Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "XXXVIII. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.6\038 (1726), S. 243-250, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1602 [consultado em: ].


Nível 1►

XXXVIII. Discours

Citação/Divisa► Dicite Io Pæan, & Io bis dicite Pæan : Decidit in casses præda petita meos.

Ovid. Art. Amat. L. II.

Courage, mes Amis, rejouїssez-vous avec moi ; la proye que j’avois si long-temps poursuivie, est enfin tombée dans mes filets. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Lettre sur les qualités nécessaires pour rendre un Mariage heureux. ◀Metatextualidade

Nível 2► Nível 3► Carta/Carta ao editor► Mr. le Spectateur,

« Puisque vous avez publié en dernier lieu mon Raport sur le Cas de Mlle Fanchon de S. Leger, où j’ai observé, que l’Amour vient aprés le Mariage ; je me flate que vos Lecteurs seront convaincus de cette Verité, que, si l’Amour produit d’ordinaire le Mariage, il arrive souvent que le Mariage produit l’Amour.

Peut-être faut-il plus de Vertus pour faire un bon Mari ou une bonne Femme, que n’en demande le Caractére le plus distingué & le plus brillant qu’il y ait au Monde.

Il semble que la Prudence y est d’une absolue necessité ; Aussi voit-on que les meilleurs Maris ont toujours été les plus renommez pour cette Vertu, Homere, qui nous a tracé, en la personne d’Ulysse, le parfait Modéle d’un Homme prudent, [244] afin qu’il n’y manquât rien le louë de sa constante fidélité à l’égard de sa chere Penelope. Ce Heros la poussa même si loin qu’il rejetta les embrassement d’une Déesse, & que, pour me servir de l’expression du meilleur de tous les Auteurs Payens, 1 il préfera sa Vieille à l’Immortalité.

La Vertu est un autre ingrédient nécessaire pour rendre le Mariage heureux, en ce qu’elle produit anturellement la constance & l’estime entre les deux personnes interressées. C’est ainsi que Brutus & Porcia se distinguérent, de tous ceux qui vivoient de leur tems, par leur vertu & leur afection mutuelle.

Le bon Naturel n’est pas moins requis dans l’état du Mariage ; puisque sans cela il y a mille occasions qui peuvent [245] le rendre amer. Lorsque la grandeur d’Ame est jointe à cette aimable qualité, elle attire l’admiration & l’estime de tout le monde. C’est ainsi que Cesar, qui n’étoit pas moins remarquable par sa haute fortune & sa valeur, que par son humanité, gagna les cœurs du Peuple Romain, lorsque, malgré la coutume opposée, il prononça l’Oraison funébre de sa premiere & plus chere Femme.

Le bon Naturel ne sufiroit pas, s’il n’étoit constant & uniforme, soutenu d’une humeur toujours égale, qui ne doit jamais se perdre dans une Amitié contracté pour toute la Vie. Il faut qu’un Homme soit en paix avec lui-même, avant qu’il le puisse être avec sa chere Moitié. Socrate & Marc-Aurelle, qui, par la force de la Philosophie, avoient domté leurs passions & calmé leurs Esprits, sont renommez pour avoir été de bons Maris, quoique le premier fût uni avec Xantippe, & l’autre avec Faustine. Si l’Epoux & l’Epousse vouloient s’accoûtumer la premiere année de leur Mariage à supporter leurs défauts mutuels, ils seroient presque arrivez au but, & ils pourroient vivre heureux le reste le leurs jours. Cette douceur, cette complaisance reciproque étoit finement [246] insinué dans les Cerémonies que les Paїens observoient à leurs Nôces & dans les Sacrifices qu’ils offroient alors à Junon, en ce qu’ils arrachoient le Fiel des Victimes, & qu’ils le jettoient derriere l’Autel.

Pour conclusion, je vais citer un Passage de l’Histoire naturelle du Comté de Stafford, que le Dr. Plott a publiée. Outre qu’il ne quadre pas mal au sujet, il servira non seulement à remplir votre Feuille volante ; mais peut-être même qu’il me donnera occasion, si le cœur m’en dit, de vous en fournir un autre ; puisque j’ai par devers moi un ancien Regître du Lieu marqué ci-dessous.

Nível 4► Le Chevalier Philippe de Somervile tenoit en Fief, des Comtes de Lancastre, les Seigneuries de Whichenovre, de Scirescot, de Ridware, de Neherton & de Cowlee toutes dans le Comté de Stafford, sous une redevance mémorable & qui est exprimé en ces termes : Ledit Cevalier Philippe aura, tiendra & conserva une Flëche de Lard, penduë dans la grande Salle de Whichenovre, prête & en bon état dans toutes les saisons de l’Année, excepté en Carême, pour être donné à tout Homme ou à toute Femme mariée, au bout d’un An & d’un Jour après leur Mariage, de la maniere suivante.

[247] Toutes les fois qu’un tel Homme viendra en personne demander le Lard, il s’adressera au Receveur ou au Concierge de la Seigneurie de Whichenovre, & lui parlera en ces termes :

Receveur, ou Concierge, je vous signifie que je suis venu pour moi-même demander une Fleche de lard, pendue dans la Salle du Seigneur de Whichenovre, suivant la forme requise.

Ce raport ouї, le Receveur ou le Concierge lui assignera un Jour, auquel il promettra sur sa foi de revenir & d’amener avec lui deux de ses Voisins : Cependant ledit Receveur prendra avec lui deux de ceux qui ont de francs Fiefs dans la Seigneurie de Whichenovre, & ils iront tout trois à la Seigneurie de Rudlow, qui appartient à Robert Knightleye, & y sommeront ledit Knightleye, ou son Receveur, de se rendre à Whichenovre au Jours assigné, dés la pointe du jour, avec sa Voiture, c’est-à-dire un Cheval & une Selle, un Sac & une Pique, pour transporter, à ses fraix & dépens, ladite Fléche de Lard, avec le Blé qu’on y doit joindre, hors du Comté de Staffort. Ensuite ledit Receveur & les deux possesseurs de francs Fiefs sommeront tout les Fermiers de ladite Seigneurie de se trouver au jour marqué à Whichenovre, pour [248] s’y acquiter du service qu’ils doivent à la Flêche de Lard. Ce jour venu, tous les interessez se rendront au Portail de la Seigneurie de Whichenovre, où, depuis le lever du Soleil jusques à Midi, ils attendront celui qui doit avoir le Lard. Après son arrivée, on distribuera des Guirlandes à tous ceux qui doivent être de la Cérémonie, & on le conduira, au son des Trompetes, des Tabourins & autres Instrumens, jusques à la porte de la Salle, où il trouvera le Seigneur de Whichenovre, ou son Maître d’Hôtel, prêt à délivrer la Flêche de Lard en la maniere qui suit.

Il s’informera de celui qui la demande, s’il a amené avec lui deux de ses Voisins ; à quoi le Demandeur repondra, Les voici tout prêts. Là-dessus le Maître d’Hôtel fera prêter serment à ces deux Hommes qu’ils diront la verité sur ces trois points, savoir, Si le Demandeur est marié, ou s’il l’a ètè ; si depuis son Mariage il s’est écoulé une Année & un jour ; enfin, s’il est de condition libre ou servile ? S’ils jurent pour l’affirmative, alors on dépendra la Flêche de Lard, qui sera mise, à la porte de la Salle, sur un Demi-Sétier de Froment & autant de Seigle. Ensuite le Demandeur se mettra à genoux, avec sa main droite sur un Livre posé sur le Lard & le Grain, & jurera en ces termes :

[249] Nível 5► Diálogo► « Sâchez, Mr. le Chevalier Philippe de Somervile, Seigneur de Whichenovre, qui êtes le Donateur de ce Lard, que moi depuis que j’ai épousé . pour ma Femme, que je l’ai eu en ma garde & à ma volonté, pendant une Année & un Jour après notre Mariage, je n’aurois pas voulu la troquer pour une autre plus jolie ni plus laide, plus riche ni plus pauvre ; non pas même pour une de plus haute naissance, soit endormie ou éveillée, ni en aucun temps ; & que si ladite B. & moi étions seuls au Monde, je la prendrois pour ma Femme préferablemcnt à toutes les autres, de quelque condition qu’elles fussent, bonnes ou mauvaises. Ainsi Dieu m’aide & tous les Saints, cette Flêche de Lard & toutes les autres. » ◀Diálogo ◀Nível 5

Ses deux Voisins jureront aussi qu’ils croient de bonne foi qu’il a dit la verité. D’ailleurs, si par leur temoignage il se trouve que l’Homme ci-dessus nommé est de condition libre, on lui donnera un Demi-Sétier de Froment avec un Fromage ; mais s’il est de condition Servile, il n’aura qu’un Demi-Sétier de Seigle sans Fromage. Alors Knightleye, Seigneur de Rudlow, sera appellé pour transporter toutes les choses susdites ; ledit Grain sera mis sur un Cheval & ledit Lard au-dessus ; celui à qui le Lard [250] appartient monter sur son Cheval, s’il en a un, & prendra le Fromage devant lui ; mais s’il n’en a point, le Seigneur de Whichenovre lui en fournira un avec une Selle, jusqu’a ce qu’il soit hors de sa Terre : C’est ainsi qu’ils partiront de Whichenovre, avec le Grain & le Lard, qui passeront devant celui qui les a gagnez, au son des Trompettes, des Tabourins, & autres Instrumens de Musique. Tous les Fermiers de Whichenovre l’accompagneront jusqu’à ce qu’il soit hors des limites de ladite Seigneurie, & ils reviendront ensuite, à la reserve de celui qui doit faire le transport & le voїage hors du Comté de Stafford, aux dépens de son Seigneur de Whichenovre. ◀Nível 4 ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1

1Vetulam Suampratulit Immortalitati. Je ne sai d’où l’Auteur Anglois a tiré ces mots, ni qui est ce fameux Paїen, auquel il donne un si grand éloge. Mais s’il veut indiquer par-là Ciceron, comme il me le semble, il pourroit bien avoir fait une petite équivoque, & avoir mis Vetulam au lieu d’Ithacam. Voici du moins de quelle maniere Ciceron s’exprime Lib. II. de Legib. C. I. à la fin : Si quidem etiamille sapientissimus Vir, Ithacam ut videret immortal itatem scribitur repudiasse. L’Orateur fait sans doute allusion à ce qu’Homere en dit dans le I. Liv. de l’Odysée, & c’est à quoi l’Auteur Anglois auroit pû s’entenir.