Le Spectateur ou le Socrate moderne: IX. Discours
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IX. Discours
Zitat/Motto
———————— Quod medicorum
est,
Zitat/Motto
Promittunt medici : ——————————
Hor. L. II. Epist. I. 115.
Les Medecins ne se mêlent que de la Medecine.
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Metatextualität
« Les Feüilles volantes que je
donne au Public me causent d’autant plus de satisfaction,
qu’elles m’ont procuré d’habiles Correspondans, Gens
d’esprit & de sçavoir. Je reçus hier de l’un d’eux ce
nouvel Essai contre les Charlatans, dont je vais regaler ici
mes Lecteurs, après avoir demandé pardon à celui qui l’a
écrit pour les petites additions que j’y ai faites & le
peu que j’en ai retranché.
Metatextualität
Sur les Charlatans
qui prétendent avoir des Remedes infaillibles.
Le desir de la vie est une passion si naturelle
& si forte, que je ne m’étonne plus, depuis
long-tems, de voir que la pratique de la Medecine est si
encouragée chez nous. Tous les Gouvernemens bien policez ont
toûjours rendu la Profession d’un Medecin honorable &
avantageuse. Le Machaon d’Homere & le Japis de Virgile
étoient des Hommes d’une grande réputation, des Heros dans la
Guerre, & qui faisoient pour le moins autant de ravage parmi
leurs Ennemis qu’entre leurs Amis. Ceux qui n’ont que peu ou
point de foi dans l’habileté d’un Charlatan s’adressent à lui,
malgré tout cela, soit parce qu’il est disposé à vendre la Santé
à un prix raisonnable, ou parce que, semblables à un Homme qui
se noïe, ils s’accrochent à la moindre petite branche, &
qu’ils esperent de recevoir quelques secours des plus ignorans,
lors que les plus habiles ne leur en donnent aucun. Quoi que
l’Impudence & le Babil soient aussi nécessaires à ces
Galiens ambulans qu’un Habit de differentes couleurs à un Boufon
de Théatre, il ne leur en reviendroit que très-peu d’avantage,
s’il n’y avoit pas quelque disposition interieure dans le Malade
qui favorisât les prétentions du Charlatan. L’amour de la Vie
dans l’un & celui de l’Argent dans l’autre forment une bonne
correspondance entre eux. Il n’y a presque pas une
Ville dans la Grande Bretagne, où l’on ne trouve un de ces
Hipocrates, qui la met sous sa protection, y harangue la
Populace tous les jours de Marché, lui débite des Aphorismes
& lui fournit des Recettes. Vous pouvez compter sûrement
qu’il n’y est point allé pour son propre interêt, mais qu’animé
d’une veritable tendresse pour elle, il l’a choisie plutôt
qu’aucune autre. Je me souviens d’avoir vû à1Hammersmith
un de ces Zélateurs du bien public, qui dit un jour à son
Auditoire, qu’il devoit sa naissance & son éducation à ce
Lieu-là, pour lequel il avoit de si tendres égards, qu’il
vouloit faire présent d’un Ecu à tous ceux qui le voudroient
accepter. Lors que chacun s’atendoit, la gueule béante, à
recevoir une piece de cinq Chelins, M. le Docteur mit la main
dans un long Sac, d’où il tira une poignée de petits Paquets,
& informa toute l’Assemblée qu’il les vendoit d’ordinaire 5
Chelins 6 Sous piece ; mais qu’en faveur des Habitans du Lieu il
en rabatroit les 5 Chelins. Toute la venerable Troupe accepta
d’abord cette offre génereuse, & lui enleva tous ses
Remedes, après qu’il les eut engagez à répondre, les uns pour
les autres, qu’il n’y avoit point d’Etrangers
parmi eux, & qu’ils étoient tous natifs ou Habitans
d’Hammersmith. Il y a une autre Classe de prétendans à cet Art,
qui, sans monter à Cheval, ou sur un Théatre, accompagnez d’un
Bouson, se tiennent cachez dans un Galetas, d’où ils anoncent au
Public leur grande capacité par des Avertissemens imprimez.
Ceux-ci semblent avoir tiré cet usage de certains Orientaux,
dont Herodote nous parle, chez lesquels il y avoit une Loi, qui
ordonnoit que toutes les fois qu’on y guériroit quelqu’un, on
afficheroit, dans une Place publique, une Description de sa
Maladie, & de la Méthode qu’on avoit observée pour le
traiter. Mais, comme tout degenére dans ce Monde, nos Operateurs
modernes se munissent de Témoins pour certifier l’effet de leurs
Remedes, avant que de les avoir éprouvez eux-mêmes & de le
publier. J’ai entendu parler d’un Crocheteur, qui sert de Témoin
à l’un de ces nouveaux Esculapes, & qui, sans avoir jamais
eu la moindre indisposition, a été guéri de toutes les Maladies
qui se trouvent d’écrites dans la Pharmacopée. Du reste ces
fameux Chimistes, Medecins & Apoticaires, ont inventé toutes
sortes d’Elixirs, de Pilules & de Lozanges,
& ils prennent pour un afront si vous avez recours à eux,
avant que tous les autres vous ayent abandonné. Leurs Remedes
sont infaillibles & ne manquent jamais de réussir,
c’est-à-dire, d’enrichir le Docteur, & de mettre en effet le
Patient en repos. Metatextualität
Sur les Charlatans
qui prétendent avoir des Remedes infaillibles.
Allgemeine Erzählung
J’allai tomber
en dernier lieu dans un Caffé de Westminster, où toutes les
murailles de la Chambre étoient garnies de pareils
Avertissemens. Il y en avoit pour des Elixirs, des
Teintures, des Fomentations anodines, des Pilules
d’Angleterre, des Electuaires, en un mot, on y lisoit plus
de Remdes, qu’il n’y a, je croi, de Maladies. A la vûe de
tant d’Inventions, je ne pûs m’empêcher de me regarder comme
au milieu d’un Arcenal ou d’un Magazin rempli de toute sorte
d’Armes bonnes à repousser toutes les insultes du dedans
& du dehors. L’Ennemi seroit-il venu vous attaquer en
flanc ; vous y trouviez une Armure infaillible contre la
Pleuresie. En voudroit-il à votre tête ; vous pouviez la
munir d’un Casque impénetrable, ou pour me servir des termes
d’Operateur, d’une Teinture cephalique. Si votre Corps de
bataille venoit à être attaqué ; vous y aviez une infinité
d’Armes propres à soutenir tous les assauts. Je
felicitai même notre Siecle du bonheur qu’on pourroit
esperer dans cette Vie, puisque la Mort étoit en quelque
maniere vaincue par toutes ces drogues, & que la Douleur
seroit d’une si courte durée, qu’elle ne serviroit qu’à
relever le goût du Plaisir. Je conclus de même que, si tous ces Avertisseurs
étoient parvenus à ce haut degré d’habileté qu’ils
attribuent, ils n’auroient pas eu besoin, durant une si
longue suite d’années, de publier l’endroit où ils
demeurent, ni les vertus de leurs Remedes. Il est vrai qu’un
de ces illustres Chimistes prétend avoir un
Specifique merveilleux contre la Maigreur : Je ne sçai quel
effet il a eu sur ceux qui l’ont éprouvé ; mais je suis
informé de bonne part qu’il a eu si grand debit, qu’il a
guéri effectivement le Docteur lui-même de ce défaut. S’ils
pouvoient tous produire un si bon Exemple du succès de leurs
Remedes, ils persuaderoient bientôt les incredules de leur
grande capacité.
Allgemeine Erzählung
Occupé de ces agréables idées, je me rappellai
malheureusement l’avanture d’un Gentilhomme fort
spirituel du dernier siecle ; à qui, un jour qu’il avoit
un cruel accès de Goute, son Valet vint dire qu’il y
avoit un Homme en bas qui venoit lui offrir ses
services, & qui prétendoit avoir un Remede
infaillible pour sa guérison. Là-dessus le Maître lui
demanda, s’il étoit venu à pied, ou en Carrosse, &
sur ce qu’il apprit qu’il étoit à pied,
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Dialog
Va dire à ce Fripon,
repliqua-t-il à son Valet, qu’il s’aille
promener ; puisque, s’il avoit un Remede aussi
infaillible qu’il le débite, il y a long-temps
qu’il auroit un Carrosse à six Chevaux.