Le Spectateur ou le Socrate moderne: XXXVI. Discours
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Livello 1
XXXVI. Discours
Citazione/Motto
Exuerint sylvestrem
animum: cultuque frequenti,
In quascumque voces artes, haud tarda sequentur.
In quascumque voces artes, haud tarda sequentur.
Virg. Georg. L. II. 51.
Si vous les cultivez avec beaucoup de soin, ils se dépouilleront de leur naturel sauvage, & ils prendront toutes les figures que vous voudrez leur donner.Livello 2
Metatestualità
Après avoir lû la Lettre suivante
& vû qu’elle rouloit sur le chapitre de l’Amour, je la
donnai à l’habile Casuiste, que j’ai retenu à mon service
pour travailler à des Speculations de cette nature. Il me la
renvoia le lendemain avec ses Remarques, dont
j’entretiendrai aujourd’hui le Public.
Metatestualità
Lettre de Mlle de
S. Leger sur le Caractere de ses deux Amans. avec les
reflexions d’un Casuiste en fait d’Amour.
Metatestualità
Lettre de Mlle de
S. Leger sur le Caractere de ses deux Amans. avec les
reflexions d’un Casuiste en fait d’Amour.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Mr. le Spectateur, « Sur ce
que j’ai appris que vous avez à votre service une
Personne très-utile, & qui se qualifie de Casuiste
en fait d’Amour, je m’adresse à vous dans le cruel
embarras où je me trouve, & qui m’alambique la
cervelle depuis quelques mois. J’ai deux Amans qui sont
mes très-humbles Seviteurs, dont l’un m’est assez
Indiférent, quoi que je n’aie aucune
aversion pour lui, & dont l’autre me tient fort au
cœur. Le premier passe pour être un Homme de bon sens,
& du nombre de ceux à qui votre Sexe accorde son
estime. L’autre qui a le bonheur de me plaire est traité
de Fat par les Hommes ; mais il est le favori des Dames.
Si j’épouse l’Homme de merite, ainsi qu’on 1’apelle,
j’obligerai mes Parens & je m’en trouverai mieux a
l’egard de la fortune ; mais avec mon cher Galant, je me
flate de me rendre heureuse, quoi que sans aucun
Douaire. Je voudrois donc vous demander là-dessus, si je
dois consentir à passer ma vie avec un Homme auquel je
ne puis rien objecter, ou avec celui contre qui toutes
les objections me paroissent frivoles. Je suis
determinée à suivre l’Avis de votre Casuiste, &
j’ose esperer que, dans une affaire aussi serieuse que
celle du mariage, il ne voudroit pas m’y engager contre
mon inclination. Je suis &c. » Sanchon de S. Leger.
P. S. Au reste j’oubliois de vous dire que mon beau
Monsieur est le plus complaisant de tous les Hommes,
& qu’il est toûjours de mon avis; au lieu que
l’autre s’imagine avoir autant d’esprit que
moi, qu’il ne caresse jamais mon petit Chien de
Boulogne, & qu’il a même l’insolence de me
contredire lors qu’il croit que j’ai tort. Il y a
environ une demi-heure qu’il a soutenu en ma presence,
qu’une Mouche sur le visage est une marque infaillible
d’un bouton. »
Livello 3
Racconto generale
1Ce grand
Monarque, qui est si fameux dans notre Histoire, fit un
voїage à travers son Roïaume, & devint amoureux de
la Fille d’un certain Duc, qui passoit pour la plus
grande Beauté du siécle, & qui demeuroit près de
Winchester. Sa passion & ses importunitez auprès de
la Duchesse furent si vives, qu’elle lui promit de lui
amener sa Fille, d’abord qu’il seroit couché, quoi
qu’elle detestât dans le fond de son ame une action si
criminelle. Dès que la nuit fut venue, elle prit une de
ses Demoiselles, & la fit glisser dans la chambre du
Roi. Cette jeune Fille n’étoit pas desagréable & ne
manquoit pas d’adresse pour se prévaloir de cette
occasion, & s’en servir a l’établissement de sa
fortune. En effet elle plut tant au Roi que, lors
qu’elle témoigna quelque envie de se retirer avant le
jour, il ne voulut jamais le permettre. De sorte que
reduite à la necessité de se decouvrir, elle s’y prit
d’une maniere si jolie, que le Roi en fut charmé, qu’il
la mena avec lui, qu’il la combla de biens, qu’il en fit
son premier Ministre d’Etat, & qui lui fut toûjours
fidele, sans avoir aucune autre Maitresse, jusqu’a ce
qu’il epousa la belle Elfride.
1Voїez ce que Mr. de Rapin en dit dans son Hist. D’Angleterre, Tome I. page 362.