Cita bibliográfica: Anonym (Ed.): "LXIV. Discours", en: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.5\064 (1723), pp. 399-406, editado en: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Los "Spectators" en el contexto internacional. Edición digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1456 [consultado el: ].


Nivel 1►

LXIV. Discours

Cita/Lema► Nec lusisse pudet, sed non incidere ludum.

Hor. L. I. Epist. XIV. 36.

Je ne me repens pas d’avoir badiné autrefois ; mais j’aurais honte de continuer le même badinage. ◀Cita/Lema

Metatextualidad► Des effets du Discours précédent & des Lettres qu’il attira à l’Auteur. ◀Metatextualidad

Nivel 2► Le Plan que je viens de publier pour le choix des nouveaux Membres qui doivent entrer dans ma Coterie m’a attiré diverses Lettres de toutes parts. Un certain Homme à Projets m’écrit que, selon toutes les apparences, la solemnité de l’Ouverture de ma bouche y amenera une grande foule de Spectateurs, & là-dessus il me propose de la célébrer dans la Halle des [400] Papetiers, afin que tout le monde y soit à son aise. D’ailleurs, il veut se charger lui-même de toute la dépense, pourvû qu’il ait la permission d’y élever des Echafaudages & des Galeries de tous côtez, & d’en louer les places. Un Libraire m’a écrit, pour me suplier très humblement qu’il lui soit permis de faire imprimer le Discours que je prononcerai dans cette auguste Assemblée. On m’écrit aussi de tous côtez qu’il y a de grandes brigues dans plusieurs Coteries de la Ville, pour le choix d’une Personne propre à expédier avec moi les affaires épineuses qui se presenteront à notre Bureau. Trois de ces Coteries ont déja procedé à cette élection, mais il y en a une qui s’est partagée & qui a nommé deux Membres, au lieu d’un. Si je vois que mes Ennemis prennent avantage de mon silence pour m’attaquer ; ou si quelque autre Cas l’exige, puis que les Elections se trouvent si avancées, nous pourrions bien nous assembler avant le jour fixé ; ou si les choses continuent selon mes desirs, peut-être que je renvoïerai l’Assemblée plus loin ; mais quelque parti que je prenne à cet égard, je ne manquerai pas d’en avertir le Public.

Cependant je suis très-sensible à l’intérêt que cette grande Ville témoigne prendre au dessein que j’ai formé d’abandonner cet Ouvrage. Ce n’est pas une moindre satisfaction pour moi de voir qu’à l’ouïe de cette nouvelle, on a pris l’allarme dans quelques [401] endroits les plus reculez du Roïaume, d’où j’ai reçu diverses Lettres qui contiennent de grandes plaintes à cette occasion. Il y en a une, entre autres, datée de Berwick sur la Twede, qui me plaît beaucoup. L’Auteur y compare l’Office que j’ai exercé, depuis quelque tems, dans ces Roïaumes, à la Culture d’un vaste Jardin, Diálogo► « qu’il ne sufit pas, dit-il, de sarcler une fois pour toutes, & d’abandonner ensuite ; mais qu’il faut cultiver tous les jours, ou la terre, qu’on a d’abord sarclée, sera bientôt couverte de méchantes herbes ». ◀Diálogo Un autre me represente qu’il y a divers Excès sur le point d’éclorre, qui ne manqueront pas, à ce qu’il croit, de paroître dans toute leur étendue, aussitôt qu’on ne me verra plus la Verge à la main. Diálogo► « Il n’y a nul doute, continue-t-il, que les Coifures des Dames ne viennent à pousser de nouvelles tiges, d’abord qu’elles sauront qu’elles ne sont plus sous les yeux du Spectateur ; & j’ai déja vû des Chapeaux, sous les bras des Etrangers, d’une si vaste circonférence, qu’il est à craindre qu’ils n’obscurcissent notre Isle de leur ombre un Mois ou deux après que vous aurez quité la Plume ». ◀Diálogo Mais, de toutes ces Lettres, il n’y en a pas une qui me paroisse si bien tournée que la suivante ; elle me réjoüit d’autant plus, qu’elle m’est écrite par quelques-uns des Membres d’un illustre Corps que j’honorerai toute ma vie, & où mes Spéculations (je ne saurois le dire sans [402] une secrete vanité) ont eu un acueuil très-favorable. Il est ordinaire aux Poëtes qui publient leurs Ouvrages de mettre à la tête des Vers qui sont faits à leur honneur. Ce n’est pas qu’ils se plaisent à y voir leurs éloges ; mais c’est afin que ces belles Piéces de leurs Amis ne viennent à se perdre. Metatextualidad► Je dois me servir de la même apologie pour la publication de la Lettre suivante, où j’ai laissé tout l’encens qui m’y est prodigué à pleines mains avec trop de bonté, quoi que mes Correspondans puissent témoigner, qu’en d’autres occasions, j’ai presque toujours effacé tous ces endroits avantageux des Lettres qu’ils m’ont écrites. La voici donc telle que je l’ai reçue. ◀Metatextualidad

O. ◀Nivel 2

Metatextualidad► Lettre de quelques Membres de l’Université d’Oxford sur le Discours précédent. ◀Metatextualidad

A Oxford le 25. De Nov. 1712.

Nivel 2► Nivel 3► Carta/Carta al director► Mr. le Spectateur,

« Malgré votre invincible taciturnité, vous avez trouvé le secret d’être de la plus agréable société du monde : Cette espece de Conversation que vous soutenez avec la Ville a toûjours le bonheur de plaire à ceux qui ont du goût & du loisir, & de ne choquer jamais ceux qui sont dans l’embarras & le tumulte des affaires. Vous ne demandez jamais audience qu’à propos & dans ces heureux momens qu’Horace apelle 1 dextre [403] tempore : Vous avez aussi le talent d’observer cette Régle de Politique, que le même Auteur donnoit à son Ami, lors qu’il le chargea de presenter ses Ouvrages à Auguste : N’en venez pas-là, lui dit-il, s’il n’est en parfaite santé, s’il n’est de bonne humeur, & s’il ne demande lui-même à les voir :

Cita/Lema► 2 Si validus, si lœtus erit, si denique poscet. ◀Cita/Lema

Vous ne commencez jamais à parler que lors qu’on souhaite de vous entendre, & il n’y a personne qui témoigne aucun chagrin jusqu’à ce que vous ne parlez plus. Mais je me laisse entraîner insensiblement à des réflexions qui ne sont pas de mon but principal : Je voulois vous avertir qu’il y a quelques uns des sinceres Admirateurs de vos Discours inimitables, qui pourroient vous adresser sans aucune flaterie, la même Salutation qu’on emploïoit à l’égard des Princes Orientaux, & vous dire, O illustre Spectateur, puissiez-vous vivre éternellement ! Je voulois, dis-je, vous avertir que ces Admirateurs craignent, avec Mr. 3 Philospec, que l’éclipse de vos meilleurs Amis ne présage bientôt la vôtre. Nous ne trouvons pas à la vérité qu’il y ait au-[404]cun sujet légitime de se plaindre de la maniere dont vous avez fait disparoître ce vénérable Corps : Non, le Monde n’étoit pas digne de votre savant Théologien : Mr. Honeycomb ne pouvoit guére plus avec honneur, vivre dans le Célibat. Le Jurisconsulte du Temple devoit enfin s’apliquer à l’étude des Loix ; & la Mort de Mr. de Coverley a été la plus belle action de sa vie. Avec tout cela, nous avons ressenti une vive douleur, dans la crainte où nous sommes de perdre un Entretien si exquis & si utile. Nous ne pouvons même réfléchir sans inquiétude sur ce que, pour humer notre Caffé le matin, & le suspendre, presque en l’air, entre nos lévres & l’oreille droite, nous n’aurons plus que les misérables Nouvelles de nos Gazetiers. Aussi avons nous résolu de ne pas vous congédier si vite. Mais puis que la Saison des Cerises, pour me servir de cette Métaphore que vous avez mis en usage quelque part, tend vers sa fin, & que le Marché en est rempli, nous en secherons une bonne quantité, pour nous régaler de ce Fruit délicieux aussi long-tems qu’il nous sera possible. Il est vrai qu’alors elles n’aprochent pas du goût de celles qui sont fraîches ; mais avec tout ce desavantage, elles piquent agréablement le palais, & valent mieux pour un Dessert que tout autre Fruit qui est de saison. Pour parler clair & d’une manière simple, nous avons commencé quelques-uns d’entre [405] nous à relire vos Ouvrages, & nous y destinons deux soirs de la semaine. Avant que de nous séparer, nous buvons toûjours à votre santé, & nous vous remercions en termes généraux du profit qui nous revient de cette seconde lecture. Nous croïons d’ailleurs que cet Etablissement est plus utile qu’aucune autre de vos Coteries, sans en excepter même 4 celle des Laids. Nous avons un avantage manifeste sur les Membres de cette fameuse Société, à l’égard de votre conversation. Du moins, quoi qu’ils se puissent vanter de joüir quelque-fois de votre presence corporelle, ils ne sauroient jamais vous arracher un seul mot de la bouche. Au lieu qu’avec nous, vous êtes le contrepied de ce que 5 Phedrie aurait voulu que sa Maitresse fût dans la compagnie de son Rival, c’est-à-dire, que vous êtes present, malgré votre absence. Nous vous obligeons à parler aussi peu & aussi long-tems qu’il nous plaît, & sâchez que votre Langue n’est presque jamais en repos de toute la soirée. Je me flate que vous jetterez un œuil favorable sur une Société qui doit son origine à l’émulation de ses Membres, qui disputent entre eux à qui aura le plus d’estime pour vos beaux Discours, & qui n’en manquent pas pour votre Personne. J’ose même vous assûrer que vous [406] ne trouverez aucune part quatre Admirateurs plus sinceres, ni qui vous soient plus dévoüez que vos tres-humbles serviteurs, »

TF. GS. JT. ET. ◀Carta/Carta al director ◀Nivel 3 ◀Nivel 2 ◀Nivel 1

1Lib. II. Sat. I. 18.

2Lib. I. Epist. XIII. 3.

3Voyez la Lettre, qui est à la fin du LVIII. DISC. de ce Vol.

4Voyez le XIII. Disc. du I. Tome, p.85. 89.

5TERENCE Eunuch. Act. I. Sc. II. v. 112.