Le Spectateur ou le Socrate moderne: XXI. Discours
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XXI. Discours.
Zitat/Motto
— ————— intus & in
cute novi
Pers. Sat. III. 30.
Je le connois à fond.
Metatextualität
Vision allégorique sur
le Germe du Péché, qui se trouve plus ou moins dans tous les
Cœurs.
Metatextualität
Vision allégorique sur
le Germe du Péché, qui se trouve plus ou moins dans tous les
Cœurs.
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Metatextualität
Quoique l’Auteur de la Vision
suivante me soit inconnu, j’ai quelque soupçon que c’est le
même qui m’a écrit la Lettre qu’on vient de lire, & qui
m’a promis quelques Extraits de son Noctuaire.
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Brief/Leserbrief
Monsieur, « Occupé l’autre jour à lire la
Vie de Mahomet, j’y trouvai, entre plusieurs autres
extravagances, qu’à l’âge de quatre ans, cet Imposteur
fut enlevé, pendant qu’il badinoit avec ses Camarades,
par l’Ange Gabriel, qui le transporta dans quelque
endroit à l’écart, lui ouvrit la poitrine, en tira son
Cœur, qu’il tordit pour en exprimer cette goute de sang
noir, où reside, suivant les Théologiens Turcs, ce qu’on
appelle fo mes peccati, ou le germe du Péché ; en sorte
que Mahomet en fut delivré le reste des ses jours. Je me
dis aussitôt à moi-même, Quoi que ce ne soit qu’un
Conte, on pourroit en tirer une fort bonne Morale, si
chacun vouloit s’en faire l’aplication, & tâcher
d’exprimer hors de son Cœur tous les Vices & les
Défauts qu’il y trouve.
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Traum
Allegorie
Pendant que mon
Esprit étoit bandé à poursuivre cette Speculation,
un sommeil agréable & leger s’empara de mes
yeux, & je vis alors entrer dans ma Chambre
deux Crocheteurs, qui s’entraidoient à porter une
grande Caisse. Après l’avoir posée au milieu de la
place, ils se retirerent. Je voulois d’abord examiner ce qu’elle contenoit, mais une
Figure, semblable à celle que nos Peintres donnent
aux Anges, m’apparut tout d’un coup, & me
défendit de l’ouvrir. Cette Caisse, ajouta le
nouveau venu, renferme les Cœurs de plusieurs de
vos Amis & de vos Connoissances ; mais avant
que vous soïez en état de voir & de critiquer
les défauts des autres, vous devez être purifié
vous-même. Là dessus, il tira son Scalpel,
m’ouvrit la Poitrine, en tira mon Cœur & se
mit à le presser, Je fus couvert de honte à la vûe
de tout, ce qui en sortoit, & que j’avois
toujours regardé comme des Vertus. En un mot, lors
que mon Cœur eut été bien pressé, on l’auroit pris
pour une Vessie vuide ; mais l’Ange y soufla une
particule d’esprit divin, le remit dans sa Niche
naturelle, recousit ma plaie, & nous
commençames à examiner la Caisse. Tous les Cœurs y
étoient renfermez dans des Bouteilles
transparentes, où il y avoit une Liqueur qui
ressembloit à l’Esprit de Vin. Le premier sur
lequel je tournai les yeux y montoit &
descendoit avec une vitesse incroïable, &
souvent même il donnoit contre les parois
interieures de la Bouteille avec tant de violence,
que je craignis plusieurs fois qu’il
ne la cassât. Le germe, ou la tache qu’il y avoit
au milieu n’étoit pas grande ; mais elle étoit de
couleur de feu, & sembloit être la cause de
toutes ses violentes agitations. Ce Cœur, me dit
alors mon Guide, est celui de Chateaufort, qui
s’est bien aquité de son devoir dans les dernieres
Guerres ; mais qui depuis une dizaine d’années
cherche inutilement à s’élever à quelque Poste
honorable. II vient de se retirer à la Campagne,
où sufoqué par la bile & les maux de rate, il
turlupine ceux qui valent mieux que lui, & où
il sera inquiet toute sa vie, parce qu’il ne croit
pas qu’on puisse jamais le recompenser autant
qu’il le merite. Le deuxiéme Cœur que j’examinai
étoit remarquable par sa petitesse ; il se tenoit
en repos au fond de la Bouteille, & à peine
pûs-je appercevoir qu’il batît. Le germe en étoit
tout-à-fait noir, & s’étoit presque repandu
dans toute la masse. Ce Cœur, me dit mon
Interprete, est celui de Sombrieu, qui n’a jamais
soupiré qu’après l’Argent. Malgré tous ses éforts,
il est toûjours pauvre. C’est ce qui l’a jetté
dans une afreuse mélancholie & le desespoir.
L’envie & l’Oisiveté le devorent ; il est
ennemi de tout le monde ; mais il les
vange bien, en ce qu’il est plus incommode à
soi-même qu’il ne l’est aux autres. La Phiole que
je regardai ensuite renfermoit un grand & beau
Cœur, dont les batemens étoient fort sensibles. Le
germe ou la tache qu’il y avoit étoit d’une
petitesse extraordinaire, mais je ne pûs
m’empêcher d’observer que de quelque côté que je
tournasse la Phiole, il venoit toujoûrs au dessus,
& paroissoit avec plus d’éclat que tout le
reste. Là dessus l’Ange m’ordonna de
1’examiner avec attention. Je lui obéis, & je
fus bien étonné de voir qu’une petite tache
enflée, que j’avois d’abord prise pour une marque
de sa haine envers moi, n’étoit qu’un peu de
Passion, & qu’elle disparut
tout-à-fait à mesure que je l’envisageai de plus
près. Mon Docteur me dit ensuite que Le Franc
étoit un des meilleurs Naturels qu’il y eut au
Monde. Cet autre, contina-t-il, est le Cœur d’une
Femme de votre connoissance. Je trouvai que son
germe étoit un des plus gros & de cent
couleurs diférentes, qui varioient à tout moment.
Je voulus sçavoir à qui il appartenoit, & il
me declara que c’étoit le cœur de Coquetille. Je
le remis dans la Caisse, & j’en tirai un
autre, dont le germe me parut fort petit ; mais je
fus bien surpris de voir qu’il grosissoit à vûe
d’œuil. C’étoit le Cœur de Melisse, Prude célebre,
dont la maison est jointe à la mienne. Alors il me remit entre les mains
une grande Bouteille de crystal, qui renfermoit un
Cœur, où il me fut impossible d’apercevoir aucun
défaut, avec quelque attention que je
l’examinasse. Je ne balançai point à conjecturer
que ce devoit être celui de Seraphine, & j’eus
bientôt le plaisir d’entendre, quoique sans aucune
surprise, que mon soupçon étoit légitime. Il faut
avouër, continua mon Guide, qu’elle
est l’Ornement de son Sexe, aussi bien que l’Objet
de son envie. A ces mots, il m’indiqua du doigt
les Cœurs de diférentes Dames de sa connoissance,
où il y avoit de grandes taches d’un bleu chargé.
Vous ne devez pas vous étonner, ajouta-t-il, de ne
voir aucune tache dans un Cœur dont l’innocence a
été à l’épreuve de toutes les tentations d’un
Siecle corrompu. S’il a quelque foible, il est si
petit, que les yeux des Humains ne sçauroient
l’apercevoir. Je pris ensuite les Cœurs de
quelques autres Dames, dont les germes
s’étendoient en plusieurs veines entrelacées les
unes dans les autres, & qui formoient un tissu
des plus embrouillez. J’en demandai la
signification, & il me fut répondu que c’étoit
la marque de la Ruse & de la tromperie.
J’aurois bien voulu examiner les Cœurs des autres
Personnes de ma connoissance, que je sçavoit être
adonnées au Jeu, à la Boisson, aux Intrigues,
&c. mais mon Interprete me dit qu’il faloit
les garder pour une autre fois, & là-dessus il
ferma la Caisse avec tant de violence, que je
m’éveillai en sursaut, & que tout disparut. »
Dialog
Le Cœur que
vous examinez, me dit alors mon Oracle, est celui
de Vantadour. Il a l’Ame grande & noble, &
il possede mille bonnes qualitez ; mais la tache
que vous y voïez est l’orgueil qui le domine.
Voici, ajout-a-t-il, en tirant une autre Phiole de
la Caisse, voici le Cœur de Le Franc, votre bon
Ami. II y a, lui répondis-je, une grande froideur
entre Le Franc & moi, & je ne me souci pas
de regarder le Cœur d’un Homme qui me paroit plein
d’animosité.
Dialog
Je vous montre celui-ci,
reprit le Phantôme, parce que c’est une Rareté,
& que vous connoissez la personne qui le
possede.