Le Misantrope: LV. Discours
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Nível 1
LV. Discours
Nível 2
Metatextualidade
Je voudrois bien réussir une fois
en ma vie à faire un Misantrope qui plût à tout le monde :
l’affaire est difficile, mais peut-être n’est-elle pas
tout-à-fait impossible. Il est naturel que les goûts des
hommes, si différens pour la plupart des choses, conviennent
du moins dans un seul point : toute la difficulté consiste à
le trouver, & cependant je me trompe fort si je ne l’ai
pas découvert. Tout l’Univers est dans l’impatience
d’aprendre le résultat des Négociations de Paix, &
seroit ravi de savoir si elles se termineront bientôt, ou
non. Si je pouvois donc tirer de mon cerveau quelques
réflexions sensées sur la durée de cette affaire importante,
j’aurois aparemment le plaisir de satisfaire tout le monde.
Essayons-le.
Citação/Lema
« Car de tous mêts sucrés, secs, en pâte, ou liquides, Les
estomacs dévots furent toujours avides.
Le premier massepain pour eux, je crois, se fit,
Et le premier citron à Rouen fut confit. »
Le premier massepain pour eux, je crois, se fit,
Et le premier citron à Rouen fut confit. »
Metatextualidade
Non,
je renonce à ces sortes d’historiettes, qui ne font que
mettre en œuvre les beaux talens que le Public a pour la
médisance, j’aime mieux faire un Conte de Fée ; ces sortes
de contes sont fort en vogue dans notre Siécle ; les gens
les plus graves s’y amusent ; tout en les traitant de
bagatelles, ils s’y amusent si bien quelquefois, qu’ils ne
sauroient les quiter qu’ils n’en ayent parcouru tout un
Volume d’un bout à l’autre.
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Narração geral
Conte de fee. Il y avoit
autrefois dans l’Arabie Heureuse certaine Fée fort
puissante & fort raisonnable, qualités qui ne sont
pas des plus compatibles. Les autres Fées s’amusent à
bâtir des Palais tout de cristal de roche ; on y voit
des apartemens d’un seul rubis, d’autres d’une seule
topase, & d’autres encore d’un seul diamant, en un
mot, les autres Fées ressemblent assez bien à certains
Auteurs, qui nous donnent du merveilleux, faute d’être
assez habiles pour nous donner du naturel. La Fée, dont
je veux parler, avoit bien plus d’esprit que cela :
comme elle se faisoit un plaisir d’être aimée des
hommes, elle s’humanisoit dans toutes
ses productions. C’étoit la meilleure pâte de femme dont
on ait jamais entendu parler, & pour toute ces
raisons on l’apelloit la Fée Humaine. Elle s’étoit
divertie à bâtir sur le rivage de la mer une Ville la
plus jolie, la plus riante du monde. Le Printems qu’on
va chercher d’ordinaire à la Campagne, déployoit tous
ses agrémens au milieu de ce charmant séjour. Tous les
habitans de ce lieu se sentoient de l’humanité de leur
Souveraine. Les Seigneurs s’y plaîsoient à être les bons
amis des Grisettes, & souvent les Dames y étoient
très familiéres avec leurs Domestiques. Aussi, à n’en
juger que par l’extérieur, on y avoit bien de la peine à
distinguer la Roture d’avec la Noblesse. Les Clercs de
Procureur y portoient l’épée & la veste de brocard
d’or ; & le Chien du Docteur Balouard auroit été
bien embarrassé à déchirer, non leurs manteaux de
bouracan, mais leurs roquelaures d’écarlate. Les
Soubrettes y étoient aussi pimpante que leurs
Maîtresses, & les Bourgeoises s’habilloient des plus
belles étoffes de leurs boutiques, ce qui n’étoit pas
mal imaginé. Près de ce lieu délicieux il y avoit un
Bôcage, dont la diversité riante laisoit douter s’il
étoit l’effet de l’Art qui avoit voulu imiter la Nature,
ou de la Nature qui avoit voulu aprocher de l’Art. C’est
dans cette agréable solitude que les Amans passoient un quart-d’heure inutile, à réver à
leurs Maîtresses, ou à forger de bonnes fortunes qu’ils
devoient débiter le soir à leurs compagnons : c’étoit-là
encore que la Fée Humaine faisoit sa demeure ordinaire.
Un jour s’étant cachée dans un gros chêne, elle vit un
jeune Cavalier se promener d’un air rêveur & un peu
mélancolique. Il méritoit bien de s’attirer les regards
d’une Fée. Le Drolle étoit tout des mieux faits, un beau
teint, une grande chévelure ; la taille fine, la jambe
faite à peindre, un air de Petit-Maître ; enfin, il
étoit tout propre à donner dans la vue. La Fée Humaine
touchée de voir ce beau Cavalier si triste, parut devant
lui, & après lui avoir fait une grande révérence,
car elle savoit fort bien son monde :
Après cette promesse, la Fée Humaine le toucha
d’une baguette, & lui dit de se regarder dans un
petit ruisseau. Il s’y trouva une grande perruque noire,
une peau basanée, & une phisionomie un tant soit peu
pendable.
Mais voici encore une piéce tout-à-fait
nécessaire pour venir à bout de votre entreprise.
Voyez-vous cette bourse, elle a été composée par un
Rabbin fort habile Cabaliste, & Mars y fait toujours
rentrer au double ce que Vénus en fait sortir. Le
Cavalier métamorphosé accepta avidement cette bourse
miraculeuse, & sans s’amuser, comme un Bourgeois, à
remercier sa Bienfaitrice, il courut vers sa petite
Maîtresse. . . . .
Nível 4
Diálogo
Qu’avez-vous, mon beau
Monsieur ? lui dit-elle, il semble que vous ayez
quelque chagrin, découvrez-le moi. Je suis la Fée
Humaine, & vous pouvez vous assurer de mon
secours. Hélas ! Madame, répondit le Cavalier,
dont il n’étoit pas difficile de gagner la
confidence, j’aime une Grisette jolie comme un
petit cœur, & je travaille en-vain depuis
trois jours à aprivoiser cette petite tigresse ;
je ne bouge d’auprès d’elle, & pendant tout ce
tems-là je n’ai été que deux fois à l’Opéra &
trois fois au Cabaret. Voyez un peu la petite
fantasqne <sic>, répliqua la Fée ; la beauté
seule de vos cheveux devroit vaincre son
indifférence. Bien loin de-là, Madame, elle dit
que mes cheveux me donnent un air du vieux tems, & que je devrois prendre
perruque pour être à la mode. Mais vous êtes si
beau garçon. Il est vrai, mais la petite masque
dit qu’un homme bien fait prétend qu’on l‘aime
pour les beaux yeux, & ce n’est pas-là son
compte. Eh ! mais vous avez une phisionomie si
fine, & je jurerois moi que vous avez l’esprit
joli. A qui le dites-vous, Madame, c’est moi qui
compose toutes les nouvelles maniéres de jurer qui
sont en vogue, il n’y a rien qui arrondisse mieux
les périodes que tout ce que je sais dans ce
genre-là. Mais elle se moque de l’esprit à son
avis, ceux qui en ont tant, prétendent qu’une
fille qu’ils daignent aimer, doit leur en avoir de
l’obligation. Vous saurez de plus, Madame, que je
chante comme Touvenelle, & que je danse à
ravir ; & cependant j’ai usé sur son cœur plus
de vingt grands airs d’Opéra, & plus de cent
cabrioles, sans pouvoir l’effleurer seulement.
Ah ! je vois où est l’encloueure, repartit la Fée.
Que me donnerez-vous, mon beau Monsieur, si je
rens cette Belle souple pour vous comme un gand ?
Tenez, Madame, répondit le Cavalier, faites
qu’elle m’aime seulement pendant quinze jours, foi
de fils d’honnête-homme je vous aimerai une
semaine toute entiére, pour vous payer de vos
peines.
Nível 4
Diálogo
Eh si au diable,
Madame, s’écria-t-il ! me voilà bâti d’une étrange
maniére, je ressemble à un Juif
comme deux goûtes d’eau. Tant mieux, mon fils,
répliqua la Fée, votre petite Grisette vous
trouvera fort bien comme cela.
Metatextualidade
Mais me voici au bout de mon
cahier, & je ne saurois finir mon conte, je crois même
que je m’en repentirois fort ; on ne manqueroit pas d’y
chercher des allégories, & d’y trouver un portrait
fidéle de la Haye, & puis il faut voir comment on
déclameroit encore contre la malice du pauvre Misantrope. Je
suis bien sot aussi de vouloir plaîre à tout le monde, c’est
le vrai moyen de ne plaîre à personne. On a beau faire, il
en faut toujours revenir à la Fable de l’Ane & du
Meunier.
Fábula
Je suis âne, il est
vrai c’est le Meunier qui parle, « Je suis âne, il est
vrai, j’en conviens, je l’avoue, Mais que dorénavant on
me blâme, on me loue,
Qu’on dise quelque chose, ou qu’on ne dise rien,
J’en veux faire à ma tête : il le fit, & fit bien.
Qu’on dise quelque chose, ou qu’on ne dise rien,
J’en veux faire à ma tête : il le fit, & fit bien.