Le Spectateur ou le Socrate moderne: XXVII. Discours
Permalink: https://gams.uni-graz.at/o:mws.2886
Niveau 1
XXVII. Discours.
Citation/Devise
Absentem qui rodit
amicum ;
Qui non defendit alio culpante ; solutos
Qui captat risus hominum, famàmque dicacis ;
Fingere qui non visa potest ; commissa tacete
Qui nequit ; hic niger est, hunc, tu Romane, caveto.
Qui non defendit alio culpante ; solutos
Qui captat risus hominum, famàmque dicacis ;
Fingere qui non visa potest ; commissa tacete
Qui nequit ; hic niger est, hunc, tu Romane, caveto.
Hor. Lib. I. Sat. IV. 81.
Quiconque dechire un ami en son absence, qui ne prend pas son parti quand on l’attaque, qui n’épargne personne ; qui veut se mettre sur le pié de diseur de bon mots ; qui est capable d’inventer mille faussetez ; enfin, qui ne peut garder un secret : voilà, Romains, ce qui s’apelle un très-malhonête homme, voilà celui de qui vous devez vous défier.
Metatextualité
Sur la Medisance, &
les moïens de s’en corriger.
Metatextualité
Sur la Medisance, &
les moïens de s’en corriger.
Niveau 2
Si l’on mettoit ensemble tous les
chagrins de la vie, on trouveroit que la plûpart viennent de ces
Calomnies & de ces faux raports que nous semons les uns
contre les autres. A peine y a-t-il un seul Homme
qui ne soit coupable, à quelque égard, de ce Vice ; quoi qu’il
faut avouer en même tems que, de quelque maniere que nous en
usions les uns envers les autres, nous nous acordons tous à
blâmer les Médisans & les Calomniateurs de profession. On
peut dire en general que ce Défaut naît d’une espece de haine
qu’on porte au Genre Humain, de l’envie qu’on a de s’aquerir de
l’estime, de passer pour spirituels, de paroitre savoir tous les
secrets des autres, ou de complaire à ceux qui ont ce malheureux
penchant & avec lesquels on est en societé. Celui qui publie
des choses scandaleuses est plus ou moins odieux au Monde, &
criminel en lui-même, à proportion qu’il y a quelque’un ou
plusieurs de ces motifs qui l’animent. Mais, quelque occasion
qu’il ait à répandre ces faux bruits, il doit considerer qu’ils
sont également préjudiciables & pernicieux à celui sur
lequel ils tombent. L’Injure est toûjours la même, quoi que le
Principe d’où elle vient puisse être diférent. Comme chacun
n’est que trop porté à l’indulgence, lors qu’il juge de ses
pensées ou de ses actions, & comme il y en a très-peu qui
voulussent paroître coupables de ce défaut, que tout le monde
condamne & qui malgrè cela est fort en vogue,
je vai poser ici trois Regles, par lesquelles je souhaite que
chacun examine & sonde son coeur, avant qu’il vienne à
decider qu’il en est exemt. Ce sont là les
diférens degrez par lesquels ce Vice monte & s’éleve jusqu’à
la Calomnie & à l’Imposture. En premier lieu, celui qui
prend plaisir à entendre dire du mal des autres fait voir par-là
qu’il a le veritable goût de ce qui est scandaleux, & par
consequent qu’il a en lui-même les semences du Vice dont il
s’agit. S’il est charmé à l’oüie du mal qu’on dit des autres, il
trouvera le même plaisir à le debiter, & il sera d’autant
plus disposé à faire cette démarche, qu’il s’imaginera
naturellement que tous ceux avec lesquels il converse goûtent la
même satisfaction que lui. Il faudroit donc que
chacun travaillât à bannir de son esprit cette criminelle
curiosité, qui s’entretient & s’enflamme toûjours à l’ouie
des secrets qui tendent à flétrir la reputation des autres. En
deuxiéme lieu, chacun devroit examiner son cœur, pour voir s’il
n’est pas trop crédule à l’égard de ces raports, & s’il ne
panche pas plûtôt vers le côté malin que vers le charitable. Une
pareille credulité est fort vicieuse, & vient d’ordinaire du
sentiment que l’on a de sa propre corruption. C’est un bon Mot
de Thalès, qui disoit que le Mensonge est aussi éloigné de la
Verité, que les Oreilles le sont des yeux. Il vouloit insinuer
par-là qu’on ne doit pas facilement ajouter foi à ce qui se
raporte des choses que l’on n’a pas vûes. Il y a deux ou trois
Regles assez remarquables, que les Membres de la fameuse Abbaïe
de la Trape observent & que On y ordonne à ces Reverends
Peres de ne prêter jamais l’oreille aux raports qu’on leur fera
de quelque Action indigne ou criminelle ; de tourner d’un autre
côté, s’il est possible, tous les discours de cette nature ;
& de suposer enfin que le Crime peut venir d’une bonne
intention dans celui auquel on l’attribue, si tant
est qu’il soit certifié d’une maniere à ne pouvoir le revoquer
en doute. C’est peut être pousser la Charité trop loin ; mais un
pareil excès est beaucoup plus louable, que de soutenir avec les
malins Esprits du siecle, que des Actions indiférentes ou même
bonnes, viennent d’un mauvais Principe, ou d’une intention
criminelle. En troisiéme lieu, chacun devroit examiner s’il n’a
pas un secret penchant à divulguer ces bruits qui tendent à
noircir la reputation des autres. Lors que cette Maladie de
l’Esprit, ou du Cœur, dont je parle, est arrivée à ce poin de
malignité, c’en est le pire de tous les symptomes, & il est
à craindre qu’elle ne soit devenuë incurable. Il seroit donc
inutile de faire voir ici en détail que ce panchant est
criminel, puis qu’il n’y a personne qui ne le condamne, à moins
qu’on n’ait renoncé à tout principe d’Humanité & à la
Discretion la plus commune. J’ajouterai seulement que, quelque
plaisir qu’un Homme puisse trouver à répandre de tels bruits
sourds, il en goûtera beaucoup plus à vaincre la tentation qui
l’y engage, & à laisser mourir dans son sein tous ces
pretendus secrets de la Chronique scandaleuse.
Niveau 3
i.
Qu’il considere bien s’il ne prend aucun plaisir à entendre
parler des fautes de son Prochain. ii. S’il n’est pas trop
disposé à croire tous les bruits qui vont à noircir la
reputation des autres, & s’il n’a pas plu de penchant
vers le côté malin que vers le charitable. iii. S’il n’est
pas lui-même trop promt à repandre de tels bruits, & à
leur donner cours dans le Monde.
Metatextualité
je
vais inserer ici comme elles se trouvent dans un petit Livre
publié en François.