Citazione bibliografica: Anonym (Ed.): "LXVIII. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.5\068 (1723), pp. 425-431, edito in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1460 [consultato il: ].


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LXVIII. Discours

Citazione/Motto► Quippe domum timet ambiguam, Tyriósque bilingues.

Virg. Æneid. I. 665.

Elle craint l’irrésolution de cette Famille, & l’humeur des Tyriens adonnez au Mensonge. ◀Citazione/Motto

Metatestualità► Sur l’abus qu’on fait des Compliments. ◀Metatestualità

Livello 2► Citazione/Motto► Il n’y a rien, dit Platon, que plaise davantage que la Verité – soit qu’on l’entende dire aux autres, ou qu’on la dise soi même. ◀Citazione/Motto C’est pour cela qu’on ne voit pas de Compagnie si agréable que celle de l’Homme intégre, qui écoute sans aucun dessein de trahir, & qui [426] parle sans aucun dessein de tromper.

Exemplum► Entre tous les éloges qu’on donne à Caton, je ne sache pas qu’il y en ait aucun qui lui fasse plus d’honneur que ce que Plutarque en dit à l’occasion d’un Avocat que plaidoit devant un des Préteurs. Cet Avocat ne produisoit qu’un seul Témoin dans un Cas où la Loi en exigeoit deux, & sur ce qu’il insistoit sur l’intégrité de ce Témoin, le Préteur lui répondir, « Que là où la Loi en exigeoit deux, il ne se borneroit pas à un seul, quand ce seroit Caton lui-même ». Un tel discours, de la bouche d’un Homme qui se trouvoit à la tête d’une Cour de Justice, lors que Caton étoit encore en vie, nous fait voir, mieux que mille Exemples, la haute réputation, où ce grand Homme s’étoit élevé, entre ses Contemporains, à l’égard de l’Honeur & de la bonne foi. ◀Exemplum

Lors que cette Candeur inflexible est un peu adoucie par les régles de la Politesse & de la bonne Education, il n’y a point de Vertu plus éclatante dans tout le cercle des Devoirs de la Societé civile. Avec tout cela, on doit bien prendre garde à ne se polir pas aux dépens de la Sincérité, & à n’aquérir pas des manieres honnêtes au préjudice de sa Vertu.

Ce sujet est traité avec beaucoup d’exactitude dans un 1 Sermon fort éloquent du [427] célébre Prédicateur de la Grand-Bretagne. Metatestualità► Qu’il me foit permis d’en raporter ici deux ou trois passages, pour servir d’introduction à une Lettre assez curieuse, que je destine aujourd’hui au principal entretien de mes Lecteurs. ◀Metatestualità

Livello 3► « Cette ancienne Simplicité Angloise, dit-il, cette Candeur noble & généreuse, cette Franchise naturelle, qui marque toûjours une véritable grandeur d’Ame, & qui est d’ordinaire accompagnée d’un courage invincible, est presque éteinte parmi nous.

Le Stile de la Conversation est aujourd’hui si de vains Complimens, & si surchargé, pour ainsi dire, de protectations de services & de respects, que si un Homme, qui vivoit il y a un an deux siécles, revenoit au Monde, il auroit besoin au pied de la lettre d’un Dictionnaire pour l’aider à entendre sa propre Langue, & pour savoir la juste valeur intrinseque de Phrases à la mode. Que dis-je ? Il auroit d’abord de la peine à se figurer à quel bas prix se réduisent, dans le cours ordinaire de cette Monnoie, les Expressions les plus fortes & les plus énergiques d’Amitié & d’obédïssance ; & lors qu’il en seroit instruit, il lui faudroit bien du tems avant que de pouvoir s’entretenir avec les autres sur le même pied, de bonne grace & en bonne conscience. » ◀Livello 3

Metatestualità► La Lettre suivante, que me paroit fort curieuse, peut servir d’Exemple à ce passage [428] de notre illustre Prélat. On dit qu’elle fut écrire, sous le régne de Charles II, par un Ambassadeur de Bantam, un peu après son arrivée en cette Isle. ◀Metatestualità

Metatestualità► Lettre d’un Ambassadeur de Bantam à son Prince. ◀Metatestualità

Livello 3► Lettera/Lettera al direttore► Mon Maître,

« Les Gens, avec lesquels je suis, ont leurs Langues plus éloignées de leur cœur que Londres n’est de Bantam, & tu sais que les Habitans d’une de ces Places ignorent ce qui se fait dans l’autre. Ils t’apellent toi & tes Sujets des Barbares, parce que nous parlons comme nous parlons ; & ils se traitent eux-mêmes de Peuple civilisé, parce qu’ils disent toute autre chose que ce qu’ils pensent : Ils donnent le titre de Gossiereté à la Franchise, & Politesse au Mensonge. Dès que j’eus débarqué en ce Païs, un Anglois, que me fut envoïé de la part du Monarque de l’Isle, pour me recevoir, me dit, Qu’il étoit bien fâché de la Tempête survenue un peu avant mon arrivée. J’eus quelque chagrin de voir qu’il s’afligeoit à mon occasion ; mais en moins d’un quart d’heure il se mit à sourire, & il me parut aussi gai, que s’il eût été insensible à mon malheur. Un autre qui vint avec lui me fit dire par mon Interpréte, Qu’il auroit un joie extrême de me rendre quelque service, & qu’il m’ofroit tout ce que étoit en son pouvoir. Là-dessus je le priai de se charger d’un de mes Porte-manteaux ; [429] mais, au lieu de me servir, comme il me l’avoit promis, il en sourit, & ordonna à un autre de prendre le Paquet. Je logeai les sept ou huit premiers jours chez un Hôte, que me dit de regarder se Maison comme la mienne, & d’en user de même que si j’étois chez moi. En conséquence de cette permission, j’entrepris, dès le lendemain, d’abattre une de murailles, pour respirer en plus grand air, & d’empaqueter quelques-uns des Meubles, dans le dessein de t’en faire present : Mais cet insigne Maraut ne me vit pas plûtôt occupé à cet ouvrage, qu’il m’envoïa dire de le discontinuer, & qu’il ne pretendoit point qu’on fit de pareils desordres chez lui. Peu de tems après, un certain Homme, pur qui j’avois demandé quelque faveur de celui qu’on apelle ici le Grand Tresorier, qui est le principal Officier de la Couronne, me dit qu’il m’avoit des obligations infinies, & qu’il s’en souviendroit éternellement. Surpris d’une gratitude si excessive, je ne pûs m’empêcher de dire, Quel service y a-t-il qu’un Homme puisse rendre à un autre, pour l’obliger dans tout l’éternité ! Quoi qu’il en soit, je ne lui demandai pour toute récompense, si ce n’est qu’il voulût me prêter sa Fille aînée pendant mon séjour en ce Païs ; mai je trouvai bientôt qu’il étoit aussi perfide que le reste de ses Compatriotes.

La premiere fois que je me rendis à [430] la Cour, peu s’en falut qu’un des grands Seigneurs ne me fit perdre contenance, sur ce qu’il me demanda mille pardons, pour m’avoir marché sur le pied par mégarde. Ils apellent cette sotte de Mensonge un Compliment, & lors qu’ils veulent être civils à l’ègard d’une Personne distinguée, ils lui disent des Faussetez, pour lesquelles tu ordonnerois qu’un de tes Ministres d’Etat reçût cent coups de bâton sur la plante de ses pieds. Je no sai de quelle maniere je pourrai négocier la moindre chose avec ces gens, puis qu’on ne sautoit presque compter sur leur parole. Lors que je vais rendre visite au Scribe du Roi, on me dit d’ordinaire qu’il n’est pas au Logis, quoi qu’il n’y ait quelquesfois qu’un moment que je l’y ai vû entrer moi-même. Tu croirois, à les entendre, qu’ils sont tous Médecins ; car la premiere Question, qu’ils me font toûjours, est de me demander, Comment je me porte ? D’ailleurs, ils me le demandent plus de cent fois par jour. Ce n’est pas tout ; ils ne s’informent pas seulement de ma santé ; mais ils me la souhaitent bonne d’une maniere plus solemnelle, avec une Rasade à la main, lors que je suis à table avec eux ; quoi que d’un autre côté ils voudroient m’engager à boire de leurs Liqueurs jusques à me rendre malade, comme jen ai fait l’expériencé. Ils boivent souvent aussi à ta santé en grande cérémonie ; mais je dois plûtôt l’atendre de [431] ta bonne constitution, que de la sincérité de leurs vœux. Puisse ton Esclave échappet sain & sauf de cette race d’Hypocrites, & vivre assez long-tems pour se prosterner encore une fois à tes pieds dans la Cité Roïal de Bantam ! » ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 3 ◀Livello 2 ◀Livello 1

1C’est peut-être le même qui est cité dans le II. Tome du Spec. p.67. &c.