Le Spectateur ou le Socrate moderne: V. Discours
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Nivel 1
V. Discours
Cita/Lema
Deum namque ire per
omnes Terrásque, tractusque Maris, Coelumque
profundum.
Virg. Georg. IV. 221.
Dieu se trouve dans toute l’étenduë des Terre, des Mers & des Cieux.
Nivel 2
Metatextualidad
Reflexions sur la vaste
étenduë de l’Univers & sur la nature de Dieu.
Relato general
Je fis hier au soir une promenade
hors Ville jusqu’à ce que la nuit vint insensiblement me
surprendre. Je m’amusai d’abord à contempler les differentes
beautez des couleurs qui paroissoient à l’endroit de
l’Horison où le Soleil venoit de se coucher : A mesure
qu’elles s’éteignoient, il y eut diverses Etoiles &
Planetes qui se montrerent l’une après l’autre, jusqu’à ce
que tout le Firmament en devint lumineux. La saison de
l’année, & les rayons de tous ces Luminaires qui
traversoient l’Ether donnoient du relief à sa couleur
bleuâtre. La Voye Lactée paroissoit dans sa plus grande
blancheur. Pour couronner la Scéne, la lune se leva en son
plein avec cette majesté sombre, que Milton nous a si bien
dépeinte, & fit voir à l’œil un nouveau Tableau de la
Nature, chargé d’ombres plus délicates, & dont les jours
avoient plus de douceur, que celui que le Soleil
nous avoit découvert pendant qu’il éclairoit notre
Hemisphere. Lors que je m’occupois à regarder la Lune
marcher dans tout son éclat, & prendre sa route entre
les Constellations, il me vint une pensée dans l’esprit qui
trouble & inquiete souvent, à ce que je croi, les
Personnes d’un naturel sérieux & pensif. David, à la vûë
de ce spectacle, y tomba lui-même, Nivel 3
Diálogo
1Quand je
considere, dit-il, les Cieux qui sont l’ouvrage de
tes mains, la Lune & les Etoiles que tu y as
disposées, que’est-ce que l’Homme, pour que tu
daignes te souvenir de lui, & le fils de
l’Homme, pour que tu en prennes soin ?
De même, lors que j’envisageois cette Armée infinie
d’Etoiles, ou plutôt, pour m’exprimer en Philosophe, de
Soleils, qui brilloient à mes yeux, avec cette multitude
innombrable de Planetes ou de Mondes, qui rouloient autour
de ces vastes Corps qui leur servent de centre ; lors que je
portois cette idée plus loin, & que je venois à supposer
un autre Systême de Soleils & de Mondes au-dessus de
celui que je découvrois, & que ce nouveau Systême étoit
éclairé par un Firmament d’autres Luminaires superieurs, qui
sont placez à une si énorme distance, qu’ils paroissent aux
Habitans du premier de la même grandeur que
nous voyons les Etoiles ; lors, dis-je en un mot, que je
reflêchissois sur cet assemblage infini de Mondes, je ne pus
que sentir l’extrême petitesse, ou plutôt le néant de mon
Individu, comparé avec l’immense étenduë de l’Univers. Si le
Soleil, qui éclaire cette partie de la Création, & si
toute l’Armée des Mondes Planetaires qui roulent autour de
lui, venoient à être aneantis, il n’y paroîtroit non plus
que si l’on ôtoit un grain de sable sur le rivage de la Mer.
L’espace qu’ils occupent est si excessivement petit, en
comparaison de tout l’Univers, qu’à peine y formeroit-il un
vuide. La brêche seroit imperceptible à un œil, qui pourroit
embrasser tout le cercle de la Nature, & porter sa vûë
d’un bout de la Création à l’autre, comme il peut arriver
que nous ayons un jour un tel Sens, ou que des Créatures
plus excellentes que nous le possedent aujourd’hui. Avec le
secours de nos Telescopes, nous voyons plusieurs Etoiles,
qui échapent autrement à nos yeux ; & plus les Verres
qu’on y met sont exacts, plus nos découvertes augmentent.
Huygens porte cette pensee si loin, qu’il ne croit pas
impossible qu’il y ait des Etoiles dont la lumiere n’est pas
encore parvenuë jusqu’à nous depuis la Création. II n’y a nul doute que l’Univers ne soit renfermé dans
certaines bornes ; mais lors que nous venons à considerer
que c’est l’Ouvrage d’un Pouvoir infini, animé d’une Bonté
infinie, & qui s’exerce sur un Espace infini, quelles
bornes notre imagination y peut-elle prescrire ? Pour
revenir donc à ma premiere idée, je ne pûs reflechir sur
moi-même qu’avec une secrete frayeur, en ce que je me
trouvois indigne du moindre petit regard de cet Etre
suprême, qui est occupé au gouvernement d’un si vaste
Empire. Je craignis d’être oublié & presque perdu au
milieu de cette Immensité qui m’environnoit de toutes parts,
& de cette infinie varieté de Créatures, qui
remplissent, selon toutes les apparences, toutes ces vastes
Regions de l’Univers. Mais, pour ne pas succomber sous le
poids d’une idée si mortifiante, j’en voulus rechercher la
cause, & je trouvai qu’elle venoit des bornes étroites
que nous donnons à la Nature divine. Nous ne sçaurions
considerer nous-mêmes plusieurs Objets à la fois. Si nous
avons soin de regler certaines choses, il faut de toute
nécessité que nous en négligions d’autres. Cette
imperfection, qui naît avec nous, se trouve plus ou moins
dans toutes les Créatures, quelque exaltées
qu’elles soient ; par cela même qu’elles sont des Etres
bornez & finis. La présence de tout Etre crée est
renfermée dans un certain espace, & par conséquent ses
observations se bornent à un certain nombre d’Objets. La
Sphere, dans laquelle toutes les Créatures se meuvent,
agissent & entendent, est d’une circonference plus ou
moins grande, suivant le rang qu’elles occupent dans
l’échelle des Etres. Mais cette Sphere, quelque vaste
qu’elle soit, a toujours sa circonference. Lors donc que
nous venons à reflechir sur la Nature Divine, nous sommes si
accoûtumez à voir cette imperfection en nous, que nous
l’attribuons en quelque maniere à celui qui en est
incapable. La Raison a beau nous dire que ses Attributs sont
infinis ; notre esprit est si foible, qu’il ne sçauroit
s’empêcher de mettre des bornes à tout ce qu’il contemple,
jusqu’à ce qu’elle revienne à la charge & qu’elle
dissipe tous ces petits préjugez qui s’élevent malgré nous
dans nos ames, & qui sont naturels à l’Esprit Humain. En
effet nous bannirons de nos Esprits une si triste idée,
& nous ne craindrons pas que l’Auteur de l’Univers nous
abandonne à cause de la multitude innombrable
de ses Ouvrages, & de cette infinie varieté d’Objets qui
semblent l’occuper sans cesse, si d’un côté nous sommes bien
persuadez qu’il est présent par tout, & de l’autre,
qu’il sçait & qu’il voit tout. Nivel 3
i. Nous ne sçaurions douter en premier lieu
de sa Toute-Présence : Il traverse, il meut, il soutient
toute la Fabrique de l’Univers. Toute la Création en
général, & chacune de ses Parties, est pleine de son
Etre. Il n’y a rien de tout ce qu’il a fait, pour si
éloigné, ou si petit qu’il paroisse, où il n’habite
essentiellement. Sa Substance est dans la substance de
chaque Etre, soit materiel ou immateriel, & il s’y
trouve présent d’une maniere aussi intime que tout Etre
l’est à lui-même. Ce seroit une Imperfection en lui,
s’il pouvoit se transporter d’un lieu à un autre, ou
s’éloigner d’aucune de ses Créatures, ou de quelque
partie de cet Espace qui s’étend à l’infini. En un mot,
pour me servir de l’expression d’un ancien Philosophe,
c’est un Etre, dont le Centre est par tout, & la
Circonference nulle part. ii. En deuxiéme lieu, il
possede la Toute-Science, & c’est un Attribut qui
découle nécessairement de l’autre. Il ne peut que
s’appercevoir de chaque mouvement qui s’excite dans le
Monde materiel, qu’il penétre si
essentiellement, & de toute pensée qui s’éleve dans
le Monde intellectuel, auquel il est uni d’une maniere
si intime. Plusieurs Ecrivains de Morale ont envisagé
l’Univers comme le Témple de Dieu, qu’il a bâti de ses
propres mains, & qui est rempli de sa présence. Il y
en a d’autres qui regardent l’Espace infini comme le
Receptacle, ou plutôt l’Habitation du Tout-Puissant ;
mais on ne sçauroit se former une idée plus noble &
plus sublime de cet Espace infini que celle du Chevalier
Newton, qui l’appelle le Sensorium de la Divinité. Les
Hommes & les autres Animaux ont leurs Sensoriola, ou
leurs petits Sensoriums, par le moyen desquels ils
s’apperçoivent de la présence & de l’action d’un
petit nombre d’Objets qui les environnent. Leurs
connoissances & leurs observations se renferment
dans des bornes fort étroites. Mais puisque Dieu ne peut
qu’apercevoir & connoître tout ce en quoi il reside,
l’Espace infini donne lieu à une connoissance infinie,
& sert, pour ainsi dire, d’organe à la
Toute-Science. Si l’Ame étoit separée du Corps,
& que, par une seule reflexion, elle se transportât
au-delà des bornes de l’Univers, quand elle continueroit des
millions d’années à se promener avec la rnême rapidité dans
l’Espace infini, elle se trouveroit toujours
entre les bras de son Créateur, & environnée de tous
côtez de l’immensité de Dieu. Pendant que nous sommes dans
le Corps, il n’est pas moins avec nous, quoiqu’il nous soit
caché. Nivel 3
Diálogo
Qui me donnera, dit
Job2, de connoître &
de trouver Dieu, & de m’aller présenter jusqu’à
son trône ?….Mais que ferai-je ? Si je vais en
Orient, il ne paroît point ; si je vais en Occident,
je ne l’apperçois point. Si je me tourne à gauche,
je ne puis l’atteindre ; si je vais à droite je ne
le verrai point.
En un mot, la Raison & la Révelation nous
assûrent qu’il ne peut être loin de nous, quoi que nous ne
le découvrions pas. Quand on reflechit sur ces Attributs de
la Divinité, sa Toute-Présence & sa Toute Science, il
n’y a point de pensée affligeante qui ne s’évanoüisse. Dieu
ne peut que regarder tout ce qui existe, sur tout celles de
ses Créatures qui appréhendent qu’il ne les oublie. Il voit
leurs pensées les plus intimes, & cette inquiétude en
particulier qui les trouble à cette occasion. Il est
impossible que rien échape à ses yeux, & nous ne devons
pas douter qu’il ne regarde d’un œil favorable tous ceux qui
tâchent de se recommander à sa bienveillance, & qui touchez d’une humilité profonde se jugent
eux-mêmes indignes de ses soins paternels.
Nivel 2
Metatextualidad
Reflexions sur la vaste
étenduë de l’Univers & sur la nature de Dieu.
Relato general
Je fis hier au soir une promenade
hors Ville jusqu’à ce que la nuit vint insensiblement me
surprendre. Je m’amusai d’abord à contempler les differentes
beautez des couleurs qui paroissoient à l’endroit de
l’Horison où le Soleil venoit de se coucher : A mesure
qu’elles s’éteignoient, il y eut diverses Etoiles &
Planetes qui se montrerent l’une après l’autre, jusqu’à ce
que tout le Firmament en devint lumineux. La saison de
l’année, & les rayons de tous ces Luminaires qui
traversoient l’Ether donnoient du relief à sa couleur
bleuâtre. La Voye Lactée paroissoit dans sa plus grande
blancheur. Pour couronner la Scéne, la lune se leva en son
plein avec cette majesté sombre, que Milton nous a si bien
dépeinte, & fit voir à l’œil un nouveau Tableau de la
Nature, chargé d’ombres plus délicates, & dont les jours
avoient plus de douceur, que celui que le Soleil
nous avoit découvert pendant qu’il éclairoit notre
Hemisphere. Lors que je m’occupois à regarder la Lune
marcher dans tout son éclat, & prendre sa route entre
les Constellations, il me vint une pensée dans l’esprit qui
trouble & inquiete souvent, à ce que je croi, les
Personnes d’un naturel sérieux & pensif. David, à la vûë
de ce spectacle, y tomba lui-même,
De même, lors que j’envisageois cette Armée infinie
d’Etoiles, ou plutôt, pour m’exprimer en Philosophe, de
Soleils, qui brilloient à mes yeux, avec cette multitude
innombrable de Planetes ou de Mondes, qui rouloient autour
de ces vastes Corps qui leur servent de centre ; lors que je
portois cette idée plus loin, & que je venois à supposer
un autre Systême de Soleils & de Mondes au-dessus de
celui que je découvrois, & que ce nouveau Systême étoit
éclairé par un Firmament d’autres Luminaires superieurs, qui
sont placez à une si énorme distance, qu’ils paroissent aux
Habitans du premier de la même grandeur que
nous voyons les Etoiles ; lors, dis-je en un mot, que je
reflêchissois sur cet assemblage infini de Mondes, je ne pus
que sentir l’extrême petitesse, ou plutôt le néant de mon
Individu, comparé avec l’immense étenduë de l’Univers. Si le
Soleil, qui éclaire cette partie de la Création, & si
toute l’Armée des Mondes Planetaires qui roulent autour de
lui, venoient à être aneantis, il n’y paroîtroit non plus
que si l’on ôtoit un grain de sable sur le rivage de la Mer.
L’espace qu’ils occupent est si excessivement petit, en
comparaison de tout l’Univers, qu’à peine y formeroit-il un
vuide. La brêche seroit imperceptible à un œil, qui pourroit
embrasser tout le cercle de la Nature, & porter sa vûë
d’un bout de la Création à l’autre, comme il peut arriver
que nous ayons un jour un tel Sens, ou que des Créatures
plus excellentes que nous le possedent aujourd’hui. Avec le
secours de nos Telescopes, nous voyons plusieurs Etoiles,
qui échapent autrement à nos yeux ; & plus les Verres
qu’on y met sont exacts, plus nos découvertes augmentent.
Huygens porte cette pensee si loin, qu’il ne croit pas
impossible qu’il y ait des Etoiles dont la lumiere n’est pas
encore parvenuë jusqu’à nous depuis la Création. II n’y a nul doute que l’Univers ne soit renfermé dans
certaines bornes ; mais lors que nous venons à considerer
que c’est l’Ouvrage d’un Pouvoir infini, animé d’une Bonté
infinie, & qui s’exerce sur un Espace infini, quelles
bornes notre imagination y peut-elle prescrire ? Pour
revenir donc à ma premiere idée, je ne pûs reflechir sur
moi-même qu’avec une secrete frayeur, en ce que je me
trouvois indigne du moindre petit regard de cet Etre
suprême, qui est occupé au gouvernement d’un si vaste
Empire. Je craignis d’être oublié & presque perdu au
milieu de cette Immensité qui m’environnoit de toutes parts,
& de cette infinie varieté de Créatures, qui
remplissent, selon toutes les apparences, toutes ces vastes
Regions de l’Univers. Mais, pour ne pas succomber sous le
poids d’une idée si mortifiante, j’en voulus rechercher la
cause, & je trouvai qu’elle venoit des bornes étroites
que nous donnons à la Nature divine. Nous ne sçaurions
considerer nous-mêmes plusieurs Objets à la fois. Si nous
avons soin de regler certaines choses, il faut de toute
nécessité que nous en négligions d’autres. Cette
imperfection, qui naît avec nous, se trouve plus ou moins
dans toutes les Créatures, quelque exaltées
qu’elles soient ; par cela même qu’elles sont des Etres
bornez & finis. La présence de tout Etre crée est
renfermée dans un certain espace, & par conséquent ses
observations se bornent à un certain nombre d’Objets. La
Sphere, dans laquelle toutes les Créatures se meuvent,
agissent & entendent, est d’une circonference plus ou
moins grande, suivant le rang qu’elles occupent dans
l’échelle des Etres. Mais cette Sphere, quelque vaste
qu’elle soit, a toujours sa circonference. Lors donc que
nous venons à reflechir sur la Nature Divine, nous sommes si
accoûtumez à voir cette imperfection en nous, que nous
l’attribuons en quelque maniere à celui qui en est
incapable. La Raison a beau nous dire que ses Attributs sont
infinis ; notre esprit est si foible, qu’il ne sçauroit
s’empêcher de mettre des bornes à tout ce qu’il contemple,
jusqu’à ce qu’elle revienne à la charge & qu’elle
dissipe tous ces petits préjugez qui s’élevent malgré nous
dans nos ames, & qui sont naturels à l’Esprit Humain. En
effet nous bannirons de nos Esprits une si triste idée,
& nous ne craindrons pas que l’Auteur de l’Univers nous
abandonne à cause de la multitude innombrable
de ses Ouvrages, & de cette infinie varieté d’Objets qui
semblent l’occuper sans cesse, si d’un côté nous sommes bien
persuadez qu’il est présent par tout, & de l’autre,
qu’il sçait & qu’il voit tout. Si l’Ame étoit separée du Corps,
& que, par une seule reflexion, elle se transportât
au-delà des bornes de l’Univers, quand elle continueroit des
millions d’années à se promener avec la rnême rapidité dans
l’Espace infini, elle se trouveroit toujours
entre les bras de son Créateur, & environnée de tous
côtez de l’immensité de Dieu. Pendant que nous sommes dans
le Corps, il n’est pas moins avec nous, quoiqu’il nous soit
caché.
En un mot, la Raison & la Révelation nous
assûrent qu’il ne peut être loin de nous, quoi que nous ne
le découvrions pas. Quand on reflechit sur ces Attributs de
la Divinité, sa Toute-Présence & sa Toute Science, il
n’y a point de pensée affligeante qui ne s’évanoüisse. Dieu
ne peut que regarder tout ce qui existe, sur tout celles de
ses Créatures qui appréhendent qu’il ne les oublie. Il voit
leurs pensées les plus intimes, & cette inquiétude en
particulier qui les trouble à cette occasion. Il est
impossible que rien échape à ses yeux, & nous ne devons
pas douter qu’il ne regarde d’un œil favorable tous ceux qui
tâchent de se recommander à sa bienveillance, & qui touchez d’une humilité profonde se jugent
eux-mêmes indignes de ses soins paternels.
Nivel 3
Diálogo
1Quand je
considere, dit-il, les Cieux qui sont l’ouvrage de
tes mains, la Lune & les Etoiles que tu y as
disposées, que’est-ce que l’Homme, pour que tu
daignes te souvenir de lui, & le fils de
l’Homme, pour que tu en prennes soin ?
Nivel 3
i. Nous ne sçaurions douter en premier lieu
de sa Toute-Présence : Il traverse, il meut, il soutient
toute la Fabrique de l’Univers. Toute la Création en
général, & chacune de ses Parties, est pleine de son
Etre. Il n’y a rien de tout ce qu’il a fait, pour si
éloigné, ou si petit qu’il paroisse, où il n’habite
essentiellement. Sa Substance est dans la substance de
chaque Etre, soit materiel ou immateriel, & il s’y
trouve présent d’une maniere aussi intime que tout Etre
l’est à lui-même. Ce seroit une Imperfection en lui,
s’il pouvoit se transporter d’un lieu à un autre, ou
s’éloigner d’aucune de ses Créatures, ou de quelque
partie de cet Espace qui s’étend à l’infini. En un mot,
pour me servir de l’expression d’un ancien Philosophe,
c’est un Etre, dont le Centre est par tout, & la
Circonference nulle part. ii. En deuxiéme lieu, il
possede la Toute-Science, & c’est un Attribut qui
découle nécessairement de l’autre. Il ne peut que
s’appercevoir de chaque mouvement qui s’excite dans le
Monde materiel, qu’il penétre si
essentiellement, & de toute pensée qui s’éleve dans
le Monde intellectuel, auquel il est uni d’une maniere
si intime. Plusieurs Ecrivains de Morale ont envisagé
l’Univers comme le Témple de Dieu, qu’il a bâti de ses
propres mains, & qui est rempli de sa présence. Il y
en a d’autres qui regardent l’Espace infini comme le
Receptacle, ou plutôt l’Habitation du Tout-Puissant ;
mais on ne sçauroit se former une idée plus noble &
plus sublime de cet Espace infini que celle du Chevalier
Newton, qui l’appelle le Sensorium de la Divinité. Les
Hommes & les autres Animaux ont leurs Sensoriola, ou
leurs petits Sensoriums, par le moyen desquels ils
s’apperçoivent de la présence & de l’action d’un
petit nombre d’Objets qui les environnent. Leurs
connoissances & leurs observations se renferment
dans des bornes fort étroites. Mais puisque Dieu ne peut
qu’apercevoir & connoître tout ce en quoi il reside,
l’Espace infini donne lieu à une connoissance infinie,
& sert, pour ainsi dire, d’organe à la
Toute-Science.
Nivel 3
Diálogo
Qui me donnera, dit
Job2, de connoître &
de trouver Dieu, & de m’aller présenter jusqu’à
son trône ?….Mais que ferai-je ? Si je vais en
Orient, il ne paroît point ; si je vais en Occident,
je ne l’apperçois point. Si je me tourne à gauche,
je ne puis l’atteindre ; si je vais à droite je ne
le verrai point.