Le Spectateur ou le Socrate moderne: XXIII. Discours
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XXIII. Discours.
Citazione/Motto
Prosequitur scelus ille
suum : labefactaque tandem.
Ictibus innumeris, adductaque funibus Arbor Corruit.
Ictibus innumeris, adductaque funibus Arbor Corruit.
Ovid. Metam L.VIII. 775.
Il poursuit son entreprise criminelle ; de sorte qu’après avoir ébranlé cet Arbre par une infinité de coups de hache, il l’attache avec des cordes & le renverse par terre.
Metatestualità
De la beauté des Arbres
& du soin qu’on en doit avoir.
Metatestualità
De la beauté des Arbres
& du soin qu’on en doit avoir.
Livello 2
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
« Monsieur, « La vûe des
Arbres me fait tant de plaisir, que j’ai bâti une petite
Maison de Campagne sur un terrain, qui est presque au
milieu d’une grande Fôret. Je fus obligé, en quelque
sorte malgré moi, d’abatre quantité d’Arbres, pour avoir
des Allées dans mes Jardins ; mais j’eus la précaution
de laisser tous les espaces qu’il y avoit entre deux
aussi couverts d’Arbres qu’ils l’étoient d’abord.
C’est-à dire que vous ne sauriez tourner tant soit peu à
droite ou à gauche, que vous ne soiez dans un Bois, où
la Nature vous offre une Scéne plus charmante que tout
ce que l’Art y auroit pû élever. Au lieu de Tulipes ou
d’Oeuillets, je puis vous faire voir dans mes Jardins
des Chênes qui ont plus de quatre cens ans,
& un Groupe d’Ormes qui pourroient mettre à couvert
de la pluie cinquante Cavaliers. Ce n’est qu’avec une
extrême indignation que je vois, dans mon voisinage,
plusieurs jeunes Héritiers prodigues, qui abatent les
plus glorieux monumens de l’industrie de leurs Ancêtres,
& qui ruinent, dans un jour, ce que des siecles
entiers ont produit.
Les Paiens
alloient encore plus loin, & ils
regardoient comme un sacrilege des plus atroces l’injure
faite à certains Arbres qu’ils croioient sous la
protection immédiate de quelque Divinité. L’histoire
d’Erisicthon, le Bois sacré de Dodone, & celui de
Delphes en fournissent de bonnes preuves. Si nous
envisageons de ce côté-là & dans cette vûe la
Machine que Virgile emploie, & que plusieurs
Critiques ont tant blâmée, à peine la trouverons-nous
amenée avec trop de violence. Lors qu’Enée voulut bâtir
des Vaisseaux pour se rendre en Italie, il se vit obligé
d’abatre le Bois qu’il y avoit sur le Mont Ida ; mais ce
ne fut qu’après en avoir obtenu la permission de Cybele,
à laquelle ce Bois étoit consacré. La Déesse qui ne
pouvoit que se croire engagée à proteger, d’une façon
toute particuliere, les Vaisseaux construits d’un tel
Bois, pria Jupiter qu’ils ne fussent point sujets à la
puissance des Vents & des flots de la Mer. Jupiter
ne voulut pas lui accorder sa demande ; mais il lui
promit que tous ceux qui arriveroient heureusement en
Italie, seroient transformez en Nymphes marines ; ce qui
fut executé au pié de la lettre, à ce que le Poëte nous
dit. L’opinion commune touchant les
Nymphes, que les Anciens appelloient Hamadriades, fait
plus d’honneur aux Arbres que tout ce que nous avons
raporté jusques ici. On croïoit que le sort de ces
Nymphes avoit une si étroite liaison avec certains
Arbres, sur tout les Chênes, qu’elles vivoient &
mouroient avec eux. C’est pour cela même qu’elles
temoignoient une reconnoissance extraordinaires
<sic> à toutes les Personnes qui conservoient ces
Arbres, de la subsistance desquels leur vie dependoit.
Apollonius nous raporte, à cette occasion, un Fait
remarquable, qui servira de clotuture <sic> à ma
Lettre. Un certain Homme, appellé Rhoecus, touché d’une
espece de compassion à la vûe d’un vieux Chêne prêt à
tomber, donna ordre à ses Valets de mettre à ses racines
un peu de terre fraiche, & de le redresser.
L’Hamadriade ou la Nymphe, qui devoit perir sans
ressource avec cet Arbre, lui apparut le lendemain,
&, après l’avoir remercié de tous ses bons offices,
elle ajouta qu’elle étoit disposée à lui accorder tout
ce qu’il lui demanderoit. Rhoecus, frapé de sa beauté
divine, la suplia qu’il lui fût permis de l’entretenir
sur le pié de son Amant. La Nymphe, qui ne
parut pas trop choquée de sa requête, lui promit de lui
donner un rendez-vous, pourvû qu’il s’abstint, durant
quelques jours, des embrassemens de toute autre Femme,
& qu’elle auroit soin de lui envoïer une Abeille,
pour l’avertir du moment auquel il devoit jouir de ce
bonheur. Mais, à ce qu’il semble Rhoecus étoit fort
adonné au Jeu, & il se rencontra qu’il jouoit d’un
grand malheur lors que l’officieuse Abeille vint
bourdonner autour de lui ; de sorte qu’au lieu de
répondre à son obligeante invitation, peu s’en falut
qu’il ne la tuât pour ses peines. L’Hamadryade fut si
outrée de ce mépris & du mauvais traitement fait à
sa Messagere, qu’elle priva Rhoecus de l’usage de tous
ses Membres. Ce n’est pas, à ce que dit l’Historien,
qu’il ne lui restât assez de force pour abatre le Chêne,
& donner ainsi le coup de mort à sa belle
Maîtresse. »
Metatestualità
J’ai
été si charmé de votre Discours sur les Plantations
que j’ai examiné mes Recueils pour vous rendre
quelque compte de la veneration que les Anciens
avoient pour les Arbres.
Racconto generale
Il y a une ancienne
Tradition qui dit qu’Abraham planta un Cyprès, un
Pin, & un Cédre, & que ces trois Arbres
furent incorporez en un seul, qui fut coupé pour
servir à la structure du Temple de Salomon. Isidore,
qui vivoit sous le regne de Constance, nous assûre
qu’il avoit vû lui-même, dans les plaines de Mamré,
ce fameux Chêne, sous lequel on disoit qu’Abraham
avoit mis ses Tentes. Il ajoute que le Peuple le
regardoit avec une grande veneration, & qu’il le
respectoit comme un Arbre sacré.