d’d’Méde, qui avoit soutenu en sa présence, que la
beauté d’une femme ne pouvoit jamais contraindre un honnête-homme à
manquer à son devoir, quand il avoit pris la résolution de s’en
acquitter. Cependant le jeune Méde n’eut pas plutôt cette belle captive
en sa garde, qu’il en devint amoureux, qu’il mit tout en œuvre pour la
suborner, & qu’au désespoir de n’en pouvoir venir à bout, il se
préparoit à quelqu’extremité fâcheuse, lorsque Voulez-vous, Seigneur, que je vous dise la vérité ?
J’éprouve sensiblement que j’ai deux ames. C’est une nouvelle
philosophie, que l’amour, ce grand sophiste, m’a enseignée : en
effet, si je n’avois qu’une ame, elle ne pourroit pas être tout à la
fois bonne & mauvaise, ni aimer en même-tems le bien & le
mal, ni vouloir tout ensemble faire une certaine chose & ne la
pas faire. Cela prouve clairement que j’ai deux ames : quand la
bonne est la plus forte, elle fait le bien ; quand la mauvaise a
l’avantage, elle entreprend les actions vicieuses : maintenant que
vous
êtes venu à mon secours, ma bonne ame est la plus
puissante.
Nous n’avons pas deux ames; nous n’en avons qu’une, & c’est
quelquefois trop pour notre malheur ; mais nous avons mille vices &
mille fausses excuses.
La ville de
Les Epheres, ou les principaux de la Ville,
trouverent tant de noblesse & de bravoure dans cette action, qu’ils
lui décernerent une guirlande ; mais ils le condamnerent en même-tems à
une amende de mille drachmes, pour avoir paru à la bataille, sans être
armé de toutes pieces. »
Ce jugement fut un peu sévere ; mais il seroit heureux pour nous que nous
ne fussions jamais jugés, dans toutes nos actions, par des juges moins
prudens & moins équitables. Combien de fois l’héroïsme, dans tous
les genres, un peu obscurci par l’imprudence, n’a-t’il pas été
deshonoré, & puni sans ménagement, par les arrêts de la jalousie ou
de l’intolérantisme !