Qui non defendit alio culpante ; solutos
Qui captat
risus hominum, famàmque dicacis ;
Fingere qui non visa potest ;
commissa tacete
Qui nequit ; hic niger est, hunc, tu Romane,
caveto.
Hor. Lib. I. Sat. IV. 81.
Quiconque dechire un ami en son absence, qui
ne prend pas son parti quand on l’attaque, qui n’épargne personne ;
qui veut se mettre sur le pié de diseur de bon mots ; qui est
capable d’inventer mille faussetez ; enfin, qui ne peut garder un
secret : voilà, Romains, ce qui s’apelle un très-malhonête homme,
voilà celui de qui vous devez vous défier.
Celui qui publie des choses scandaleuses est plus ou moins odieux au Monde, & criminel en lui-même, à proportion qu’il y a quelque’un ou plusieurs de ces motifs qui l’animent. Mais, quelque occasion qu’il ait à répandre ces faux bruits, il doit considerer qu’ils sont également préjudiciables & pernicieux à celui sur lequel ils tombent. L’Injure est toûjours la même, quoi que le Principe d’où elle vient puisse être diférent.
Comme chacun n’est que trop porté à l’indulgence, lors qu’il juge de
ses pensées ou de ses actions, & comme il y en a très-peu qui
voulussent paroître coupables de ce défaut, que tout le monde
condamne &
i.
Qu’il considere bien s’il ne prend aucun plaisir à entendre parler
des fautes de son Prochain.
ii. S’il n’est pas trop disposé à croire
tous les bruits qui vont à noircir la reputation des autres, &
s’il n’a pas plu de penchant vers le côté malin que vers le
charitable.
iii. S’il n’est pas lui-même trop promt à
repandre de tels bruits, & à leur donner cours dans le Monde.
Ce sont là les diférens degrez par lesquels ce Vice monte & s’éleve jusqu’à la Calomnie & à l’Imposture.
En premier lieu, celui qui prend plaisir à entendre dire du mal des
autres fait voir par-là qu’il a le veritable goût de ce qui est
scandaleux, & par consequent qu’il a en lui-même les semences du
Vice dont il s’agit. S’il est charmé à l’oüie du mal qu’on dit des
autres, il trouvera le même plaisir à le debiter, & il sera
d’autant plus disposé à faire cette démarche, qu’il s’imaginera
naturellement que tous ceux avec lesquels il converse goûtent la
même satisfaction
En deuxiéme lieu, chacun devroit examiner son cœur, pour voir s’il n’est pas trop crédule à l’égard de ces raports, & s’il ne panche pas plûtôt vers le côté malin que vers le charitable.
Une pareille credulité est fort vicieuse, & vient d’ordinaire du
sentiment que l’on a de sa propre corruption. C’est un bon Mot de
Mensonge est aussi éloigné de la Verité, que les
Oreilles le sont des yeux. Il vouloit insinuer par-là qu’on
ne doit pas facilement ajouter foi à ce qui se raporte des choses
que l’on n’a pas vûes. Il y a deux ou trois Regles assez
remarquables, que les Membres de la fameuse
On y ordonne à ces Reverends Peres de ne prêter jamais l’oreille aux
raports qu’on leur fera de quelque Action indigne ou criminelle ; de
tourner d’un autre côté, s’il est possible, tous les discours de
cette nature ; & de suposer enfin que le Crime peut venir d’une
bonne intention dans celui
En troisiéme lieu, chacun devroit examiner s’il n’a pas un secret penchant à divulguer ces bruits qui tendent à noircir la reputation des autres.
Lors que cette Maladie de l’Esprit, ou du Cœur, dont je parle, est
arrivée à ce poin de malignité, c’en est le pire de tous les
symptomes, & il est à craindre qu’elle ne soit devenuë
incurable. Il seroit donc inutile de faire voir ici en détail que ce
panchant est criminel, puis qu’il n’y a personne qui ne le condamne,
à moins qu’on n’ait renoncé à tout principe d’Humanité & à la
Discretion la plus commune. J’ajouterai seulement que, quelque
plaisir qu’un Homme puisse trouver à répandre de tels bruits sourds,
il en goûtera beaucoup plus à vaincre la tentation qui l’y engage,
& à laisser mourir dans son sein tous ces pretendus secrets de
la Chronique scandaleuse.