Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "XVI. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.6\016 (1726), S. 105-109, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1491 [consultado em: ].


Nível 1►

XVI. Discours

Citação/Divisa► Tenet insanabile multo
Scribendi cacoëthes, & ægro in corde fenescit.
Juv. Sat. VII. 51.
La demangeaison d’écrire, qui travaille tant de monde, est une maladie incurable, & qui ne finit qu’avec la vie. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Sur la demangeaison d’écrire. ◀Metatextualidade

Nível 2► Narração geral► Allegorie► Il y a une certaine Maladie, dont Galien & Hippocrate n’ont fait aucune mention, & qu’on ne trouve pas dans la Pharmacopée de Londres. Juvenal, [106] dans la Sentence que je viens de mettre à la tête de ce Discours, l’apelle Cacoëthes, d’un nom Grec, qui n’est guére entendu que des Savans, & qui ne signifie autre chose en bon François que la dèmangeaison d’écrire. C’est un Mal presque aussi universel que la petite Verole, puis qu’il y a très-peu d’Hommes qui n’en soient attaquez, tôt ou tard, une fois en leur vie. On y voit pourtant cette difference, que le dernier passe au bout de quelques jours, ou de quelques semaines, & qu’il ne revient plus ; au lieu que l’autre ne se guérit presque jamais, d’abord qu’il a saisi la tête. La Nation Britannique est fort exposée à celui-ci, & quoi qu’on aît employé une infinité de Remedes à l’égard de ceux qui en sont travaillez, il y en a peu qui aient réussi. Quelques-uns de ces Malades ont éprouvé le fer & le feu des Satires & des Libelles, sans que ces Caustiques aient operé leur guérison ; d’autres ont eu la tête passée dans un trou, formé par deux planches, une heure de suite, qui est le Remede ordinaire pour cette Maladie, lors qu’elle est venue à son plus haut point. Il y a d’ailleurs une espece de ce Mal, qu’on a gueri quelquefois, de même que la morsure d’une Tarantule, par le son d’un Instrument de Musique, qu’on apelle comm-[107]munément des Etrivieres. Mais si vous avez à traiter un Malade de cet ordre, sçachez que le plus sûr moïen de le rétablir est de lui défendre tout usage d’Encre, de Papier & de plume. ◀Allegorie

Pour revenir de cette Allégorie & ne la pousser pas trop loin, il n’y a pas de Barbouilleurs plus fatiguans, ni plus incurables, que ces Ecrivains périodiques, dont les Ouvrages paroissent à certains jours & à certaines saisons de l’Année. Nous n’avons pas, dans la lecture de leurs Ecrits, la consolation qui se trouve à celle de tous les autres ; je veux dire d’en voir la fin, avec un peu de patience. Je ne me souviens jamais d’un mot de Diogene, qu’il ne me fasse beaucoup de plaisir : Occupé à lire un Auteur insipide, en presence de quelques-uns de ses Amis, lors qu’il les vit tous ennuïez de cette lecture, & qu’il aprochoit de la fin, il s’ecria, Courage, mes Enfans, je vois terre. II n’en est pas ainsi des Ecrivains dont je parle, on n’en vient jamais à bout. Un jour leur fournit de la tablature pour un autre jour, & l’on ne sçait pas quand ils voudront nous donner quelque relâche.

II est triste de voir que l’Art de l’Imprimerie, qui pourroit être un des plus grands avantages qui soit jamais arrivé au [108] Genre Humain, tourne au contraire à son préjudice, & qu’il serve à répandre l’Erreur & l’Ignorance, dans une Nation, au lieu d’aider à la faire devenir habile & vertueuse.

II n’y a pas long tems que j’ai lû un Livre fort grotesque, intitulé, Défense de l’Astrologie, par Guillaume Ramsey. Entre plusieurs endroits mystiques de ce profond Auteur, en voici un, où il s’exprime en ces termes : « L’absence du Soleil n’est pas la cause de la Nuit ; puisque sa lumiere est si grande, qu’elle peut éclairer toute la Terre à la fois comme en plein jour ; mais il y a des Etoiles sombres & tenébreuses, dont l’influence cause la Nuit, & qui dardent les ténébres & l’obscurité sur la Terre, de même que le Soleil l’illumine par ses raïons. »

Je regarde les Ecrivains dans le même point de vûe que notre sçavant Astrologue envisage les Corps célestes. IIs sont tous des Etoiles ; mais quelques-uns repandent la lumiere, & d’autres produisent les ténébres. J’en pourrois nommer divers, qui sont des Etoiles ténebreuses de la premiere grandeur, ou en indiquer un amas d’autres, qui n’ont fait qu’une chetive harmonie ensemble, & qu’on peut traiter de Constellation ténébreuse. La Nation [109] est obscurcie depuis long-tems par ces Anti-Luminaires, s’il m’est permis d’emploïer ce terme. Je l’ai souffert le plus qu’il m’a été possible ; mais enfin j’ai resolu de m’élever contre eux, & je me flate de les chasser bientôt de tout notre Hemisphere. ◀Narração geral ◀Nível 2 ◀Nível 1