Le Spectateur ou le Socrate moderne: LIX. Discours
Permalink: https://gams.uni-graz.at/o:mws.2593
Ebene 1
LVX. Discours
Zitat/Motto
—— —— —— facies non
omnibus una
Nec diversa tatem —— —— ——
Nec diversa tatem —— —— ——
Ovid. Metam. L. II. 13.
Tous n’ont pas la même figure, quoi qu’ils se ressemblente à divers égards.Metatextualität
La Providence de Dieu
demontrée dans la formation du Corps Humain & des autres
Animaux.
Metatextualität
La Providence de Dieu
demontrée dans la formation du Corps Humain & des autres
Animaux.
Ebene 2
Ceux d’entre les Anciens qui étoient
experts dans l’Anatomie concluoient, de la fabrique externe
& interne du Corps Humain, que c’étoit l’ouvrage d’un Etre
tout-sage & tout-puissant. A mesure que les Hommes devinrent
plus hábiles à cet égard, leurs découvertes leur donnerent de
nouvelles occasions d’admirer la Providence dans la formation de
cette Machine. Galien en fut si frapé, qu’à la vûe de cette
admirable structure, il ne put s’empêcher de reconnoître le
doigt du souverain Monarque de l’Univers. Il est vrai qu’il y
avoit bien des parties, dont les anciens Anatomistes ignoroient
le véritable usage; mais comme ils voïoient que la plûpart de
celles qu’ils examinoient étoient ajustées à leurs diferentes
fonctions avec un art merveilleux, ils ne doutoient pas que
celles, dont ils ne pouvoient déterminer les usages, ne fussent
construites avec la même sagesse pour leurs fins respectives.
Depuis qu’on a trouvé la circulation du sang,
& que nos Anatomistes modernes ont fait plusieurs autres
découvertes de grande importance, nous voïons de nouveaux
miracles dans la structure du Corps Humain, & nous
apercevons, en plusieurs de ses parties, divers usages
considerables qui étoient inconnus aux Anciens. En un mot, le
Corps de l’Homme est un Sujet qui peut subir l’examen le plus
rigoureux. Quoi qu’au premier coup d’œuil, & sans en avoir
qu’une connoissance très-superficielle, il paroisse formé avec
toute la sagesse posible; plus on le recherche, plus on
l’aprofondit, & plus il augmente notre surprise & notre
admiration. Ce que je viens de dire du Corps Humain peut
s’apliquer au Corps de tous les Animauix, qui ont servi de
matiere aux observations des Anatomistes. Le Corps d’un Animal
est un Objet proportionné à nos Sens. C’est un Système
particulier de la Providence, enclavé dans des bornes fort
étroites. L’Oeuil le peut embrasser, &, par un examen
réïteré, fouiller dans toutes ses parties. Si le Corps de toute
la Terre, ou même de tout l’Univers, étoit assujeti de cette
maniere à la recherche de nos Sens, & qu’il ne fut pas d’une
trop vaste étendue pour la foiblesse de nos yeux & de nos
mains, il n’y a nul doute qu’il ne nous parût aussi habilement
construit que la fabrique de notre Corps. Nous verrions, dans
toutes ses parties en gros & en détail, la même enchaînure
& la même dépendance, la même nécessité &
le même usage, la même beauté & la même harmonie, que nous
observons dans le Corps de chaque Animal. Plus notre Raison a de
l’étendue, & plus elle est capable de réflechir sur des
Objets immenses, plus elle découvre des traits de Sagesse &
de Providence dans les Ouvrages de la création. Un Chevalier
Newton, qui est une des Merveilles de notre siécle, peut
envisager tout un Système de Planétes; en examiner le poids, le
nombre & la mesure; & en tirer autant de bonnes
Démostrations d’une Puissance & d’une Sagesse infinie, qu’un
Esprit plus borné en peut recueillir du Système du Corps Humain.
Mais pour revenir à nos speculations sur l’Anatomie, je
considererai ici la struture du Corps des Animaux dans une
certaine vûe, qui fait voir, selon moi, que celui qui les a
formez est un Etre tout-puissant & tout-sage, avec une
évidence qui vaut celle de mille Démonstrations. Je croi que
nous pouvons poser d’abord comme un Principe incontestable, que
le hazard ne peut jamais agir d’une maniere uniforme &
constante. Si l’on jettoit toûjours le même Nombre avec dix
mille Dez, ou si chaque Coup surpassoit toûjours cinq fois le
précedent, ou qu’il fut toûjours cinq fois audessous, qui ne
s’imagineroit qu’il y a quelque Puissance invisible qui dirige
le Coup? C’est aussi la méthode que nous observons dans les
Ouvrages de la Nature. Chaque sorte d’Animal est
variée par diferentes grosseurs, dont chacune est la base d’una
diferente Espece. Qu’on parcoure toutes les sortes de Chiens ou
de Lions, & l’on trouvera que la plûpart des Ouvrages de la
Nature sont publiez, s’il m’est permis de me servir de cette
expression, en divers Formats, en grand & en petit Volume.
Si nous jettons les yeux sur les Reptiles, ou sur les Animaux
qui vivent dans l’Eau, nous y voïons les mêmes répetitions entre
plusieurs Especes, qui ne diferent guéres les unes des autres
que par la taille & la grosseur. La meme Créature, qui
paroit en grand, est copiée en divers proportions, jusqu’à ce
qu’elle se réduit en Miniature. Il ne seroit pas moins ennuïeux,
qu’inutile pour ceux qui sont versez dans l’Histoire naturelle
des Animaux, si je leur donnois ici des Exemples de cette
conduite reguliere de la Providence. La magnifique Harmonie de
l’Univers est telle, que nous y pouvons observer un nombre
infini de Consonances qui roulent sur le même Ton. Je pourrois
étendre cette idée jusques aux parties insensibles de la Nature,
où l’on voit la Matiere disposée en divers Systèmes similaires,
soit qu’on examine les Etoiles & les Planétes, ou les
Pierres, les Vegetaux & les autres Corps sublunaires. En un
mot, Dieu a fait voir les richesses de sa bonté & de sa
puissance, non seulement dans la production de plusieurs Especes
originales & primitives; mais aussi dans la multitude de celles qui en descendent par degrez, & qui
forment de nouvelles Especes. Portons cette pensé plus loin:
Chaque Créature vivante, considerée en elle-même, a divers
partis fort compliquées, qui sont des Copies exactes de quelques
autres de ses parties compliquées de la même maniere. Un Oeuil
auroit sufí pour l’entretien & la conservation d’un Animal;
mais, afin d’améloirer son état, la Nature lui en a donné un
autre, placé, avec una exactitude mathématique, dans la même
situation aventageuse, & qui est à tous égards de la même
grosseurs & de la même contexture. Le Hasard pourroit-il
être si exact & si uniforme dans ses operations? Quand un
million de Dez jettez en l’air ameneroient deux fois de suite le
même nombre, cela n’aprocheroit pas de l’autre merveille. Mais
lors que nous voïons cette ressemblance dans les Bras, les Mains
& les Doigts; lors que nous voïons que una moitié du Corps
répond exactement à l’autre dans tous ces petits traits délicts,
sans lequels un Homme auroit très-bien pû sussister; lors que
nous voïons souvent une partie répetée cent fois dans le même
Corps, quoi qu’elle soit composée d’un Nombre infini de fibres
entrelacées les unes avec les autres d’une maniere étonnante,
& que ces parties diférent entre elles pour la grosseur ou
la petitesse, selon que l’exige l’endroit où elles se trouvent;
lors, dis-je, que nous voïons tout cela, il faut être bien
aveugle pour n’y pas découvrir le doigt de Dieu.
Ces parties doubles, sans lesquelles un Homme auroit pû
subsister, quoi que non pas si bien qu’avec elles, sont une
démonstration évidente de la Sagesse infinie du Créateur; &
cette grande conformité, qui est entre les vaisseaux multipliez
du même Corps, prouve manifestement qu’ils ne sauroient être
l’Ouvrage du Hasard. Cette Démonstration reçoit un nouveau degré
de force, si nous l’apliquons à chaque Animal & à chaque
Insecte en particulier, qui nous est connu, aussi bien qu’à ce
nombre infini de Créatures vivantes qui sont trop petites pour
être l’objet de nos yeux; & si nous examinons la
ressemblance qui se voit à plusieurs égards entre les diferentes
Especes d’Animaux, autant qu’elle convient à l’état où chacune
d’elles se trouve. Il est beaucoup plus probable que cent
millions de Dez jettez au hasard ameneroient cent millions de
fois le même Nombre, qu’il ne l’est de s’imaginer que le Corps
d’aucun Animal puisse êtres organisé par le concours fortuit des
atomes de la Matiere. Mais de vouloir que le même Hasard se
trouve dans un nombre infini d’Exemples, il faut être d’une
crédulité qui passe toutes les bornes du Sens commun. Que
será-ce, si nous réflechissons sur les deux Sexes dans chaque
Espece de Créature vivante, sur les ressemblances qu’ils ont
l’un avec l’autre, & sur ce qui les distingue nécessairement
pour servir à l’entretien de ce Monde animé? Il y a plusieurs
autres Démonstrations de l’Etre suprême, aussi bien
que de la Sagesse, de la Puissance & de la Bonté infinies
qui éclarent dans la formation du Corps d’une Créature vivante,
pour les quels je renvoie mes lecteurs à d’autres Ouvrages,
& en particulier au sixiéme Livre du Poëme intitulé1La Création, où la
fabrique du Corps Humain est décrite avec beaucoup d’élegance
& de netteté. Mais je me suis étendu sur la Pensée qui roule
dans tout ce Discours, parce que je ne l’ai pas vûe ailleurs si
développée.
1Mr. Le Chevalier RICHARD BLACKMORE, Docteur en Médecine, et l’Auteur de ce Poëme.