Sugestão de citação: Justus Van Effen (Ed.): "LIV. Discours", em: Le Misantrope, Vol.2\013 (1711-1712), S. 102-113, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1712 [consultado em: ].


Nível 1►

LIV. Discours

Nível 2► Traum► Metatextualidade► Je craindrois d’ennuyer si je répétois à tout moment un tel Poёte parut après un tel, on le verra bien assez par la suite des portraits ; voici celui de Juvenal. ◀Metatextualidade

Retrato alheio► Citação/Divisa► Hardi Déclamateur, sa colére fertile,

Gourmanda sans détour le Romain indocile,
Et par son aigre humeur son génie entraîné,
Osa livrer la guerre au vice couronné.
D’un Siécle dissolu la luxure excessive,
Anima de ses Vers la mordante invective,
[103] Vif, sublime, fleuri, facile, impétueux,
Son génie étincelle ou ses portraits affreux.
Heureux ! s’il eut toujours, dans l’ardeur qu’il anime,
Ménagé la sagesse punissant le crime,
Et si de ses tableaux l’infame nudité
N’eût bravé la pudeur du Lecteur rebuté. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

A peine Mécénas eut-il prononcé ces Vers, qu’il se présenta un grand nombre de ce petits Auteurs satyriques, à qui la malignité tient lieu de génie. Chacun d’eux prétendoit être le plus fondé en droit, pour étre mis en paralléle avec ce Poëte Latin ; & je vis le moment qu’une Guerre Civile alloit naître parmi eux, si je n’y avois mis le hold par ces mots.

Citação/Divisa► Modérez-vous, Messieur de la Satyre,

De vos talens vous jugez mal,
Si votre Muse, au-lieu de rire, Mord & déchire,
Ce n’est pas tout pour être égal
A Juvenal. ◀Citação/Divisa

Il n’y a que Régnier, continuai-je, qui mérite d’être mis de pair avec ce Poёte.

Citação/Divisa► Dans un Siécle où le goût encor mal éclairé,

Génoît peu le Poёte à sa verve livré,
Régnier, décréditant cette libre manie,
Puisa l’art de rimer dans son rare génie ;
[104] Et mettant à profit Horace & Juvenal,
Il prête à sa satyre un air original.
Le sel de son esprit, & l’aigreur de sa bile,
Dans ses écrits sensés font un mélange utile.
Faloit-il que ses Vers, truchemens de son cœur,
En termes débordés prêchassent la pudeur ;
Et que d’après ses mœurs nous dépeignant le vice,
Des crimes qu’il censure, il fût souvent complice ? ◀Citação/Divisa

Le Patron des Poëtes Latins fit alors avancer Plaute, il vouloit en faire le portrait, à mon avis plutôt pour y faire briller la justesse de son discernement, que pour chercher un compagnon pour ce vieux goguenard : le bon homme n’a jamais été fort délicat, & naturellement il devoit s’accommoder assez de toutes sortes de mauvais plaisans.

Retrato alheio► Portrait de Plaute

Citação/Divisa► Ce comique Boufon, n’en déplaîse aux Savans,

A son grossier parterre immola le bon-sens.
Chez lui d’un trait d’esprit la grâce déployée,
Dans mille jeux de mots d’ordinaire est noyée :
Sans rime & sans raison il sait le goguenard :
La justesse en ses Vers n’est qu’un don du hasard.
[105] Si le valet souvent y parle d’un ton grave,
L’honnête-homme y produit les pointes d’un esclave.
Enfin par un seul trait, pour le dépeindre en tout,
Il eut beaucoup d’esprit, peu d’arts & point de goût. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

A peine ces vers furent-ils récités, qu’il se leva un murmure entre les Défenseurs de l’Antiquité, qui savent plutôt alléguer vingt Auteurs qu’une seule raison, & chez qui une sottise, qui subsiste depuis deux mille ans, obtient par prescription la place de quelque chose de joli. Ils se mirent enfin à crier tous d’une voix, Cicéron l’aprouva, Mécénas répliqua aussi-tôt,

Citação/Divisa► Tant pis pour Cicéron,

J’en veux croire plutôt Horace & la Raison. ◀Citação/Divisa

Pendant que ces Messieurs étoient aux prises, j’étois en délibération s’il faloit mettre Dancourt en paralléle avec Plaute. Il est vrai que cet Ancien paroit revivre dans les Ouvrages qu’on débite sous le nom de Dancourt : mais je considérois d’un autre côté, que ces Piéces de Théâtre ne sont propre au dernier que du côté du profit, & qu’il ne faloit en aucune maniére mettre sur son compte ce qu’il y a de bon & de mauvais. Metatextualidade► Je conclus donc que Poisson étoit plutôt mon homme : voici son portrait. ◀Metatextualidade

[106] Retrato alheio► Citação/Divisa► C’est ici le plaisant Poisson,

Qui par son stile polisson,
Au sérieux faisant la guerre,
Fit son plus grand bonheur d’égayer le Parterre.
Bien souvent il y réussit,
Et ses burlesques traits ne manquent pas d’esprit.
Mais se bornant à faire rire Il ne se pique point d’instruire.
Par les discours du Sot vengé.
Jamais lâche marine se vit corrigé ;
Et le bisarre sort du Baron de la Crasse,
Dans l’esprit diverti ne laisse point de trace.
Si sur cet Auteur turlupin,
Il faut qu’en un mot je m’explique,
Poisson fut très petit Comique,
Et très excellent Tabarin. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

Retrato alheio► Portrait d’Ovide

Citação/Divisa► Tous les talens exquis des plus rares génies,

Du tendre Ovide seul animérent les Vers,
Pour couronner son front les Muses réunies.
Font trouver en lui seul cent Poёtes divers.
Qu’il fait bien desarmer les rigueurs d’une Amante !
Quel cœur ne voudroit pas partager son amour ?
Mais sa tendre douleur paroit trop éloquente,
Il prête à ses soupirs trop d’esprit & de tour.
En Systême il a su réduire l’Art de plaire.
L’Amour même l’écoute avec docilité,
[107] Il donne à cet Enfant, mal instruit par sa mére,
Des leçons, dont lui-même il sentit la bonté.
Qu’il enfle avec succès Trompette Héroïque,
Quand d’Ajax & d’Ulisse il peint le démélé ;
J’ose le soutenir ; aucun Poёme Epique
A cet essai hardi n’a droit d’être égalé.
La cadence prévient tout effort de sa veine,
Set mots harmonieux courent pour s’arranger.
Cependant ses écrits, ennemis de la peine.
Ne laissent au travail aucun mot à changer.
Souvent trop amoureux d’une belle pensée,
Il se plaît à l’offrir de différent côtés ;
Il prodigue l’esprit ; l’attention lassée
Succombe sous ses Vers trop chargés de beauté. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

Je cherchois en-vain parmi les Poёtes François un compagnon digne d’Ovide. Je conviens qu’il y en a parmi eux dont les Elégïes ont de l’élegance & de la délicatesse ; mais ils manquent d’ordinaire de feu & de naturel, & ne sont que trop bien dépeints par ces vers de Boileau.

Citação/Divisa► « Je hais ces vains Auteurs, dont la Muse forcée,

M’entretient de ses feux, toujours froide & glacée ;
Qui s’affligent par art, & foux de sens rassis,
S’érigent pour rimer en Amoureux transis.
[108] Leur transports les plus doux ne sont que phrases vaines,
Ils ne savent jamais que se charger de chaînes,
Que bénir leur martire, adorer leur prison,
Et faire quereller les Sens & la Raison.
Ce n’étoit pas jadis sur ce ton ridicule,
Qu’Amour dictoit les Vers que soupiroit Tibule ;
Ou que du tendre Ovide animant les doux sons,
Il donnoit de son Art les charmantes leçons. » ◀Citação/Divisa

Dans l’embarras où je me trouvois, j’aperçus une très aimable Femme, qu’à son air dégagé & libre je reconnus pour Madame Deshouliéres ; je la crus très propre à être la compagne du galant Ovide, & Metatextualidade► voici comme je pris la liberté de lui parler. ◀Metatextualidade

Citação/Divisa► Vien, vien venger ton sexe, aimable Deshouliéres,

Du mépris de l’homme trop vain ;
Par ton cœur délicat, ton esprit, tes lumiéres,
Tu peux seule égaler cet illustre Romain.
D’abord qu’Apollon t’anime,
Tu sais de la même rime,
Sans offenser la raison,
Vingt fois répéter le son.
[109] D’un Héros que l’on estime ;
Tu sais sur un ton sublime,
Jusqu’au Ciel porter le nom,
Dans une tendre Chanson.
Que tu dépeins bien l’abîme,
Où la douce illusion
D’une aimable passion
Précipite sa victime !
Qui voudroit de la Raison
Goûter la rude leçon,
Quand ta délicate rime
Plaide pour le rendre crime
D’un sensible cœur, qu’opprime,
Dans sa prémiére saison,
La force d’un doux poison.

Dans tes Rondeaux Gaulois, les balades naïves,

Ton style aisé fait capot
L’esprit même de Marot.
A tes Idyles plaintives,
Les Nayades attentives,
Avec toi d’un tendre Amant,
Redoutent le changement.
Qui ne te croiroit Calliope,
Lorsque dans une Ode1 à nos yeux,
Ton rare esprit se dévelope,
Exacte, sublime, merveilleux.
[110] Quand tu nous dépeins la chimére
Qui mete le mal imaginaire
De pair avec les maux réels ;
Ta Lyre Philosophe efface,
Les airs dont le Chantre de Thrace2
Adoucit les mœurs des mortels.
Si tu veux, on pourra te mettre,
Avec les Doctes Sœurs, sur le double sommet ;
Mais du tendre Ovide, peut-être,
L’entretien sera mieux ton fait. ◀Citação/Divisa

Retrato alheio► Portrait de Térence

Citação/Divisa► Né dans les murs fameux de l’altiére Carthage

Térence dut sa gloire aux fers de l’Esclavage :
Et bientôt affranchi, cet illustre Africain
A sa veine asservit le superbe Romain.
Ceux qui d’un jeu de mots sont l’agrément Comique,
Ne sauroient dans ses Vers goûter le sel Attique :
Mais il est de ce sel par-tout assaisonné,
Pour qui chérit au vrai l’agréable enchaîné.
Qu’il fait bien d’un sujet saisir le caractére !
Lui-même il devient Fils, Maîtresse, Esclave, Pére ;
C’est un Pére grondeur, un Fils mal avisé,
Une Maîtresse avare, un Esclave rusé.
[111] Par l’esprit diverti dans les ames dociles
Il glisse en badinant ses maximes utiles.
Heureux ! si ses Ecrits purs, sages, châtiés,
Rouloient sur des sujets avec art variés ;
Et si trouvant son Pére, une Fille exposée
N’y démêloit toujours l’intrigue trop usée. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

Retrato alheio► Portrait de Moliére

Citação/Divisa► A Térence imité notre âge doit Moliére.

Courant de l’Hélicon l’epineuse carriére,

Il devança bientôt son Rival respecté.
Le quolibet Bourgeois, l’infame obscénité,
Avant lui de la Scéne arbitres despotiques,
S’enfuirent à l’aspect de ses Ecrits pudiques,
Il dédaigna des Sots les cris aplaudissans,
Son Théâtre devint l’Ecole du Bon-sens,
Le Vice peu touché d’être dépeint horrible,
Y fut couvert de honte en paroissant risible.
Le Jargon précieux craignit de se montrer,
Le Marquis à l’excès n’osa plus se parer.
Bientôt montrée un doigt l’orgueilleuse Pédante,
N’étala qu’en tremblant sa sottise savante.
Cotin impunément ne prôna plut ses Vers,
Le Bourgeois Gentilhomme abjura ses faux airs.
Osant braver le Ciel l’Hypocrite exécrable
De Moliére craignit la plume redoutable.
A ses traits délicats toujours surs d’atraper
Nul risible défaut n’eut l’art de s’échapper,
[112] Et la Muse Comique, au plus haut point menée
est tombée avec lui par sa chute entrainée. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

Retrato alheio► Portrait de Lucain

Citação/Divisa► Aux régles des Anciens cet Espagnol rebelle

Ouvre au Poëme Epique une route nouvelle :
Par des motifs humains le Héros dans ses Vers
Bouleverse le Monde, enchaîne l’Univers.
Sans attendre des Deux sortis d’une machine,
Par sa propre venu Caton se détermine.
Qu’Hector vil instrument, par les Dieux animé,
Terrasse de leurs mains Patrocle desarmé ;
César trouvant ses Dieux dans son propre courage,
Répand de rang en rang l’horreur & le carnage ;
Sans que Mars au combat conduise ses chevaux,
Sans que Vénus par l’air guide ses javelots,
Sa prudente valeur remporte la victoire,
Il combat en péril & triomphe avec gloire.
Lucain ose des Dieux supprimer les travaux,
Pour faire en tout leur jour paroître ses Héros :
A son stile élevé son sujet sert de guide :
Et sa Muse eût peut-être effacé l’Enéide,
Si l’Aveugle divin, par Virgile imité,
N’eût point fixé le goût du Lecteur entêté. ◀Citação/Divisa ◀Retrato alheio

Il ne me fut pas possible de choisir parmi nos Auteurs un Poёte du génie de Lucain ; ils ont tous mieux aimé mettre en jeu dans [113] leurs Poëmes Epiques, les Démons & les Anges, que de ne pas imiter les fictions d’Homére : l’embarras où me jettoit cette difficulté me donna de l’inquiétude, & cette inquiétude finit mon songe en dissipant mon sommeil. ◀Traum ◀Nível 2 ◀Nível 1

1L’Ode à de Mr. de la Rochefoucault.

2Orphée