Du Lundi 2. Février 1719.
Il y a une
certaine méthode de juger d’un Ouvrage d’esprit, qui est généralement
pratiquée parmi les personnes qui ont de l’imagination, quelque étude,
& quelques idées empruntées de la
Pour bien connoître la juste valeur d’une Piéce de Poësie, par exemple, il faut savoir démêler le véritable but d’un Auteur, y ramener tout ce qu’il présente à notre esprit, & lui rendre justice sur les efforts de raison & d’esprit qu’il a dû faire pour exécuter son dessein heureusement.
Un autre défaut fort ordinaire à ces sortes de Beaux-Esprits, & qui découle de la même source, c’est qu’ils ne s’arrêtent qu’à certaines expressions qui promettent quelque chose de vif ou de délicat, & qu’ils passent par dessus les termes, de la simplicité desquels ils n’attendent rien de merveilleux. Par-là ils se privent souvent du plaisir que doit produire dans l’ame, le sentiment de la premiére des beautés en matière d’écrire. Un Esprit supérieure se sert souvent de ce dehors uni, pour y envelopper les plus grandes & les plus nobles vérités, ou pour faire naître dans l’ame des Lecteurs une foule d’idées qui s’étendent bien au-delà des expressions. C’est là une beauté d’autant plus grande, & plus estimable, qu’elle tire principalement son éclat de la Raison, qui est le caractère le plus distinctif de l’excellence de notre Etre.
Voici comme
Si un Bel-Esprit daigne réfléchir un moment sur ce débaut, il en trouvera
l’expression assez plaisante, & digne d’un homme qui s’est
familiarisé avec le stile burlesque. Peut être même que bonne Femme. Mais si l’on veut y prêter
un peu d’attention, on sentira sans doute, que notre Poëte Comique a si
bien employé dans cette occasion, la simplicité, & même la rusticité apparente des termes, qu’il n’est pas
possible qu’un éloge plus flateur puisse résulter d’un amas choisi
d’expressions magnifiques & pompeuses, & du ménagement le plus
artificieux de certains tours délicats & indirects. Je ne crois pas
faire ici le Commentateur.
La bonté est certainement la qualité la plus aimable, la vertu la plus
intéressante dont l’ame humaine soit susceptible ; c’est le plus fort
lien de la Société ; elle est digne d’être
Un misérable ne trouve presque jamais un secour plus sûr, qu’auprès de ceux qui sont presque aussi misérables que lui. On voit quelquefois un pauvre Artisan, partager noblement un Pain unique, entre sa propre famille, & celle d’un Voisin qui se voit hors d’état de nourrir ses enfans. D’où procède cette étonnante Charité ? Le pauvre Bienfaiteur se souvient d’avoir senti de la maniére la plus vive, le plaisir d’être soulagé dans la plus pressante disette ; la même nécéssité le talonne peut-être ; il se met avec facilité à la place de son Voisin.
Il n’en est pas de même d’une Personne en-
Le moyen que la riche
Mais il n’est guéres faisable qu’une Créature
Une Reine entendant dire un jour que plusieurs Pauvres mouroient de
faim : Mais ils sont foux, dit elle ; que ne
mangent-ils du pain & du fromage ? cela vaudroit mieux encore,
que de mourir d’une maniére si malheureuse. La pauvre Dame
croyoit impossible qu’il y eût des hommes qui n’eussent pas à discretion
du moins les alimens les plus communs, & qu’on ne périssoit de faim
que faute de perdreaux ou d’ortolans. Rien de plus naturel. Entre sa
situation & la dernière misére, il y a une si grande distance, qu’il
est difficile d’aller de la pensée de l’une à l’autre.
On pourroit appliquer avec justesse à la Charité, ce qu’
Quel fond de sentimens humains ne doit donc pas avoir une Reine qui
mérite le titre de Bonne Femme ? Quels efforts de
Raison ne doit elle pas faire, pour tenir éveillé ce noble principe de
bonté, que tout ce qu’elle voit autour d’elle s’efforce à endormir ? En
vé-bonne Femme,
valoit la pension que