Le Nouveau Spectateur (Bastide): Discours XV.
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Nivel 1
Discours XV.
Nivel 2
Metatextualidad
On se rappelle l’avis que j’ai
inséré dans le cinquieme cahier de mon troisieme volume.
(page 360) Cet avis qui portoit, qu’on venoit de me rendre
déspositaire d’un porte-feuille trouvé dans la cour de
l’Hôtel de * *, & que je restituerois ce porte-feuille à
la premiere personne qui se présenteroit, pourvu qu’on eût
la bonté de me donner des preuves du droit qu’on y pourroit
avoir ; cet avis, dis-je, a été lu par la personne même à
qui l’effet perdu appartient ; elle m’a fait l’honneur de
m’écrire à ce sujet, & sa lettre
m’inspire pour elle des sentimes si tendres, que je me sens
obligé de profiter du don qu’elle veut bien me faire du
porte-feuille & des lettres qu’il contient. Ce
sacrifice, dont on va connoître le prix dans un moment, est
digne de la plus belle ame, de la plus digne femme qui ait
jamais existé. Je ne ferai pas son éloge, il est dans sa
lettre ; en la lisant, on se pénetre des charmes de la
vertu ; elle fait trouver la vertu si belle, qu’on oublie
que les sacrifices qu’elle exige quelquefois, sont presque
au dessus de l’humanité. Cette lettre touchante est pour moi
une source de sentiment & de réflexions utiles ; j’y
puise un nouveau zele, un excès d’amour pour les hommes, de
cet amour qui fait trouver un plaisir inexprimable à pouvoir
leur offrir de grands exemples. Oh ! combien les ames
vertueuses doivent être cheres à la divinité ! Combien les
cœurs vicieux doivent être petits devant les
génies sublimes qui se dévouent à la vertu ! O vertu
admirable, je considere tes maximes & tes prodiges,
& je m’humilie devant toi ! Tu m’apprends l’étendue de
mes devoirs, la noblesse de mes fonctions, le charme des
récompenses qui m’attendent. . . . Je ne te connoissois pas
encore. J’avois quitté le monde frivole, où l’on n’écoute
tes loix qu’à la faveur de l’élégance du style ou de
l’agrément des sons ; j’avois renoncé à la société des
femmes, où l’on trouve si peu à sentir, où le plaisir coûte
tant de peines, où l’on tient à si peu de chose, où l’on est
encore si trompé, malgré les qualités les plus aimables.
J’avois abandonné les grands à leurs valets, les femmes à
leurs adorateurs, les amis à leurs dupes, les plaisirs à
leurs victimes ; j’avois tout quitté, & ne m’étois
réservé que le fruit de tes maximes, mais je me trompois sur
moi-même ; je me croyois sage, & je n’étois
que paresseux ; je croyois avoir renoncé généreusement au
plaisir, & mon unique motif avoit été de fuir la peine.
Tu m’apprends aujourd’hui à me connoître ; tu m’apprends que
j’avois besoin de l’heureuse impression que tu viens de
faire sur mon cœur, pour te recommander aux hommes, avec ce
zele, cette onction, cette persuasion, qui laissent si peu
de ressource à la foiblesse humaine. Si je me suis un peu
trop livré à mes sentimes ; si les gens froids ou vicieux
viennent à m’accuser d’enthousiasme, j’espere d’être
justifié par la lettre que j’ai annoncée.
Nivel 3
Carta/Carta al director
« J’ai lu depuis huit jours,
Monsieur, l’avis que vous avez mis dans le cinquieme
cahier de votre troisieme volume. Je vous aurois écrit
sur le champ ce que j’ai l’honneur de vous écrire
aujourd’hui, si je n’avois en que mon inclination à
consulter. J’ai voulu soumettre le projet qu’elle favorisoit à l’examen de l’honneur & de la
raison. La violence que j’ai été obligée de me faire,
pour cela, n’a pas produit l’effet que j’en pouvois
craindre ; je redoutois l’arrêt de la vertu, elle n’a
pas prononcé ; je sens, à la tranquillité que j’éprouve
en vous écrivant, qu’elle ne condamne pas le parti que
je veux prendre, & je me livre au plaisir de suivre
un doux penchant, sans redouter dans la suite une triste
réflexion. Cela, Monsieur, n’est pas bien clair pour
vous, mais vous allez m’entendre. Le porte-feuille qui
vous a été confié m’appartient ; c’est à moi qu’ont été
écrites les lettres qui y sont renfermées. J’abandonne
le tout à votre discrétion, & je consens que ces
lettres, peut-être édifiantes, malgré le sentiment qui y
regne, voyent le jour sous vos auspices. La main qui les
traça me fut chere & n’est pas oubliée ; elle sera
toujours l’un, & jamais l’autre.
Elle est celle d’un homme qui mérita les plus tendres
sentimens, & pour qui l’honneur me permet d’en
conserver. Il est mort, & il ne vivoit plus pour
moi ; j’avois eu la force de sacrifier le bonheur de
vivre avec lui, au bonheur plus grand de vivre digne de
lui. Une séparation éternelle me laisse au moins la
liberté de me livrer encore une fois au charme d’une
passion, dont la violence ne servit qu’à faire triompher
la vertu. Je consens donc que ces lettres paroissent
& soient imprimées. Si ce désir cache une foiblesse,
si ma foiblesse est trop grande, j’ai encore pour excuse
l’espoir de fortifier quelques ames trop peu capables
d’imiter l’exemple que j’ai donné. Je me flatte que des
lettes, où l’on ne verra jamais la douce violence de
l’amour, que pour s’instruire des ressources du devoir
contre lui, produiront un sensible effet
sur les esprits, à qui ce même devoir n’est pas odieux.
Ces lettres ont été écrites après la rupture de notre
commerce. Une séparation aussi cruelle fit prendre au
Marquis de * * le parti d’aller joindre son régiment ;
il resta deux ans en Allemagne sans vouloir revenir à
Paris ; il craignoit de me revoir, il étoit vertueux,
& mon exemple l’invitoit à l’être. Il fut blessé à
l’armée ; les généraux lui ordonnerent de revenir en
France ; je lui écrivis dès que je sçus son arrivée, il
répondit à ma lettre ; cette réponse en méritoit une
autre ; je la fis, & nous nous engageâmes ainsi dans
une correspondance suivie, qui ne pouvoit plus avoir de
terme que celui de notre vie. Il partit lorsqu’il fut
rétabli, & reçut presque en arrivant une nouvelle
blessure, dont il mourut, après avoir langui deux mois
dans les douleurs continuelles de la mort. Vous avez lu sans doute, Monsieur, la lettre qu’il
m’écrivit pour m’apprendre son état désesperé, & la
réponse que je fis à cette lettre ; j’ai le plaisir de
croire qu’elles sont encore présentes à votre esprit,
& que vous goûterez quelque satisfaction à pouvoir
offrir au Public un pareil monument de courage, de
vertu, & d’amour. » J’ai l’honneur d’être, &c.
Metatextualidad
C’est avec raison que cette femme
admirable se flatte que je publierai volontiers les deux
lettres dont elle me parle : je les dévorai en les lisant,
jamais rien n’avoit fait une si vive impression sur mon
esprit ; mais elle peut concevoir la même espérance de
toutes celles que renferme le porte-feuille. Son amant &
elle ont plus aimé que jamais on n’aima. On est sans cesse
tenté de s’écrier que la vertu est trop severe, en voyant
les sentimens qu’ils sacrifioient à cette même vertu ; &
ce n’est que parce que l’on est frappé d’un
certain plaisir qu’ils goûterent à être si vertueux, qu’on
voit qu’il est possible de l’être autant que le devoir
l’exige. La Bruiere a dit : Il est dans la vie de si doux
plaisirs, de si tendres engagemens, qu’il devroit être au
moins permis de souhaiter qu’ils ne fussent pas défendus :
de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui
d’y renoncer par vertu. Ces deux amans ont prouvé que toute
la science du cœur humain est presque renfermée dans cette
pensée. Quoique la premiere de ces lettres ait paru imprimée
dans mon troisieme volume, je crois devoir la remettre ici,
afin qu’une collection aussi précieuse ne paroisse pas
incomplette.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Billet. J’apprens
avec plaisir, Monsieur, que vous avez quitté les climats
froids. Votre constance à mépriser la santé pour la gloire, me faisoit frémir tous les jours. Il
est un terme où l’ambition & la valeur doivent
s’arrêter. Vous ferez très bien, & je vous conseille
en mon particulier de garder le coin de votre feu aussi
long-temps que les Médecins paroîtront le souhaiter :
l’hiver qui fait tout périr, ne respecte pas les héros
blessés. J’ai appris vos succès, & m’y suis
intéressée ; je me les faisois raconter, & je
sentois, en m’entrenant de vous, que le parti que j’ai
pris, ne m’a pas rendue barbare.
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Carta/Carta al director
Billet.
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Carta/Carta al director
Réponse. Les héros
comme moi, Madame, font bien peu de chose devant les
héroïnes comme vous ; ils se prosternent à vos genoux,
& se détachent aisément de la vanité de croire
qu’ils doivent prendre soin de leur vie, quand ils ont
vu les miracles de la vôtre ; mais ce qu’un sot orgueil
ne peut plus faire, une tendre reconnoissance le sera, & je respecterai mes jours
puisque vous daignez les compter. Non, Madame, vous
n’êtes point devenue barbare ; je sçais donner un autre
nom aux femmes qui ont fait leur devoir ; & le
plaisir que je goûte sans cesse à vous admirer & à
penser à vous, m’apprend que ce n’est que pour les
esprits communs que le devoir est barbare. Je m’éleve
autant que je puis jusqu’à la sublimité de vos idées ;
je sens que je les respecte par un sentiment qui est
naturel, & je conclu que si vous avez fait tout ce
que la vertu pouvoit exiger, vous n’avez rien fait
néanmoins qu’un charme secret ne me rende capable
d’imiter jusqu’à la fin.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
Dans l’état où vous êtes, il vous faut des
consolations ; vous me parroissez si rassuré sur les
risques d’une mutuelle correspondance, que je ne crains
plus de vous écrire la premiere. Je pense
d’ailleurs que votre état malheureux interdit peut-être
à la vertu le droit de me reprocher ma facilité ; mais
de quoi nous entretiendrons-nous ? Il y a un choix à
faire, & c’est l’embarras pour moi. Vous
apprendrai-je les nouvelles frivoles ; votre esprit
sévere & triste les rejetteroit bientôt.
Traiterai-je des intérêts de la Politique ? C’est une
matiere où je ne sçais que ce que j’ai appris de vous ?
Je n’ai jamais cherché à y devenir sçavante par un
principe d’humanité : la Politique est un champ où mon
esprit se perd, & où mon cœur soupire. Me
jetterai-je dans le labyrinthe de la Philosophie ? Il y
a bien du danger à y entrer, & le fil précieux qui
aide à en sortir, n’est pas offert à tout le monde. Je
veux tâcher pourtant de me placer à la porte, &
j’observerai delà de petites choses dont je vous ferai
part ; si vous êtes plus courageux que moi, vous
pénétrerez plus avant, & je serai
charmée de profiter de vos découvertes ; mais observez,
je vous prie, que la plûpart de ceux qui ont eu la
témérité d’y promener leur curiosité, en sont sortis
mécontens de leur entreprise. Est-il bien décidé que
pour être heureux, il faille être Philosophe ? Je crois
que non, & je me fonde sur la définition de la
Philosophie. Elle consiste à connoître les hommes, à
mépriser leurs défauts, & à tirer tout l’avantage
possible de ce qu’ils ont d’honnête & de bon. Ces
principes ne me paroissent pas aussi raisonnable qu’ils
ne sont peut-être, & je m’imagine d’ailleurs que la
regle de conduite qu’ils établissent est presque
impraticable. Pour pouvoir parvenir à mépriser les
défauts des hommes, il faut les étudier long-temps,
& s’en pénétrer d’abord beaucoup. Quelle étude &
quelle occupation ! L’esprit libre, sans préjugé, sans
séduction, ne conçoit pas qu’on ait pu faire un principe de bonheur d’un emploi aussi
fatiguant & d’une étude aussi cruelle. Quand je
pense bien à cela, il me prend envie de croire que la
Philosophie n’appartient qu’aux esprits farouches :
cependant on prétend que les Philosophes, parmi toute
l’espece d’hommes, sont les seuls qui méritent ce titre
glorieux. Ah ! que j’aime bien mieux la vertu ; ses
préceptes aussi sûrs que ceux de la Philosophie pour le
bonheur, m’y conduisent par une route plus aimable. Elle
m’ordonne de fuir les méchans, les gens vicieux ; &
me voilà en sûreté contre eux, (autant du moins qu’on
peut l’être). Il ne m’en coûte pas pour les connoître,
cette étude importune qu’exige l’examen intéressé du
Philosophe, dont l’objet, en approfondissant un homme,
est autant de profiter de ce qu’il a d’utile, que de
haïr ce qu’il a de méprisable. Un coup d’œil me suffit
pour juger un homme vicieux, parce que je
n’ai que ses vices à chercher en lui ; mon objet est de
le fuir s’il peut être d’une société dangereuse pour
moi ; dès que j’ai entrevu des choses qui doivent me
faire croire qu’elle l’est, je m’y tiens, & ne
risque point de le haïr en en cherchant de nouvelles,
& en examinant trop sévérement. Ainsi j’obéis aux
préceptes de la prudence sans leur sacrifier les droits
de l’humanité qui défend de s’exposer à haïr son
semblable. Voilà la vertu déja admirable : Combien ne le
paroîtra-t’elle pas davantage en l’examinant sous une
autre face ? C’est peu qu’elle nous excite sans cesse à
l’indulgence, & qu’elle nous rende heureux par la
modération de nos sentimens ; elle nous invite à
l’amitié, aux liaisons intéressantes. Quand nous
trouvons un caractere vertueux, elle nous dit d’aimer
l’objet qui l’offre à notre admiration. Le Philosophe en
découvrant un pareil caractere, diroit il y a là des qualités qui me conviennent ; elles
peuvent me produire un avantage ; aimons-les pour nous,
& sçachons en tirer tout l’avantage possible :
l’homme vertueux dit voilà un caractere aimable, solide,
bienfaisant ? Hâtons-nous de l’intéresser, plaçons-nous
plus près de lui pour nous frapper plus sensiblement de
son exemple ; apprenons avec lui à faire le bien & à
être juste. Ah ! qu’il est doux de pouvoir apprendre à
se perfectionner sous un maître aussi aimable. Voilà la
vertu. Elle est belle, elle est bonne, elle est
raisonnable, elle est généreuse, elle n’a rien qui ne
soutînt hardiment les regards de la Philosophie, &
la Philosophie ne soutiendroit pas de même les regards
de la vertu. Mais insensiblement je me laisse entraîner
à mon penchant pour elle, & j’oublie que sa
définition peut paroître trop sérieuse à un malade qui a
besoin d’être égayé. Pardon, Monsieur, je vais me
corriger ; j’abandonne volontiers un
plaisir, pour vous en procurer un, & voilà encore la
vertu. Mais est-il bien vrai que ses traits puissent
vous paroître trop sérieux ? Je m’imagine que non, &
que la peindre à vos yeux, vous parler de ses charmes
pour vous distraire de vos maux, c’est précisément agir
en consolatrice habile, & vous rendre un hommage
flatteur en vous présentant un remede agréable. Ah !
Monsieur, je vous offensois ; pardonnez-moi ma crainte.
Je me souviens de ce que vous avez fait pour cette même
vertu dont je craignois de vous entretenir, & vous
êtes en droit de m’accuser de ne l’avoir pas assez
senti. Adieu.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse. Je
souffre trop pour penser beaucoup, & pour pouvoir
écrire bien aisément ce que je pense ; mais quand je
serai soulagé, & que la vile matiere ne
commandera plus à l’esprit ; qu’alors en relisant votre
lettre, je trouverai de plaisir à l’admirer, & de la
facilité à y répondre ! Vous me donnez de louanges qui
m’humilient ; de grace, Madame, accordez moins ou donnez
mieux ; je sçais trop sentir, & ma délicatesse exige
que vous m’épargniez les bienfaits, ou que vous les
déguisiez. . . . Madame la Duchesse de ** m’a fait
demander si je voudrois recevoir sa visite au sortir de
l’Opera. Je me rappelle un jour où vous me fîtes
l’honneur de l’accompagner dans une occasion à peu près
semblable, mais je me rappelle aussi qu’alors il nous
étoit permis de ne connoître rien de plus doux que le
plaisir de nous voir. J’ai fait répondre à Madame de **,
que je la verrois volontiers ; & en faisant cette
réponse, j’ai à peine osé me permettre des regrets.
Voilà, Madame, cet homme à qui vous avez craint d’abord
de parler des charmes de la vertu, de cette
vertu que vous lui avez fait connoître, & qu’il est
obligé d’adorer toutes les fois qu’il pense à vous.
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Carta/Carta al director
Réponse.
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Carta/Carta al director
La même au même.
J’étois occupée quand on m’a apporté votre billet ;
occupée de façon à ne pouvoir me permettre aucune
distraction ; & en vous disant à quoi je l’étois
vous verrez combien il étoit naturel que je le fusse ?
. . . J’étois enfermée avec votre Médecin, & cette
jambe malade faisoit le sujet de notre conversation.
J’ai voulu sçavoir au plus juste ce qu’il falloit
craindre ou espérer de cette pauvre jambe, & je vous
déclare que j’ai entendu avec une sorte de regret l’aveu
du Docteur. Cet aveu vous couvre de honte ; je vous
croyois en danger, je jugeois de votre état pour votre
tristesse, & j’apprends que dans quinze jours vous
marcherez ? En vérité, cela n’est pas bien,
j’attendois plus de constance d’un homme qui a montré
tant de valeur, & vous me feriez presque croire que
l’héroïsme n’est qu’un heureux caprice de
l’esprit. . . . Si j’en crois la Duchesse, votre douleur
vous trompe ; ce n’est pas à la maladie qu’il faut
l’imputer. Qu’avez-vous donc ? Parlez-moi sans détour.
Votre vertu me tranquillise sur l’intérêt que je prends
à vous, & je me livre à cet intérêt. Je veux sçavoir
ce qui vous chagrine. Seroit-ce l’ambition ? Auriez-vous
des doutes sur la reconnoissance de la Cour ? Vous avez
fait des prodiges, & les récompenses doivent vous
être prodiguées : je ne crois pas que l’on vous manque ;
mais si vous le craignez, expliquez-vous ; montrez-moi
le chemin qui doit conduire au terme où vous aspirez,
& vous m’y verrez voler. La Duchesse peut beaucoup,
& sent encore plus qu’elle ne peut ; nous nous
sommes entretenues deux heures de tout ce
que vous pouvez penser, & c’est un bras de plus que
je vous offre contre la cruelle fortune. Enfin ne
craignez rien, dites un mot, & ce mot mettra en
mouvement vingt esprits qui vous sont dévoués.
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Carta/Carta al director
La même au même.
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Carta/Carta al director
La même au même.
Je n’ose pas dire que je suis punie de ma curiosité, car
peut-être suis-je trop prompte à m’allarmer. J’aurois
trop à souffrir si je n’avois la consolation de penser
que je me suis abusée. Je vais chercher à entretenir
cette heureuse prévention ; ce sera malgré moi qu’elle
pourra me fuir. Mais me laisserez-vous la liberté de le
conserver long-temps ? Ce doute la fait presque
disparoître. Je relis votre billet, & chaque ligne
éclaircit le sens d’une énigme fatale. La premiere
lettre que vous m’écrirez, m’expliquera tout ; je le
prévois, je le crains, & je suis presque réduite à souhaiter que vous ne m’écriviez plus.
En vérité, Monsieur, on éprouve quelquefois des choses
qui doivent paroître bien incroyables, & il y a des
momens qui sont bien de trop dans la vie.
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Carta/Carta al director
La même au même.
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Carta/Carta al director
La même au même.
Non, Monsieur, vous m’avez soupçonnée, & vous me
soupçonnez encore. Vous employez vainement beaucoup
d’esprit à me tranquilliser. Je regarde ce soin flatteur
comme un hommage que la défiance rend à la vérité ; mais
un hommage flatte sans convaincre, quand on connoît les
pensées de celui qui le rend. Vous m’avez soupçonnée,
& l’impression est faite ; je ne me consolerai
jamais d’avoir un si juste reproche à vous faire ; je
vous croyois incapable de le mériter ; il fera votre
tournement un jour ; je serai vengée, mais rien ne sera
réparé. J’aurai toujours votre injustice présente. Tout ce qui m’a pu priver un moment de votre
estime, est fait pour m’être éternellement nouveau &
éternellement odieux. Je vous demande pardon de vous
paroître si fâchée, je ne lui suis pas moins que je ne
le parois ; j’ignore l’art de feindre, vous me
dispensâtes de l’apprendre, & je le mépriserai
toujours ; mais vous, Monsieur, vous auriez dû le
mépriser un peu moins. La sincérité qui offense, sera
toujours plutôt un vice que la dissimulation qui
tranquillise. Ce conseil vient trop tard, l’impression
est faite.
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Carta/Carta al director
La même au même.
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Carta/Carta al director
La même au même.
Votre question est des plus singulieres. Je vous croyois
l’esprit plus reglé. Il faut que vos fatales idées ayent
produit un cruel effet sur lui. Quoi, vous ne raisonnez
plus ! vous me demandez ce que d’injurieux soupçons
peuvent avoir d’affligeant pour moi ? Vous
prétendez que la douleur qu’ils vous font éprouver à
vous-même doit racheter celle qu’ils me causent par la
preuve qu’ils renferment de l’intérêt que vous prenez à
moi ? Mais je n’avois pas besoin de cette preuve pour
être convaincue de cet intérêt singulier, & le
chagrin qu’il me cause est perdu pour mon cœur. C’est
sans consulter le sentiment que vous avez agi ; mais
c’est surtout sans avoir interrogé la raison & la
justice, que vous m’avez interrogée. Pouvez-vous me
demander ce que je trouve d’offensant dans des soupçons
qui me deshonorent à vos yeux ? Je ne répondrai pas
comme une autre feroit peut-être ; mais je raisonnerai
conséquemment, & ma douceur ne m’empêchera pas de
profiter de tout l’avantage que j’ai sur vous. Je vous
ai aimé avec la plus grande passion ; J’ai exigé ensuite
qu’il n’y eût plus d’amour entre nous. J’ai fait en cela
ou la plus belle action ou le plus grand
crime. C’est de ma conduite nouvelle que dépend le
jugement qu’on en doit porter. Si je reste vertueuse, si
je suis à jamais tout nouvel engagement, mon action est
claire, & je mérite la palme de la vertu : si au
contraire je m’engage dans de nouvelles chaînes, le
sacrifice que j’ai paru faire, n’étoit qu’une perfidie
que je faisois, & je suis digne du plus profond
mépris. Or vous m’accusez d’aimer le Duc D * * * ; Je
suis donc à vos yeux un objet méprisable ? Suivez ce
raisonnement, & vous ne serez plus tenté de
m’interroger sur la cause du plus juste chagrin qu’on
ait jamais ressenti.
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Carta/Carta al director
La même au même.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse. Je
devrois me jetter à vos pieds, & y mourir de
douleur ; vous êtes en droit de m’y condamner, & mon
cœur vole au devant de vos loix. Quoi ! je vous ai
accusée d’imposture ? j’ai osé penser que
vous n’étiez plus vertueuse. C’est un crime que je ne
puis concevoir moi-même ; & pour en obtenir le
pardon, je suis obligé d’implorer cette même vertu que
j’ai outragée. . . . Il faut pourtant que je me justifie
autant qu’il est possible, car je sens bien qu’une
pareille offense laisseroit des traces que rien ne
pourroit effacer ; vous me le pardonneriez, & vous
vous en souviendriez, & ce souvenir nuiroit à votre
bonheur que vous placez dans la certitude de mon estime.
Daignez donc écouter mes raisons, & y chercher, pour
moi, une excuse. Je vous ai soupçonnée d’aimer le
Marquis : ce soupçon est entré dans mon cœur malgré moi,
& peut-être étoit-il impossible que je lui en
défendisse l’entrée. Nous naissons foibles &
injustes, nous prenons aisément de la défiance, &
nous la nourissons volontiers. La foiblesse fait que
l’amour ne trouve aucun obstacle à nous
séduire par ses souris enchanteurs ; mais il nous a
promis un bonheur durable ; la grandeur de son
engagement avec nous fait que nous le soupçonnons
aisément d’imposture ; il nous paroît impossible qu’il
nous tienne parole ; & à force d’y réfléchir, nous
croyons presque qu’il a voulu nous tromper ; voilà notre
injustice qui commence à opérer. Tristement prévenus,
comme nous le sommes, la moindre chose chagrinante, la
moindre apparence fâcheuse, confirment notre
prévention ; elle se tourne bien-tôt en délire, parce
que la nature une fois affligée, cherche toujours à se
désespérer ; nous croyons tout, nous voyons double,
& notre jalousie est déja toute formée, avant que
notre esprit ait pu même s’assurer qu’il est bien
persuadé. Ce raisonnement n’est point spécieux ; il y a
une philosophie naturelle qui dispense en quelque façon
de l’examiner pour le croire ; vous avez d’ailleurs la philosophie acquise, cet esprit
qui voit bien, parce qu’il voit tout ; & vous ne
vous étonnerez pas de l’effet d’une cause qui elle-même
ne doit pas vous étonner, parce qu’elle sert à expliquer
un tout que vous avez défini il y a long-temps. Je vais
donc suivre mon raisonnement. On m’avoit écrit que vous
aimiez la Marquis, & qu’il vous voyoit tous les
jours. J’avois réduit cette accusation à la moitié de sa
valeur ; je pensois seulement que le Marquis vous
aimoit, & que vous ne pouviez vous dispenser de le
voir quelquefois. Mais croire simplement cela, étoit le
plus grand effort que je pusse faire. Rappellez-vous la
situation où j’étois. Je vous avois perdue ; j’avois
perdu tout ce bonheur que l’amour m’avoit d’abord
promis ; je n’étois consolé que par votre vertu, &
je l’étois, parce que cette vertu vous tenant renfermée
dans les bornes d’une retraite scrupuleuse, m’assuroit
de votre fidélité, & vous éloignoit de
tous les hommes : d’un côté je voyois que vous ne
prendriez jamais des sentimens pour personne, de l’autre
je sçavois que vous aviez pour moi tous ceux que vous
pouviez encore vous permettre ; c’étoit être assez sûr
de votre constance, & peut-être que cette idée me
flattoit plus que n’avoient fait les plaisirs que vous
m’aviez ôtés. Je m’efforçois donc à ne vous rien
retrancher de mon estime ; que dis-je ? Je me faisois un
plaisir d’écarter tous les nuages qu’une premiere
impression pouvoit former ; je sentois que ce plaisir
avoit le caractere d’un bienfait, parce qu’il étoit
honorable pour vous, & je me disois qu’un autre que
moi peut-être n’en auroit pas été capable. Si j’étois
toujours resté à l’armée, les choses n’auroient point
changé ; j’aurois rejetté tout ce qu’une main
cruellement zélée auroit pu m’écrire de dangereux pour
mon repos, & vous eussiez ignoré même
que je pensois & me conduisois avec toute cette
délicatesse. Mais j’ai été obligé de me rapprocher de
vous ; j’ai souhaité de vous voir, j’ai cru que vous
pouviez faire des démarches pour un homme que vous aviez
tant aimé ; je me suis vainement fait des objections ;
vos devoirs ne m’ont plus paru aussi sacrés que mes
droits ; & cette vertu, qui de loin combattoit si
bien, de près n’a plus été en état de combattre. Je ne
vous ai pas priée de me faire une visite, je n’ai pas
voulu vous engager à accompagner la Duchesse, j’ai même
agi tout autrement que je ne sentois ; j’ai paru
concevoir très-bien que vous ne deviez pas venir, mais
mon cœur murmuroit tout bas ; & quand j’ai vu qu’en
effet vous aviez la force de résister à une occasion si
douce, je n’ai plus été le maître d’ôter à mon esprit le
barbare plaisir de vous juger à la rigueur. J’avois vu
deux fois le cruel ami qui m’avoit écrit à
l’armée, & deux fois je m’étois roidi contre le
torrent qui vouloit m’entraîner à la jalousie ; il
arriva au même instant que la Duchesse sortoit, il me
redit encore les mêmes choses, & je ne les écoutai
plus comme je les avois écoutées ; j’osai enfin croire
tout ce qu’il me disoit. Cela est naturel, quoique
horrible. Vous le concevrez aisément ; vous avez assez
d’esprit pour remontrer jusqu’à une premiere source où
l’on trouve le germe & l’excuse de nos extravagances
& de nos injustices. Mais je vous conseille de n’en
pas prendre la peine ; ces considérations sont tristes,
& peuvent faire murmurer. La vérité de mes remords
vous apprendra que mon crime fut involontaire. Il n’est
plus question que de le réparer, croyez qu’il l’est
déja. Si je pouvois vous voir, vous seriez en un moment
tranquillisée ; les lettres sont froides, & par-là
infidelles. Il y a mille choses qu’on ne
peut pas dire, parce qu’on met du tems à les bien dire,
& qu’il n’y a qu’un moment pour les penser. Faites
cette réflexion ; & s’il est possible que vous
préfériez le charme d’un doux plaisir à l’autorité d’un
vain scrupule, daignez m’accorder un quart-d’heure. Je
ne vous demande pas une minute de plus ; j’aurai ma
montre sur la table. Ce sont de ces sortes de démarches
que la vertu n’interdit pas. Je pourrois vous le prouver
par de bonnes raisons. J’ai défini la vertu ; croyez
qu’elle n’est austere qu’autant que nos principes sont
encore mal établis. Quand la vocation est décidée, quand
la résolution est bien prise, elle adopte une partie des
loix de la nature dont elle sent qu’elle a besoin pour
se maintenir paisiblement dans son empire. Songez
d’ailleurs que je ne vous demande qu’un quart-d’heure,
& qu’il faudroit que notre foiblesse fût si puissante, qu’elle rendroit chimériques tous
les systêmes de perfection, si un quart-d’heure pouvoit
détruire une vocation de deux ans.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
Que me demandez-vous ? Ah ! vous vous égarez ; &
après avoir lu vos raisonnemens, je tremble de ceux que
vous êtes capable de vous faire. Quand on est parvenu
une fois à croire qu’on peut s’adoucir les loix de la
vertu, on tombe bien-tôt dans une cruelle incapacité de
s’y soumettre. La nature nous trompe avec un art
admirable ; pour juger du mal qu’elle peut nous faire,
consultons le plaisir qu’elle nous fait quand elle nous
donne des conseils spécieux. Elle m’en a donné comme à
vous cette occasion de vous voir que vous me reprochez
d’avoir méprisée, j’ai eu bien de la peine à me
persuader qu’elle pût avoir des charmes dangereux ; j’ai
eu bien de la peine à ne m’y pas rendre ;
il m’en a coûté tout un jour pour trouver une raison qui
m’en empêchât ; & quand cette raison s’est
présentée, quand elle a eu triomphé, je n’ai été
convaincue qu’elle étoit respectable, que parce que
j’avois senti, en la cherchant, que j’y étois poussée
par une autorité supérieure à ma répugnance. Je vous
dévoile ici mon cœur ; il peut paroître devant vous sans
risque, parce que vous êtes encore vertueux ; il y
paroîtroit également, si vous ne l’étiez plus ; & ce
seroit pour vous reprocher de me donner un exemple aussi
dangereux. Il vous diroit, qu’êtes-vous devenu ? que
m’avez-vous promis ? Il remonteroit jusqu’aux sources de
vos engagemens, & il essayeroit de vous faire
trembler. En effet, rappellez-vous ce moment où nous
nous séparâmes, ces sermens qui fonderent mon droit ;
ils ne peuvent point être effacés de votre mémoire,
& malheur à vous & à moi s’ils
l’étoient ; nous n’aurions plus que du mal à nous faire
l’un à l’autre. J’étois troublée depuis quelque tems ;
je flottois entre le crime & l’amour ; chaque jour
augmentoit un supplice qu’il falloit que je vous
dissimulasse ; ce n’étoit pas la crainte de vos
reproches qui me tourmentoit ; je sçavois bien que vous
ne vous mépendriez point au motif qui me faisoit agir ;
je sçavois aussi que né honnête homme, en connoissant ce
motif, vous ne vous dégraderiez pas jusqu’au point d’en
méconnoître l’autorité sacrée ; mais je craignois votre
chagrin, je redoutois ce moment où venant à apprendre
que je ne voulois plus vous aimer, vous tomberiez à mes
genoux pour y mourir de douleur. Vous me sauvâtes de la
moitié de mon tourment ; le Ciel généreux mit de la
pitié pour moi dans un cœur qui pouvoit abuser de la
mienne. Vous embrassâtes mes genoux ; & ce fut pour m’annoncer que vous étiez généreux,
& que je devenois libre. Nivel 4
« J’ai connu vos sentimens, me
dîtes-vous, & je viens vous apprendre que ma
résolution est de les respecter. Je serois capable
de vous les justifier s’ils étoient criminels, tant
je suis touché de l’agitation qu’ils vous causent.
Soyez tranquille sur le sort des miens ; je vous
perds, je perds tout le bonheur que j’avois
souhaité, mais il me reste le respect de votre
exemple, & je sens que je suis subjugué par un
sentiment profond qui me rend capable d’autant de
vertu que vous m’en faites admirer. » Tels
furent vos discours ; vous y joignîtes les sermens les
plus forts ; vous partîtes les sermens les plus forts ;
vous partîtes quelque tems après, & vous me
laissâtes avec la sûreté de ces mêmes sermens : le tems
n’a fait que confirmer les droits qu’ils me donnoient,
puisque par votre silence vous m’avec laissée dans une
entiere liberté d’y ajouter foi. Cependant
je n’ai pas voulu en abuser. Vous arrivé blessé, je vous
écris ; j’apprends que vous êtes triste, je présume que
vous avez besoin de consolation, & je continue de
vous écrire ; il se présente une occasion de vous voir,
je me sens portée à la saisir, je me demande si je dois
me l’interdire ; & quand le devoir a fait entendre
son arrêt, je me demande encore si c’est lui ou le
préjugé qui a prononcé. Voilà ce que j’ai fait,
Monsieur, n’y voyez que ce que je suis capable de
faire ; & craignez qu’en cherchant, dans la nature,
des excuses de la démarche que vous exigez, vous ne
parveniez enfin à me persuader qu’elle seroit innocente.
Je sçais bien qu’examinée en elle-même, elle ne seroit
pas criminelle ; mais considérez aussi que je la ferois
avec plaisir, & que c’est ce plaisir qui seroit
dangereux ; après une visite d’un quart-d’heure, vous en
demanderiez une moins courte ; pour pouvoir
l’obtenir, vous n’abuseriez nullement de la premiere ;
moi-même, cherchant à m’abuser, je m’efforcerois à vous
voir avec beaucoup d’indifférence, & je me croirois
autorisée à partir de ce principe, pour correspondre à
vos desirs ; mais nous nous éclairerions bien-tôt
mutuellement par une conduite lâche & criminelle,
& nous éprouverions enfin que les plus petites
choses mentent aux plus grandes fautes, quand on a
méprisé la défiance de soi-même. Je veux écarter cette
idée : elle me trouble, & je vous prie de ne me pas
réduire à m’en faire necessairement une autorité contre
vous. Nous pouvons vivre agréablement dans les bornes
que nous nous sommes prescrites ; c’est un plaisir qui
dépend de nous, & un plus grand bonheur n’en
dépendroit pas de même s’il nous coûtoit notre
innocence. Dites-vous cela ; faites des réflexions
solides ; rappellezvous velles que vous
eûtes la générosité de faire lorsque vous pouviez encore
vous en permettre qui ne fussent pas des crimes : leur
souvenir vous donnera du courage, & vous vous
rapprocherez de cet état de perfection d’où vous n’avez
pas rougi de descendre pour essayer de me séduire.
Renoncez à me voir, & contentez-vous de m’écrire ;
je recevrai toujours vos lettres avec plaisir, surtout
celles qui ne m’exposeront pas à vous gronder. Je sçais,
comme vous, que l’esprit éprouve un triste contrainte
dans les lettres, mais il jouit d’une dangereuse liberté
dans les conversations. Vous n’avez d’ailleurs rien à me
dire qui demande cette liberté dont vous êtes si jaloux.
Songez que nous nous sommes réduits à l’amitié, songez
encore qu’une amitié trop vive seroit un amour déguisé.
Je suis obligée de vous faire faire toutes ces
réflexions ; il n’y en a point à négliger lorsqu’à force de raisonner tristement sur la
contrainte des devoirs, on est parvenu à se faire de
faux prétextes & de fausses excuses. Adieu.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
Nivel 4
« J’ai connu vos sentimens, me
dîtes-vous, & je viens vous apprendre que ma
résolution est de les respecter. Je serois capable
de vous les justifier s’ils étoient criminels, tant
je suis touché de l’agitation qu’ils vous causent.
Soyez tranquille sur le sort des miens ; je vous
perds, je perds tout le bonheur que j’avois
souhaité, mais il me reste le respect de votre
exemple, & je sens que je suis subjugué par un
sentiment profond qui me rend capable d’autant de
vertu que vous m’en faites admirer. »
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse. Je n’aurai
pas la fausseté de vous dissimuler que vos raisons me
paroissent meilleurs que les miennes. Cependant je suis
éclairé sans être résolu, & il me semble qu’il me
reste encore bien de l’envie d’obtenir ce que vous
m’apprenez que je ne dois pas demander. Pourquoi
sommes-nous si foibles ? Pourquoi le desir d’être
innocent ne détruit-il pas le desir contraire ? Pourquoi
les plus grands sacrifices faits à la vertu, &
applaudis intérieurement pendant un tems très-long, ne
fortifient-ils pas une ame, ou contre le desir de les
adoucir, ou contre le danger qu’il y auroit à se
permettre cet adoucissement ? Je vous avoue qu’il y a
des momens d’humeur où je trouve la loi
bien sévere. J’ai conçu aisément que ne vous plus aimer
étoit un devoir. La loi sur ce point n’est pas plus
positive que naturelle. Aimer, c’est vouloir ravir une
femme à celui à qui elle se donna, à celui à qui elle
jura devant Dieu & devant les hommes, qu’elle
n’auroit jamais qui lui pour maître & pour amant.
L’aimer & chercher à lui plaire, c’est vouloir la
jetter dans une indépendance criminelle ; c’est
l’exposer du moins à raisonner sur une loi qu’elle
trouva naturelle, tant qu’elle n’eut point à examiner si
elle l’étoit pour sçavoir si elle devoit lui obéïr ;
& conséquemment c’est attenter à son innocence. Mais
chercher à voir cette même femme dans des circonstances
toutes contraires ; quand on ne sent en soi qu’un desir
innocent, quand on a renoncé à son cœur par la force
d’une vertu qui ne peut plus être qu’inébranlable ;
quand on ne cherche qu’à se nourrir de ces
mêmes maximes qui déciderent la victoire contre l’amour,
& leur rendre leur premiere vigueur, qu’une
privation trop austere & un souvenir trop triste
peuvent un jour affoiblir ; quand enfin on ne songe qu’à
se fortifier, qu’à s’assurer de soi-même, qu’à
s’intimider par le respect d’un témoin sévere &
incorruptible ; il me semble qu’alors la loi peut être
accusée de vouloir dominer sans aucune considération,
& qu’on peut s’étonner qu’elle n’ait pas été mieux
balancée avec la foiblesse humaine. Voilà mes
réflexions, & ma réponse. Vous y voyez la pureté de
mes vœux, & l’agitation de mon esprit. Placez-vous
entre ces deux autorités, & jugez-moi. Je ne veux
pas vous désespérer ; je ne veux pas non plus vous faire
ma situation plus cruelle qu’elle n’est ; je suis
capable de supporter votre résistance ; & s’il étoit
possible qu’elle vînt enfin à me donner des desirs que je n’ai pas, & à me jetter dans le
désespoir, je serois encore assez généreux pour vous le
cacher : mais croyez-vous que ce soit bien expliquer les
intentions du Ciel, que de risquer de rendre la vertu
odieuse à un homme qui lui sacrifia tout, quand on peut
sans danger lui adoucir un joug que le sentiment de son
innocence & la lumiere de sa raison doivent lui
faire trouver également humiliant & insupportable !
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
J’ai fait ce que vous avez voulu ; j’ai senti que le
principe de mon obstination ne vous paroissoit plus
assez respectable pour m’excuser auprès de vous, si je
m’opiniâtrois encore. Je souffrois d’ailleurs de vos
murmures, & j’ai voulu me rendre, non à vos
raisonnemens, mais à votre situation. Vous m’avez vue,
vous m’avez dit tout ce que vous ne croyez pas que la
lenteur de la plume pût jamais vous
permettre d’exprimer dans une lettre ? En apparence
cette conversation étoit innocente ; l’amour s’en est
écarté de lui-même, & le charme que nous y avons pu
trouver n’a dû nous causer aucune crainte. Mais
avez-vous pris la peine de vous examiner depuis que je
vous ai quitté, & votre nuit a t’elle été bien
tranquille ? Je crois que non, & je m’en rapporte à
votre cœur. Pour moi, je dois vous avouer que je suis
bien mécontente de mon imagination, depuis ce moment
doux & fatal ; je m’y étois attendue, &
cependant j’en suis étonné. Je m’étois persuadée qu’en
cédant avec tant de peine, j’en aurois peu du moins à
triompher des impressions que je pourrois remporter
d’auprès de vous. J’éprouve que quelque vertueuse que
l’on soit, & que l’on veuille être, on a raison de
se défendre tout. Il n’y a point d’occasion qui ne soit
un danger, & peutêtre que la plus
dangereuse de toutes, est celle des charmes de laquelle
on a cru se garantir par plus de réflexions. Je suis
forcée de vous parler avec cette sincérité. Vous espérez
de me revoir, & je vous l’ai promis ; il faut que je
vous dise que vous ne devez plus vous en flatter ; il
faut que je vous apprenne que vous ne devez pas le
permettre. J’ignore ce que vous éprouvez vous-même ; je
ne vous ferai même aucunes questions là-dessus. Je veux
vous sauver l’aveu de votre foiblesse. Il suffit que
l’un de nous sente qu’il seroit exposé dans une seconde
entrevue, pour que nous ne devions plus nous revoir,
& je veux bien m’humilier la premiere, & me
sacrifier. Ne me pressez donc plus sur un engagement si
légérement pris ; ma volonté suffit pour vous interdire
toute tentative ? mais de plus, la considération de
votre avenir m’oblige à vous montrer cette volonté
accompagnée d’autant de résolution que
votre intérêt & le mien peuvent m’en prescrire. Je
ne pourrois plus vous revoir sans vous coûter l’estime
que je vous ai inspirée ; je ne vous reverrois
d’ailleurs qu’accablée de remords, quoique je fusse
assez foible, assez sédutie pour paroître les braver ;
je m’arrêterois au bord du précipice ; je vous aurois
séduit, & vous seriez malheureux. Croyez-moi ;
mettez-vous en état de vous rendre un compte exact de
vos sentimens ; vous ne sçauriez m’avoir vue avec autant
de tranquillité que vous m’en avez montrée : nous ne
sommes point de bronze ou de marbre ; si vous avez
éprouvé la foiblesse, vous applaudirez aisément à une
résolution dont il est aisé de voir qu’aucun sophisme ne
doit détruire l’autorité. C’est l’avantage des chûtes
qui ont eu pour principe un systême erroné. On a voulu
croire que la vertu étoit trop sévere, on s’est cru permis, en conséquence, d’en adoucir la
sévérité ; mais l’instant de l’illusion passé, la
foiblesse qu’il a satisfaite opére elle-même la
conviction du devoir, par le reproche qui la suit. Vous
commencez à vous mieux porter ; ouvrez votre maison aux
plaisirs ; occupez-vous de tout autre chose que de moi :
il n’y a point de passion tout-à-fait involontaire,
& votre cœur deviendra libre, si vous forcez votre
imagination à le tenter par d’autres objets. Il m’en
coûte de vous donner ce conseil. Je n’en suis capable
que parce que je ne vois rien à lui opposer ; mais après
avoir bien examiné toutes les raisons qui m’y obligent,
je ne vois plus de terme à ma résolution. Adieu.
Nivel 3
Carta/Carta al director
La même au même.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse. Je vous
obéïrai, Madame : je m’égarois ; j’allois vous égarer
vous-même. . . . De quels remords vous me sauvez ! Je me rappelle tous les faux
raisonnemens que je vous ai faits : quelle lumiere vient
d’en éclairer l’erreur ! Sans avoir outragé la vertu
volontairement, je sens que je ne mérite plus d’en
connoître les charmes ; & le sentiment ne s’en
conserve dans mon cœur, que parce que je suis protégé
par mon repentir auprès du Dieu que j’offensois. Il
étoit tems que vous me fissiez ouvrir les yeux ; pour y
réussir, il étoit peut-être nécessaire que vous
cédassiez à mon importunité, & c’est en cela que
j’admire les secrets du génie qui veille sur nous. C’est
du sein de l’abîme où nous nous précipitons, qu’est
partie la voix sacrée qui a parlé à nos cœurs. Vous
l’avez entendue la premiere ; & quoique j’obéisse
sans peine aux arrêts qu’elle nous a fait entendre, il
me reste pourtant à m’humilier devant vous. Soyez
tranquille, Madame, sur les sentimens que cette voix
m’inspire ; puisque j’ai la force de vous
les avouer, j’aurai celle de leur être fidele, & il
n’y a plus de foiblesse à craindre ; je sens que j’ai
triomphé de moi-même. Cependant ne nous perdons pas de
vue tout-à-fait ; soyons toujours amis : il est même
nécessaire que nous nous en fassions mutuellement la
promesse. Nos cœurs nous la demandent, & se
révolteroient si nous voulions leur arracher tout le
plaisir qu’ils goûterent à s’unir. Il y a deux sortes de
sentimens. Sans les définir ici, je suis persuadé que
celui que nous pouvons nous permettre, vous paroît avec
toute son innocence, & vous porte à me l’accorder.
Je ne vous demanderai jamais que vous lui accordiez des
droits dont il pourroit abuser, mais j’aurai soin que
tous ceux qu’il a naturellement, se tournent en plaisirs
pour vous, & me deviennent si doux à moi-même, que
je puisse, en m’y bornant, ne jamais regretter les illusions que je leur sacrifie
aujourd’hui. J’ai l’honneur d’être, &c.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse.
Metatextualidad
Je m’étois proposé de joindre aux
lettres qu’on vient de lire celles qui suivent dans le
porte-feuille ; mais en les relisant, j’ai trouvé qu’elles
n’intéresseroient pas assez le Public. Ce sont toujours les
mêmes idées, les mêmes motifs : c’est une vertu qui
désormais marche à la perfection sans efforts & sans
combats, & qui par conséquent n’exerce plus que
l’admiration. Le Marquis guérit de sa blessure au bout de
quelque tems, & se hâta de rejoindre son régiment. Il
fut encore blessé, mais plus dangereusement que la premiere
fois ; & les secours n’ayant été ni assez prompts, ni
assez efficaces, il mourut après avoir langui pendant
quelque tems. J’ai annoncé les deux lettres
écrites dans cette circonstance, & qui terminent la
collection. Je me flatte qu’il n’y a personne qu’elles ne
puissent intéresser ; je crois même très-inutile de préparer
cet intérêt en excitant l’impatience par un préambule
artificieux & importun. Je vais tout de suite au fait,
& je sers le Public comme j’aime à être servi.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Le Marquis a
la * * *. Vous avez appris mon nouveau
malheur, il vous a pénétrée, & c’est votre désespoir
qui m’arrache l’aveu du mien. Oui, je souffre beaucoup
de penser au moment qui va me séparer de vous. Votre
amitié étoit la consolation & la récompense de mes
sacrifices ; je m’étois accoutumé à y puiser une douceur
constante : elle va m’être ravie, & je meurs avec le
chagrin d’être obligé de souhaiter que vous m’oublïez
pour votre repos. C’est aussi le vœu que je
forme ; je me reprocherois cette jalousie délicate, qui
dans les derniers instans fait trouver tant de douceur à
penser que l’on sera toujours aimé ; votre intérêt
parle, & mon cœur consent à se taire : mais je ne
suis nullement au dessus de la violence qu’il faut que
je me fasse pour cela. Mon courage est abattu, & je
pleure comme un enfant en exerçant contre moi des
rigueurs aussi cruelles. Chere amie, recevez mes
derniers adieux. Pardonnez-moi l’attendrissement qu’ils
vous causent ; ils partent du fonds de mon cœur, &
c’est tout ce que j’aurai devant les yeux en expirant.
Les gens qui m’entourent & pleurent sur mon sort, me
disent qu’il est triste de mourir à la fleur de mon âge,
au milieu de ma course, à la veille d’une fortune
éclatante ; & en me témoignant leurs regrets,
croyent avoir bien saisi l’objet des miens. Ils ne me
disent pas qu’il est affreux de perdre une
amie en qui on vivoit, pour qui l’on vouloit toujours
vivre, devant qui l’on pensoit. Ils ignorent que j’avois
cette amie, que je la chérissois uniquement, & que
je la perds. Ah ! combien leurs larmes seroient plus
abondantes, combien leur douleur seroit plus vive,
combien je leur paroîtrois plus malheureux, s’ils vous
avoient connue, s’ils sçavoient combien une amitié si
tendre étoit juste & charmante. C’est cela que je
perds, & c’est tout ce que je regrette. Les biens de
l’univers n’ont que mon mépris ; j’en connus de bonne
heure l’instabilité, & ils n’auroient jamais trompé
ma raison. Si j’ai couru à la gloire, ce fut d’abord
pour vous mériter, & ensuite pour vous dissimuler le
profond accablement où me jettoit la perte de mille
plaisirs qu’alors je croyois préférables à la douceur
des plus vertueux sentimens. Vous avez toujours dû
penser que je n’estimois que vous, que je
ne chérissois que vous, & que cette gloire, ces
richesses, ces honneurs n’auroient jamais été capables
de me ravir un de ces instans que je leur donnois, si
j’avois pu n’en donner qu’au bonheur de m’occuper de ma
tendresse. Enfin j’ai connu tous les plaisirs auprès de
vous, & je les perds tous en un jour. La fortune m’a
regardé avec des yeux d’envie, & je conçois qu’en
voyant mon bonheur, elle a dû lancer sur moi des arrêts
terribles. Puisse-t’elle vous traiter moins
inhumainement, & ne pas me poursuivre dans le
tombeau par vos peines !
Nivel 3
Carta/Carta al director
Le Marquis a
la * * *.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse. Je ne
reconnois point dans votre lettre l’homme qui a sçu
braver tant de fois les ennemis. J’y reconnois encore
moins cet esprit ferme & élevé qui m’apprit si
souvent à fouler aux pieds les biens périssables &
trompeurs. Je me demande ce que vous
êtes devenu ; & pour toute réponse j’entends des
excuses qui font mon désespoir. Avez-vous pu tracer une
lettre aussi accablante pour moi ? Vous me réduisez à
regretter de n’avoir pas suivi plus exactement les
séveres maximes de la vertu. Cette vertu me prescrivoit
de rompre avec vous, en rompant avec les plaisirs : si
je l’avois mieux écoutée, vous auriez cessé de m’aimer,
& vous ne me regretteriez aujourd’hui, en perdant la
vie, que comme un de ces objets, qui, dans un songe,
s’offrent à l’imagination, & ne s’y conservent
qu’autant qu’elle en peut être amusée. Ah ! Marquis, que
de regrets vous me laissez ? J’ai tout fait pour
m’épargner les remords, & je doute si jamais le plus
scélérat des humains souffrit autant par les reproches
intérieurs, que je souffre moi-même par ceux que je me
fais. Voyez le mal que vous me causez, je suis réduite à chercher à définir la vertu ; je
me demande si ce sont-là les récompenses qu’elle promet.
D’un côté, je vois qu’elle vous abandonne presque quand
vous mourez, & qu’elle laisse une fatale passion se
réveiller dans votre cœur quand vous touchez au moment
de recevoir le prix du long sacrifice que vous lui en
avez fait. De l’autre, je vois que ce qui me touche en
vous dans ce moment terrible, n’est pas la mort d’un
honnête homme, d’un bon citoyen, la perte d’un ami, d’un
confident ; c’est le désespoir d’un amant fidele, d’un
amant malheureux, d’un amant qui m’aime si tendrement ;
& peut-être que les sentimens que ce désespoir
réveille dans mon cœur, n’en sortiront plus jusqu’à mon
dernier soupir. Voilà les pensées & les réflexions
que vous m’occasionnez : je rougis de me les permettre,
je me les reproche, & je ne puis me les défendre.
Par cet aveu, vous voyez que je suis
vivement pénétrée de votre malheur ; vous avez sçu
l’effet que produisit sur moi la nouvelle que j’en
appris. Je vous l’écrivis sur le champ, & je ne me
serois pas contentée de vous l’écrire, si j’avois été
aussi maîtresse de mes démarches que de mes expressions.
Je mes souvins que vous n’aviez pas reçu les secours
nécessaires dans votre premier accident, & ce
souvenir me fit frémir ; je consultai nos plus habiles
Médecins, & je vous prescrivis ce qu’il failloit
faire. A quoi tout cela a-t’il abouti ? Vous mourez,
& les soins de mon amitié n’ont servi qu’à vous
rendre plus malheureux, puisqu’ils ont fait renaître des
sentimens qui sont aujourd’hui ce qui vous rend votre
mort si affreuse. O mon cher * * * ! pardonnez-moi
l’unique mal que je fusse capable de vous faire. Vous me
le pardonnerez aisément, mais il vous en coûtera de
mourir avec encore plus d’amour pour moi ;
& cette pensée m’accable. Je voudrois vous voir dans
une indifférence profonde pour tout ce que j’ai jamais
pu faire pour vous ; je voudrois que vous pussiez
m’accuser de cruauté, ou m’en montrer vous-même en
oubliant ce que j’ai fait. Hélas ! je voudrois ce qui ne
se peut pas. Triste situation ! Vertu, amour, nature,
accordez-vous ensemble : mais que dis-je ? le devoir est
positif, & il peut toujours triompher de la
foiblesse ; je sens que malgré mon désespoir, je suis
encore persuadée de la possibilité de ce triomphe, &
je finis ; je vous dis un éternel adieu, en souhaitant
que ma conviction puisse ranimer votre confiance &
votre courage.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse.