une amende de mille drachmes, pour avoir paru à la bataille, sans être armé de toutes pieces. » ◀Racconto generale ◀Livello 3

Ce jugement fut un peu sévere ; mais il seroit heureux pour nous que nous ne fussions jamais jugés, dans toutes nos actions, par des juges moins prudens & moins équitables. Combien de fois l’héroïsme, dans tous les genres, un peu obscurci par l’imprudence, n’a-t’il pas été deshonoré, & puni sans ménagement, par les arrêts de la jalousie ou de l’intolérantisme ! ◀Livello 2 ◀Livello 1

1Histoire de Cyras, traduite du Grec de Xenophon, par M. Charpentier, p. 278, édit de Paris en 1661.

2Plutarque, trad. de M. Dacier.