Citazione bibliografica: Anonym (Ed.): "LVII. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.6\057 (1726), pp. 352-357, edito in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1628 [consultato il: ].


Livello 1►

LVII. Discours

Citazione/Motto► Experiar, quid concedatur in illos, Quorum Flaminiâ tegitur cinis atque Latinâ.

Juv. Sat. I. 169.

Hé bien, s’il est si dangereux d’attaquer les vivans, je m’en vais remuer les cendres des morts ; nous verrons ce que l’en pourra dire d’eux. ◀Citazione/Motto

Metatestualità► Des Prétentions ridicules de certaines Gens qui aspirent aux Emplois. ◀Metatestualità

Livello 2► Après ceux qui sont reduits à solliciter quelque Emploi, il n’y a personne qui soit plus à plaindre que ceux qu’on sollicite pour l’obtenir. S’ils répondent d’une maniere positive qu’ils ne peuvent l’accorder, on les taxe d’être boufis d’orgueil ; & s’ils s’en excusent en termes [353] civils & honêtes, on veut que ce soit une promesse & un engagement.

Il n’y a rien de plus ridicule que les prétentions de ceux qui aspirent aux Emplois. Tout ce qu’un Homme a soufert, pendant que le Parti contraire au sien avoit le dessus, ne lui est sans doute arrivé que par la malice de ses Ennemis. Une mauvaise Cause n’auroit pas été perduë, si un tel Juge n’avoit pas été sur le Tribunal ; & ce jeune Debauché n’auroit pas eu le malheur d’être desherité, s’il ne s’étoit enivré tous les jours à boire la santé des Ministres d’état dépouillez de leur Charges. Je me souviens d’un Tory, qui, après avoir été condamné à une Amande, dans une Cour de Justice, pour une Fredéne qui meritoit le Pilori, prétendit, à cette occasion, meriter une place de Juge à Paix lors que ses Amis furent en crédit ; & je n’oublierai jamais un Whig, qui, sur ce qu’il fut poursuivi en Justice pour crime de Rapt, osa dire à ses Amis, Vous voïez à quoi l’on est exposé pour être fidele à ses Principes.

Il est certain que les soufrances d’un Homme qui se trouve dans un Parti sont fort équivoques. Lors qu’elles ont servi à l’avancement d’une bonne Cause, & qu’on ne les a pas méritées, il n’y a nul doute [354] qu’on ne doive y avoir égard & même les recompenser au-delà de tout autre prétention. Mais quand on se les attire par basesse ou par imprudence, & pour avoir pris des mesures qui ruinent plutôt qu’elles n’avancent l’interét qu’on a en vûe, (ce qui est presque toûjours le cas de ceux qui soufrent beaucoup) elles ne servent qu’à les recommander aux Fous & aux Violens.

J’ai entre les mains une liasse de Mémoires, presentez par divers 1 Cavaliers ensuite du retablissement du Roi Charles II, qui peuvent fournir autant d’Exemples qui conviennent à notre sujet.

Entre autres, il y en a un d’un Homme fort riche, qui, sur ce qu’il avoit fait rôtir un Bœuf entier & distribué une Barrique de Vin, à l’Anniversaire de la Naissance du Roi Charles, prioit Sa Majesté de lui vouloir donner un Emploi, tel qu’Elle jugeroit lui convenir en sa grande sagesse.

Un autre demandoit à être nommé Gouverneur du Prince Henri, parce qu’il avoit eu le courage de boire sa santé dans les tems les plus fâcheux.

Un troisiéme aspiroit à une Commission de Colonel, sur ce que, dans un Boulingrin public, il avoit maudit Olivier [355] Cromwell la veille de sa mort.

Mais le plus grotesque de tous les Placets que j’y aie trouvé est celui de B. B. Ecuïer, qui suplioit le Roi de l’honorer du titre de chevalier, pour avoir planté des cornes au Chevalier T. W. fameux entre les2 Têtes-rondes.

Un autre, qui avoit laissé croître sa barbe depuis le Martyre de Charles I. jusqu’au retablissement de Charles II, demandoit qu’on eut égard à cette longue pénitence & qu’on le fit Membre du Conseil privé.

Je ne dois pas oublier le Memoire d’un autre, qui represente, qu’il avoit porté, avec une diligence extrême, une Lettre d’un certain Seigneur à un autre Seigneur, où, comme il parut dans la suite, l’on prenoit des mesures pour le retablissement de la Famille Roïale, & sans lesquelles il croit de bonne foi que cette heureuse Revolution n’auroit jamais eu lieu : C’est pourquoi il suplie très-humblement Sa Majesté de lui accorder la place de Maître Général des Postes.

Un certain Gentilhomme, qui paroit écrire avec beaucoup de feu, & qui em-[356]ploie souvent dans sa Requête, les termes de Bravoure & d’action digne d’un Gentilhomme, demande, qu’eu égard à ses perils & à ses domages, pour avoir porté, dix années de suite, son Chapeau avec le retroussi loïal & Cavalier, il soit fait Capitaine aux Gardes.

Metatestualità► Pour finir cet Extrait, je vais donner ici une de ses Requêtes dans toute son étendue, & je prie mes Lecteurs de la regarder comme une piece fort curieuse qui merite bien leur attention. ◀Metatestualità

Livello 3► E. H. Ecuïer, remontre en toute humilité.

« Que le Colonel G. H., Oncle du Frere du Pere du Supliant, perdit le troisiéme doigt de sa main gauche à la Bataille de Edge hill.

Que le Supliant, malgrè son peu de bien, en qualité de Frere Cadet, a toujours exercé l’Hospitalité, & que tous les Dimanches de l’Année il a bû dix ou douze Razades à la confusion des Têtes-rondes, comme plusieurs Gentilshommes dignes de foi, dont les Noms se trouvent écrits ci-dessous, sont prêts à le témoigner,

Que votre dit Supliant a été cinq fois emprisonné en cinq differentes Comtez, pour avoir été le Chef de cinq diférentes [357] Seditions, ou son zele pour les interêts de la Famille Roïale l’avoit entraîné, pendant que les plus riches n’avoient pas le courage de faire le moindre soulevement.

Que ledit E. H. a soutenu six Duels & vingt & quatre Défis à coups de poing pour la défense du droit de Sa Majesté ; & qu’à l’occasion d’un Feu de joie, qui se fit à Stratford sur l’Avon, il y reçut un tel coup sur la tête, qu’il ne s’est pas trop bien porté depuis ce jour-là.

Qu’il est si éloigné d’avoir établi sa fortune, dans ces derniers tems maudits, qu’il ne doute pas, & qu’il a de bonnes raisons pour croire que, s’il avoit jouï d’un bien considerable, on n’auroit pas manqué de le piller & de mettre sa personne en sequestre.

C’est pourquoi, eu égard à ses merites & à ses soufrances, il suplie très-humblement qu’il puisse obtenir une place de Receveur des Taxes, ou de la Douane, ou de Greffier d’un Juge à Paix, ou de Sou-Gouverneur de quelque Province, ou tout autre Emploi dont il sera jugé capable.

Et ledit Supliant priera toujours Dieu &c. » ◀Livello 3 ◀Livello 2 ◀Livello 1

1C’est ainsi qu’on appelloit les Roïaliste du tems de Cromwell.

2C’est l’Ephitete que les Roïalistes, du tems de la Guerre civile & de Cromwell, donnoient aux Parlementaires, Presbyteriens, Puritains, &c.