Le Spectateur ou le Socrate moderne: LI. Discours
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LI. Discours
Zitat/Motto
Sed mihi vel tellus
optem prius ima dehiscat ;
Vel Pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras.
Pallentes ubras Erebi noctemque profundam,
Ante pudor, quam te violo, aut tua jura resolvo.
Ille meos, primus qui me sibi junxit, amores
Abstulit ille habeat secum, servetque sepulcro.
Vel Pater omnipotens adigat me fulmine ad umbras.
Pallentes ubras Erebi noctemque profundam,
Ante pudor, quam te violo, aut tua jura resolvo.
Ille meos, primus qui me sibi junxit, amores
Abstulit ille habeat secum, servetque sepulcro.
Virg. Æneid. IV. 24
O Pudeur! j’aimerois mieux que la Terre n’engloutit dans son sein, ou que Jupiter me frapât de sa foudre, & qu’il me précipitat dans le triste sejour des Ombres, plutôt que de te blesser en quelque maniere, ou de violer tes droits. Sichée, à qui j’ai été unie en premieres nôces, a enlevé toute ma tendresse : Qu’il la garde donc avec lui, & quelle demeure ensevelie dans son tombeau.
Metatextualität
Liste de plusieurs
Veuves, reduites à faire la Cérémonie du Belier noir.
Metatextualität
Liste de plusieurs
Veuves, reduites à faire la Cérémonie du Belier noir.
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Brief/Leserbrief
Mr. le Spectateur, « Il peut
vous souvenir que1je vous écrivis en dernier lieu sur une
ancienne Coûtume reçuë dans les Seigneuries de Est &
Ouest-enborne, aussi bien qu’ailleurs, & que je vous
ai parlé d’un certain Droit, qu’on appelle Free-Bench,
dont les Veuves des Fermiers y jouïssent.
Je vous dirai à présent que Mylord Coke, observe que ce
Droit est fondé sur un Titre le plus litigieux & le
plus facile à perdre qu’il y ait dans toute
l’Angleterre. Ce n’est pas tout, suivant la promesse que
je vous fis alors, j’ai examiné, avec des soins &
des peines incroїables, divers Regîtres, où il est parlé
de cette Coûtume & du Belier noir. Enfin j’y ai
trouvé les Procedures de la Cour fonciere, qui se tint,
à cette occasion, l’espace d’un jour entier. Il y est
dit qu’un vieux Receveur, qui étoit un fin Matois, après
une recherche exacte & rigoureuse des Titres, en
vertu desquels les Fermiers possedoient leurs Terres,
trouva, qu’elles étoient presque toutes confiscables au
Seigneur, par la faute de leurs Veuves, & qu’il
vouloit d’abord s’en mettre en possession ; mais que ces
bonnes Femmes demanderent là-dessus le Benefice du
Bélier. Aussitôt que le Receveur eut examiné leurs
raisons, il ajourna la Cour jusques à la S. Barnabé2, afin
que le jour ne leur manquât pas pour faire la Cérémonie.
Allgemeine Erzählung
La Cour s’étant donc
rassemblée, au milieu d’une grande
foule de gens qui étoient venus de tous côtez pour
voir la solemnité, la premiere qui entra fut la
Veuve Le Hardy, qui avoit comparu à la Cavalcade de
l’année précedente. Le Regître observe que, sur ce
qu’elle trouva que le Bélier alloit bien lamble,
& qu’elle pourroit en avoir besoin dans la
suite, elle l’acheta du Receveur. Mlle Sara Frian,
Veuve de Mr Jean Frian, & la plus grande Prude
de toute la Paroisse, vint ensuite. Elle fit d’abord
quelque difficulté de prendre la queuë du Bélier en
sa main, & l’on s’aperçut qu’en recitant le
Formulaire de l’Aveu qui leur est imposé, elle en
adoucissoit les deux mots les plus emphatiques,
& qu’au lieu de dire Crincum Crancum, elle
prononçoit Clincum Clancum ; Mais le Receveur eut
soin de la faire parler bon Anglois, avant que de
lui rendre ses Terres. La troisiéme Veuve qui subit
cette infame revûë, montée sur un Bélier vicieux,
eut le malheur d’être jettée par terre, & crut
aussitôt qu’elle seroit dispensée du reste de la
Cérémonie ; Mais le Receveur, bien instruit de la
Loi, observa très sagement là-dessus, que, lors que
la Corde d’un Pendu vient à se rompre,
cela n’empêche pas l’execution du Criminel. La
quatriéme Dame specifiée dans le Regître étoit la
Veuve De Lorgne fameuse Coquette, qui après avoir
tenu en suspens une douzaine de jeunes Gaillards
l’espace de deux années, & donné plus de marques
de sa faveur à son Chattier Jean, fut introduite au
bruit des Huzzas de tous ceux qui l’avoient aimée
autrefois & qui l’environnoient. Mlle Zibelin,
revêtuë de son grand Deuil, qui paroissoit fort
propre & tout neuf, de la même couleur que celle
de son Bizarre Palefroi, fit une figure très-décente
dans la solemnité de ce jour. Une autre, qui avoit
été sommée de comparoitre, fut excusée par le
Receveur, qui n’ignoroit pas que Mr l’Ecuїer,
Seigneur du Fief, l’avoit duëment qualifiée &
mise en état de se présenter à califourchon sur le
Bélier noir. Mlle Surfin, qui ne pouvoit rien
objecter contre la Citation, s’excusa sur sa
grossesse. Mais on se rapella qu’elle avoit allegué
la même excuse l’année precedente. Là-dessus le
Receveur observa, qu’elle pourroit toûjours ajuster
ses flutes d’une telle maniere, qu’elle ne seroit jamais en état de satisfaire aux
devoirs requis de la Seigneurie. La Veuve Fretille
insista, en présence de la Cour, sur ce qu’elle
n’avoit rien fait depuis la Mort de son Mari,
qu’elle n’eut toûjours fait de son vivant ; &
pria d’ailleurs Mr le Receveur de considerer le cas
de sa propre Femme, s’il venoit à mourir avant elle.
Celle qui vint ensuite étoit d’une corpulence si
afreuse, qu’elle auroit bien voulu s’exempter de la
Céremonie, sous prétexte qu’il n’y avoit aucun
Bélier qui eût la force de la porter : Ainsi le
Receveur commua la peine, ou plutôt la Monture,
& ordonna qu’elle feroit son entrée sur un
Taureau noir. La Veuve Masclari, qui avoit toûjours
eu la reputation d’une Dame très-vertueuse, n’eut
pas plutôt chassé, par une boutade, sa vieille Femme
de Chambre, que cette Créature vindicative la fit
monter, neuf fois le même jour sur le Bélier noir.
Plusieurs Veuves du voisinage, qu’on avoit citées
pour subir l’Examen, firent voir qu’elles ne
relevoient pas de la Seigneurie : de sorte qu’on les
mit hors de Cour & de Procès. Une jeune &
belle Créature, qui seroit la file,
entra d’un air si charmant, que le Receveur en parut
touché, & qu’il l’épousa un mois après la mort
de sa Femme. Mlle de Boispourri comparut suivant la
Citation ; mais on ne mit rien à sa charge ; parce
qu’elle avoit toujours vécu d’une maniere
irreprochable depuis la mort de son Mari qui la
laissa Veuve lorsqu’elle étoit âgée de soixante-neuf
ans. Je suis &c. »