Ovid. Art. Amat. L. II.
Courage, mes Amis, rejouїssez-vous avec moi ;
la proye que j’avois si long-temps poursuivie, est enfin tombée dans
mes filets.
Spectateur,
« Puisque vous avez publié en dernier lieu mon Raport sur le Cas de
Mlle
Peut-être faut-il plus de Vertus pour faire un bon Mari ou une bonne Femme, que n’en demande le Caractére le plus distingué & le plus brillant qu’il y ait au Monde.
Il semble que la Prudence y est d’une absolue necessité ; Aussi
voit-on que les meilleurs Maris ont toujours été les plus renommez
pour cette Vertu, Vetulam Suampratulit Immortalitati.
Je ne sai d’où l’Auteur Anglois a
tiré ces mots, ni qui est ce fameux Paїen, auquel il donne
un si grand éloge. Mais s’il veut indiquer par-là Ciceron, comme il me le semble, il
pourroit bien avoir fait une petite équivoque, & avoir
mis Vetulam au lieu d’Ithacam. Voici du moins de quelle
maniere Lib. II. de
Legib. C. I. à la fin : Si quidem etiamille sapientissimus
Vir, Ithacam ut videret immortal
itatem scribitur repudiasse. L’Orateur fait sans
doute allusion à ce qu’Homere en
dit dans le I. Liv. de l’Odysée,
& c’est à quoi l’Auteur Anglois
auroit pû s’entenir.il préfera
sa Vieille à l’Immortalité.
La Vertu est un autre ingrédient nécessaire pour rendre le Mariage
heureux, en ce qu’elle produit anturellement la constance &
l’estime entre les deux personnes interressées. C’est ainsi que Brutus & Porcia se distinguérent, de tous ceux qui vivoient de leur
tems, par leur vertu & leur afection mutuelle.
Le bon Naturel n’est pas moins requis dans l’état du Mariage ;
puisque sans cela il y a mille occasions qui peuvent Romain, lorsque, malgré la coutume opposée, il prononça
l’Oraison funébre de sa premiere & plus chere Femme.
Le bon Naturel ne sufiroit pas, s’il n’étoit constant & uniforme,
soutenu d’une humeur toujours égale, qui ne doit jamais se perdre
dans une Amitié contracté pour toute la Vie. Il faut qu’un Homme
soit en paix avec lui-même, avant qu’il le puisse être avec sa chere
Moitié.
Pour conclusion, je vais citer un Passage de
Lancastre, les Seigneuries de Whichenovre, de Scirescot, de Ridware, de Neherton & de Cowlee toutes dans le Comté de Stafford, sous une redevance mémorable & qui est
exprimé en ces termes : Ledit Cevalier Philippe aura, tiendra & conserva une Flëche de Lard,
penduë dans la grande Salle de Whichenovre,
prête & en bon état dans toutes les saisons de l’Année, excepté
en Carême, pour être donné à tout Homme ou à toute Femme mariée, au
bout d’un An & d’un Jour après leur Mariage, de la maniere
suivante.
Whichenovre, & lui parlera
en ces termes :
Receveur, ou Concierge, je vous signifie que je suis venu pour
moi-même demander une Fleche de lard, pendue dans la Salle du
Seigneur de Whichenovre, suivant la forme
requise.
Ce raport ouї, le Receveur ou le Concierge lui assignera un Jour,
auquel il promettra sur sa foi de revenir & d’amener avec lui
deux de ses Voisins : Cependant ledit Receveur prendra avec lui deux
de ceux qui ont de francs Fiefs dans la Seigneurie de Whichenovre, & ils iront tout trois à la
Seigneurie de Rudlow, qui appartient à
Knightleye, ou son Receveur, de se
rendre à Whichenovre au Jours assigné, dés la
pointe du jour, avec sa Voiture, c’est-à-dire un Cheval & une
Selle, un Sac & une Pique, pour transporter, à ses fraix &
dépens, ladite Fléche de Lard, avec le Blé qu’on y doit joindre,
hors du Comté de Staffort. Ensuite ledit
Receveur & les deux possesseurs de francs Fiefs sommeront tout
les Fermiers de ladite Seigneurie de se trouver au jour marqué à Whichenovre, pour Whichenovre, où, depuis le lever du Soleil
jusques à Midi, ils attendront celui qui doit avoir le Lard. Après
son arrivée, on distribuera des Guirlandes à tous ceux qui doivent
être de la Cérémonie, & on le conduira, au son des Trompetes,
des Tabourins & autres Instrumens, jusques à la porte de la
Salle, où il trouvera le Seigneur de Whichenovre, ou son Maître d’Hôtel, prêt à délivrer la
Flêche de Lard en la maniere qui suit.
Il s’informera de celui qui la demande, s’il a amené avec lui deux de
ses Voisins ; à quoi le Demandeur repondra, Les
voici tout prêts. Là-dessus le Maître d’Hôtel fera prêter
serment à ces deux Hommes qu’ils diront la verité sur ces trois
points, savoir, Si le Demandeur est marié, ou s’il l’a ètè ; si
depuis son Mariage il s’est écoulé une Année & un jour ; enfin,
s’il est de condition libre ou servile ? S’ils jurent pour
l’affirmative, alors on dépendra la Flêche de Lard, qui sera mise, à
la porte de la Salle, sur un Demi-Sétier de Froment & autant de
Seigle. Ensuite le Demandeur se mettra à genoux, avec sa main droite
sur un Livre posé sur le Lard & le Grain, & jurera en ces
termes :
Philippe de Somervile, Seigneur de Whichenovre, qui êtes le Donateur de ce Lard,
que moi A depuis que j’ai épousé B. pour ma Femme, que je l’ai eu en ma garde
& à ma volonté, pendant une Année & un Jour après notre
Mariage, je n’aurois pas voulu la troquer pour une autre plus jolie
ni plus laide, plus riche ni plus pauvre ; non pas même pour une de
plus haute naissance, soit endormie ou éveillée, ni en aucun temps ;
& que si ladite B. & moi étions seuls au Monde, je la
prendrois pour ma Femme préferablemcnt à toutes les autres, de
quelque condition qu’elles fussent, bonnes ou mauvaises. Ainsi Dieu
m’aide & tous les Saints, cette Flêche de Lard & toutes les
autres. »
Ses deux Voisins jureront aussi qu’ils croient de bonne foi qu’il a
dit la verité. D’ailleurs, si par leur temoignage il se trouve que
l’Homme ci-dessus nommé est de condition libre, on lui donnera un
Demi-Sétier de Froment avec un Fromage ; mais s’il est de condition
Servile, il n’aura qu’un Demi-Sétier de Seigle sans Fromage. Alors
Knightleye, Seigneur de Rudlow, sera appellé pour transporter toutes
les choses susdites ; ledit Grain sera mis sur un Cheval & ledit
Lard au-dessus ; celui à qui le Lard Whichenovre lui en fournira un avec une Selle, jusqu’a ce
qu’il soit hors de sa Terre : C’est ainsi qu’ils partiront de Whichenovre, avec le Grain & le Lard, qui
passeront devant celui qui les a gagnez, au son des Trompettes, des
Tabourins, & autres Instrumens de Musique. Tous les Fermiers de
Whichenovre l’accompagneront jusqu’à ce
qu’il soit hors des limites de ladite Seigneurie, & ils
reviendront ensuite, à la reserve de celui qui doit faire le
transport & le voїage hors du Comté de Stafford, aux dépens de son Seigneur de Whichenovre.