Le Spectateur ou le Socrate moderne: LXI. Discours
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Nivel 1
LXI. Discours
Cita/Lema
Ό έλαχίστων δεόμενος
έγγιστα θεων.
Socrates apud Xenoth.
Celui qui a besoin de moins de choses approche la plus de la Divinité.Metatextualidad
La Vertu consiste à
imiter Dieu
Metatextualidad
La Vertu consiste à
imiter Dieu
Nivel 2
Les Philosophes Païens se vantoient
d’ordinaire, que leurs préceptes servoient à rendre les hommes
semblables à la Divinité. Quelque erreur qui se trouvât dans les
moïens qu’ils emploïent pour arriver à ce but, il faut avoüer
que leur dessein étoit noble & glorieux. Les plus beaux
Ouvrages de l’Invention Humaine sont d’un très-petit poids, lors
qu’on les met en balance avec ce qui sert à rafiner l’Esprit.
Longin excuse fort joliment Homere, lorsqu’il dit que ce Poëte a
fait ses Dieux semblables aux hommes, afin de rendre les hommes
semblables aux Dieux. Mais on doit convenir que plusieurs des
anciens Philosophes ont travaillé plutôt au dernier de ces deux
articles, qu’à l’autre ; ce que Ciceron auroit voulu qu’Homere
eût fait. Suivant cette maxime générale de la Philosophie,
quelques-uns d’entre eux ont tâché d’élever les hommes à ce haut
point de plaisir, ou du moins d’Indolence, en
quoi ils croient mal-à-propos que consistoit le Bonheur de
l’Etre suprême. D’un autre côté, la secte la plus vertueuse de
ces Philosophes se formoit l’idée chimérique d’un Sage, exempt
de Passions & de Douleur, capable de se rendre heureux par
lui-même, sans avoir besoin d’aucun secours étranger. Ce dernier
Caractère, dépouillé de l’éclat qui l’environne & qui frape
d’abord, se réduit à ceci, qu’un homme sage & vertueux doit
s’armer de patience, & ne céder pas facilement à la violence
des Passions & de la Douleur ; qu’il doit aprendre à étoufer
ses désirs & à les borner, pour avoir peu de besoins, &
qu’il doit nourrir dans son Ame des Vertus capables de lui
procurer toûjours de nouveaux plaisirs. Le Christianisme exige
de nous, qu’après nous être formez de Dieu la plus haute &
la meilleure idée qu’il nous est possible ; nous travaillions
ensuite à l’imiter autant que notre foiblesse nous le permet. Je
pourrois citer là-dessus quantité de passages de la sainte
Ecriture, aussi-bien que plusieurs Maximes & Sentences
morales qui se trouvent dans les Auteurs Grecs & Romains.
Cependant, je n’en produirai qu’un seul Exemple
tiré des Césars de Julien. Après que cet illustre Auteur a fait
passer en revûe, devant les Dieux, tous les Empereurs Romains,
avec Alexandre le Grand, qui disputoient entre eux de la
supériorité, il les abandonne tout d’un coup, & ne parle
plus que d’Alexandre, de Jule Cesar, d’Auguste, de Trajan, de
Marc Aurele, & de Constantin. Chacun de ces Héros de
l’Antiquité fait valoir le droit qu’il prétend avoir au plus
haut rang, & pour l’obtenir, il étalé ses actions de la
maniere la plus avantageuse qu’il peut. Mais, les Dieux, au lieu
d’être éblouis par l’éclat de leurs actions, s’informent, par la
voie de Mercure, des principes qui les ont gouvernés dans tout
le cours de leur vie, & de leurs Exploits. Alexandre leur
dit, que son but étoit de faire des Conquêtes ; Jule Cesar avouë
que le sien étoit de s’élever au plus haut dégré d’honneur qu’il
y eut dans sa Patrie ; Auguste, qu’il avoit cherché à bien
gouverner ses Etats ; Trajan, qu’il avoit eu la même ambition
qu’Alexandre. Enfin, Marc Auréle, interrogé à son tour,
répondit, avec beaucoup de modestie, qu’il avoit toujours eu
grand soin d’imiter les Dieux. Cette conduite lui gagna la
pluralité des voix, & la meilleure place dans
toute l’Assemblée. Quand on vint à lui demander en quoi il
imitoit les Dieux, il declara, que c’étoit dans l’usage de ses
Facultez intellectuelles, & que d’ailleurs il tâchoit
d’avoir aussi peu de besoins qu’il lui étoit possible, & de
faire aux autres tout le bien qu’il pouvoit. Entre les diférens
moyens que la Revélation a mis en usage pour l’avancement des
bonnes mœurs, un des principaux est, qu’elle nous donne une
juste idée de l’Etre suprême, que toutes les Créatures
raisonnables doivent imiter. Un jeune Débauché pouvoit, dans une
Comédie Païenne, justifier ses déreglemens par l’Exemple de
Jupiter ; & il n’y a presque aucun Crime, qu’on ne pût
défendre suivant les idées que le commun Peuple du Paganisme se
formoit des Dieux. La Revelation nous offre un Objet digne
d’être imité, je veux dire celui qui est le Modéle – aussi bien
que la source, de toutes les perfections spirituelles. Durant
cette vie, nous sommes exposez à un nombre infini de Tentations,
qui ne peuvent, si nous leur prêtons l’oreille, que nous
détourner du sentier de la Raison & de la Vertu, les seules
choses en quoi nous pouvons imiter le souverain Monarque de l’Univers. Mais dans le siécle à venir, il
n’y aura point d’Objet qui ne se rapporte à ses inclinations,
& qui ne soit digne de les captiver. Je poserai donc pour
Maxime, que notre Bonheur dans ce Monde vient de la suppresion
de nos desirs, & dans l’autre, de leur pleine satisfaction.