Le Misantrope: LXXX. Discours
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LXXX. Discours
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Metatextuality
J‘ai assez parlé des Amans qui
sont foux le plus sérieusement du monde : je dirai un mot à
présent de ceux qui sont amoureux d’une maniére burlesque
& divertissante.
Heteroportrait
Lysis tout enflé de vanité,
admirateur perpétuel de sa belle jambe, occupé sans cesse à
arranger les boucles de sa perruque, veut s’emparer du cœur
d’une Femme, comme d’un bien qui lui apartient de plein
droit. Il ne s’amuse pas à filer le parfait amour. Cette
méthode n’est bonne que pour les mérites ordinaires, il
prend d’une maniére tout autrement relevée. Dès-qu’il juge
une Femme digne de l’honneur de lui plaîre, son imagination
promte & vive prend d’abord possession du cœur de la
Belle. Persuadé qu’elle ne balancera pas un moment à
ratifier la donation qu’il s’en est faite à
lui-même, il lui aprend cavaliérement qu’il l’aime. Cette
nouvelle lui paroit trop bonne, pour différer un moment à la
lui communiquer. Après avoir passé légérement sur sa
déclaration, il lui raconte pompeusement l’histoire de ses
conquêtes amoureuses. Ce ne sont que Prudes aprivoisées,
Coquettes fixées, Maris jaloux, Rivaux desespérés.
Heteroportrait
La méthode d’aimer de Floridor n’est pas d’un caractére moins comique. Dès-qu’il est
charmé d’une Femme, il tâche de trouver le chemin de son
cœur, en faisant semblant de ne le chercher pas. Il a
entendu dire que les Femmes ressemblent à l’ombre, qui fuit
les corps qui s’avancent vers elle, & qui suit ceux qui
s’en éloignent. La justesse de cette comparaison éclate dans
une infinité d’exemples, & Floridor prétend en tirer une
régle sure pour parvenir au but de ses tendres desirs. Loin
de faire à celle qu’il aime des protestations d’amour, il
lui fait des déclaractions d’indifférence &
d’insensibilité. Il lui étale avec une fierté affectée la
tranquillité inaltérable de son cœur, & l’impossibilité
qu’il y a à lui inspirer de la tendresse. C’est en-vain que
la Nature a donné des charmes au Beau Sexe, à ce qu’il dit ;
il n’y a que des imbécilles qui se laissent séduire par les
affetteries des Femmes ; & avec un peu de fermeté, il
n’y a rien de si facile que de se défendre d’un pareil
ridicule. Le pauvre Floridor se défend de cette maniére sans
qu’on l’attaque, & il croit que sa Maîtresse ne
négligera rien pour domter un cœur dont il rend la conquête
si difficile. Malheureusement pour lui, il n’y a rien de si
grossier que sa finesse. Sa Belle la pénétre facilement,
& s’aperçoit bien que c’est une place qui ne demande
qu’à être attaquée pour pouvoir capituler avec honneur.
Heteroportrait
Quand même la liberté de ce
prétendu Hypolite seroit mieux défendue que la Toison d’or, il courroit risque d’en rester
toujours tranquille possesseur. Ses Maîtresses
voudroient-elles faire de grands efforts pour un objet qui
n’en vaut pas la peine, & hasarder la gloire de leurs
charmes pour une conquête méprisable ? Toutes les Femmes ne
ressemblent pas à ces Héros, qui irrités par la résistance,
après avoir remporté des victoires aussi importantes que
glorieuses, s’exposent à échouer devant une Place, aussi
difficile à prendre, qu’inutile à celui qui en est le
maître.
Metatextuality
On me permettra bien de joindre à ce différens
genres de folie amoureuse, le caractére de ceux
qui n’étant point attaqués de ce mal, s’efforcent pourtant à
le paroître plus qu’aucun autre.
Metatextuality
En voici une Imitation.
Citation/Motto
En-vain je prétendrois excuser ma
foiblesse, Mon cœur est accessible à mille & mille
amours ;
Etre Femme suffit pour être ma Maîtresse,
Cent différens motifs font que j’aime toujours. Par d’opposés chemins chez moi l’amour se glisse ;
La pudeur à mon ame offre un attrait vainqueur ;
Et le regard tremblant d’un œil encor novice,
S’ouvre sans le vouloir la route de mon cœur. D’un air ouvert & libre une autre se présente,
Mon cœur foible se livre à ses regards hardis,
Et j’estime qu’en-vain ma raison impuissante
Oseroit s’opposer à ses yeux aguerris. Quand le triste dehors d’une sagesse austére,
Me menace d’un cœur d’aucun desir touché,
Je brule de savoir, si dans cet air sévére
Un cœur moins rigoureux ne s’est pas retranché. J’aime l’esprit d’Iris, son brillant, sa finesse,
Et Climéne me plaît par ses discous naifs :
Je sens pour l’ingénue une douce tendresse,
Pour la vive je sens les transports les plus vifs. Par orgueil je suis tendre, & ma gloire m’anime
A toucher par mes feux celle à qui je déplais :
Puis-je ne bruler pas pour celle qui m’estime ?
Me trouver à son gré, c’est avoir mille attraits. Un bon air sur mon ame est toujours efficace ;
Un air rustique encor peut me rendre amoureux,
Sur une Belle, Amour, tu répans de la grace,
Et j’aime qu’elle en soit redevable à mes feux. D’une agréable voix que le charme me touche !
En souverain arbitre il maîtrise mes sens.
Dieux ! avec quel transport je baiserois la bouche
Qui porte jusqu’au cœur des sons si ravissans ! Quand sous les mains d’Iris un Clavessin resonne,
Ou que ses doigts d’un Luth tirent des sons divins,
Sa laideur disparoit, pour toute sa personne
Mon ame s’interésse en faveur de ses mains. J’aime le vif éclat d’une charmante Blonde,
Mon cœur gagne bientôt la langueur de ses yeux :
Telle autrefois Vénus, sortant du sein de l’onde
Par ses regards mourans fit languir tous les Dieux. Que des yeux noirs & vifs, & qu’une tresse noire,
Relévent d’un beau teint le charme séducteur !
Léda par ces attraits, au comble de la gloire,
Du Monarque des Cieux fit son adorateur. J’aide ainsi le Beau Sexe à me paroître aimable,
J’enfonce tous les traits qui partent de ses yeux :
Et jusques chez les Dieux que nous prône la Fable,
Je cherche les moyens d’autoriser mes feux. A la nature Isis veut se devoir entiére :
A sa gloire jamais l’ajustement n’eut part ;
Admirant plein d’amour sa négligence altiére,
Je devine l’éclat que lui prêteroit l’art. Philis pour me domter cherchant par-tout des armes,
Seconde ses attraits d’une savante main,
Je lui sui gré du soin de m’étaler ses charmes.
Et qui veut me charmer, ne le veut pas en-vain. De la verte saison la tendre fleur m’enchante,
L’âge plus mûr encore anime mes desirs,
L’une offre à mon ardeur une fraîcheur touchante,
L’autre assaisonne mieux les amoureux plaisirs. Amour, par vos faveurs, reconnoissez l’hommage
D’un cœur qui va toujours au-devant de vos coups.
De tous les Souverains le choix me paroit sage.
Et mon goût pour le Sexe embrasse tous les goûts. D’Alexandre autrefois la valeur orgueilleuse
Crut l’Univers petit pour ses vastes projets :
Telle de mon amour l’ardeur ambitieuse
Se trouve trop serré en mille & mille objets.
Etre Femme suffit pour être ma Maîtresse,
Cent différens motifs font que j’aime toujours. Par d’opposés chemins chez moi l’amour se glisse ;
La pudeur à mon ame offre un attrait vainqueur ;
Et le regard tremblant d’un œil encor novice,
S’ouvre sans le vouloir la route de mon cœur. D’un air ouvert & libre une autre se présente,
Mon cœur foible se livre à ses regards hardis,
Et j’estime qu’en-vain ma raison impuissante
Oseroit s’opposer à ses yeux aguerris. Quand le triste dehors d’une sagesse austére,
Me menace d’un cœur d’aucun desir touché,
Je brule de savoir, si dans cet air sévére
Un cœur moins rigoureux ne s’est pas retranché. J’aime l’esprit d’Iris, son brillant, sa finesse,
Et Climéne me plaît par ses discous naifs :
Je sens pour l’ingénue une douce tendresse,
Pour la vive je sens les transports les plus vifs. Par orgueil je suis tendre, & ma gloire m’anime
A toucher par mes feux celle à qui je déplais :
Puis-je ne bruler pas pour celle qui m’estime ?
Me trouver à son gré, c’est avoir mille attraits. Un bon air sur mon ame est toujours efficace ;
Un air rustique encor peut me rendre amoureux,
Sur une Belle, Amour, tu répans de la grace,
Et j’aime qu’elle en soit redevable à mes feux. D’une agréable voix que le charme me touche !
En souverain arbitre il maîtrise mes sens.
Dieux ! avec quel transport je baiserois la bouche
Qui porte jusqu’au cœur des sons si ravissans ! Quand sous les mains d’Iris un Clavessin resonne,
Ou que ses doigts d’un Luth tirent des sons divins,
Sa laideur disparoit, pour toute sa personne
Mon ame s’interésse en faveur de ses mains. J’aime le vif éclat d’une charmante Blonde,
Mon cœur gagne bientôt la langueur de ses yeux :
Telle autrefois Vénus, sortant du sein de l’onde
Par ses regards mourans fit languir tous les Dieux. Que des yeux noirs & vifs, & qu’une tresse noire,
Relévent d’un beau teint le charme séducteur !
Léda par ces attraits, au comble de la gloire,
Du Monarque des Cieux fit son adorateur. J’aide ainsi le Beau Sexe à me paroître aimable,
J’enfonce tous les traits qui partent de ses yeux :
Et jusques chez les Dieux que nous prône la Fable,
Je cherche les moyens d’autoriser mes feux. A la nature Isis veut se devoir entiére :
A sa gloire jamais l’ajustement n’eut part ;
Admirant plein d’amour sa négligence altiére,
Je devine l’éclat que lui prêteroit l’art. Philis pour me domter cherchant par-tout des armes,
Seconde ses attraits d’une savante main,
Je lui sui gré du soin de m’étaler ses charmes.
Et qui veut me charmer, ne le veut pas en-vain. De la verte saison la tendre fleur m’enchante,
L’âge plus mûr encore anime mes desirs,
L’une offre à mon ardeur une fraîcheur touchante,
L’autre assaisonne mieux les amoureux plaisirs. Amour, par vos faveurs, reconnoissez l’hommage
D’un cœur qui va toujours au-devant de vos coups.
De tous les Souverains le choix me paroit sage.
Et mon goût pour le Sexe embrasse tous les goûts. D’Alexandre autrefois la valeur orgueilleuse
Crut l’Univers petit pour ses vastes projets :
Telle de mon amour l’ardeur ambitieuse
Se trouve trop serré en mille & mille objets.