Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "XLVIII. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.6\048 (1726), S. 304-308, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1618 [consultado em: ].


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XLVIII. Discours

Citação/Divisa► Neque enim concludere versum
Dixeris esse satis : neque, si quis scribat, uti nos,
Sermoni propiora, putes hunc esse Poetam.

Hor. L. I. Sat. I. V. 40.

Il ne sufit pas pour être Poëte, de savoir joindre ensemble des Dactiles & des Spondées qui fassent six piez ; & qui n’écrira comme moi, que d’une manière approchante de la prose, ne sera pas Poëte pour cela. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Sur l’Art d’ecrire des Lettres en Vers ◀Metatextualidade

Nível 2► Nível 3► Carta/Carta ao editor► Mr. le Spectateur

« Les deux Lettres que vous venez de publier, écrites d’un stile bien diférent l’un de l’autre, me fournissent l’occasion de vous offrir quelque Remarques sur l’art d’écrire des Lettres en Vers. C’est une sorte de Poësie à part, & dont je ne crois pas qu’aucun de tous les Arts Poëtiques qui me sont tombez entre les mains ait jamais dit un seul mot : On peut dire même qu’il n’y a point eu de siécle ni de Nation, où elle ait été aussi cultivée que les autres genres de Poësie. Un Homme qui a du Génie peut, s’il lui plait, écrire des Lettres en Vers sur tou-[305]te sorte de Sujets, capables d’embelissement soit par les traits d’Esprit ou la beauté du Langage, & les rendre agréables au goût de tout le monde par le nouveau tour qu’il leur donne. Mais lors que je parle ici de la Poësie Epistolaire, je ne l’entends que de ces Ecrits qui ont été en usage parmi les Anciens, & que quelques Modernes ont voulu imiter. On peut reduire cette sorte d’Ecrits à deux Classes : Je mets dans l’une les Epîtres Amoureuse, celles qui regardent l’Amitié & celles qui roulent sur des Sujets tristes & lamentables : Je place dans l’autre celles que l’on peut apeller Familieres, Critiques & Morales ; ausquelles <sic> on peut joindre celles où régnent l’Esprit & l’enjouement. Ovide à l’égard des premieres, & Horace à l’égard des autres sont les meilleurs Originaux qui nous restent.

II faut que celui qui cherche à réussir dans la maniere d’Ovide examine d’abord son cœur, pour voir si les Passions qui l’animent, sur tout celles qui sont de la trempe la plus douce, jouent à leur aise & avec quelque espéce de regularité puis que ce n’est pas son Esprit, mais la tendresse & la délicatesse de ses sentimens, qui doit fraper ses Lecteurs. Sa Verifica-[306]tion doit être aussi douce & naturelle, & tous ses Nombres coulans & harmonieux.

Les qualitez requises pour écrire des Epîtres, suivant le Modéle qu’Horage <sic> nous en donne, sont d’une toute autre nature. Celui qui voudroit exceller en ce genre doit avoir un grand fond de bon-Sens mâle & vigoureux : Il doit y joindre une profonde connoissance des Hommes, aussi bien que des affaires de son Siécle & des Mœurs qui y regnent. Il faut qu’il ait l’Esprit muni des plus beaux Préceptes de la Morale, & plein de pensées delicates sur les endroits lumineux & obscurs de la Vie Humaine : Il doit posseder la Raillerie la plus fine, & entendre les délicatesses, aussi bien que les absurditez de la Conversation. Il doit avoir un tour d’Esprit vif, avec une maniere aisée & concise de s’exprimer. Il ne doit rien dire qui sente l’air d’un Reclus ; mais il doit paroître en tout un Homme du Monde, qui respire un air libre & dégagé. Ses Illustrations, ses Comparaisons & la plûpart de ses Images doivent être prises du train ordinaire de la Vie. Des traits de Satire & de Critique, de même que des Eloges, mêlez, pour ainsi dire, en passant, & d’une maniere judicieuse, animent & ornent beaucoup les Piéces de cette na-[307]ture. Mais que notre Poëte, qui écrit des Epîtres, se souvienne toujours, quelques familieres qu’elles soient, qu’il écrit en Vers & que par conséquent, il doit prendre bien garde à ne pas tomber dans la Prose, ni dans la Diction vulgaire, à moins que la nature du sujet ne l’exige de toute nécessité. Quelques Critiques prétendent qu’Horace s’est un peu relâché à cet égard, & qu’il a trop négligé sa Versification; ce qu’il semble avoir reconnu lui-même.

Tout ce que j’ajouterai ici est, que ces deux diferentes manieres d’écrire des Lettres, si des Personnes douées des qualitez requises s’en mêlent, peuvent être aussi agréables, chacune en son espece, qu’aucune autre sorte de Poësie ; & que la derniere bien ménagée peut devenir fort instructive. Je suis &c. » ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3

J’accompagnerai d’une ou deux Observations celles de mon ingenieux Correspondant, & je remarquerai d’abord que les Sujets les plus sublimes peuvent se traiter avec avantage en forme Epistolaire, comme dans la fameuse Epître d’Horace à Auguste. Le Poëte nous surprend par son Stile pompeux, & il semble que le hasard lui a plutôt fourni son sujet, qu’aucun dessein prémedité. II paroît, comme [308] un Roy qui voïage incognito, avec un mélange de familiarité & de grandeur. Lors que la dignité du Sujet entraîne le Poëte à faire des Descriptions ou à marquer des Sentimens, vous diriez que tout cela naît de soi-même, & qu’il est animé d’une espéce d’Enthousiasme ; il en revient ensuite & il retombe de bonne grace dans le stile naturel d’une Lettre.

Metatextualidade► Je pourrois parler ici du Poëme Epistolaire que Mr. Eusden vient de publier sur l’avenement du Roy à la Couronne, où, entre plusieurs beaux traits de Poësie, on peut voir cette Regle heureusement observée. ◀Metatextualidade ◀Nível 2 ◀Nível 1