Citazione bibliografica: Anonym (Ed.): "LVI. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.5\056 (1723), pp. 349-355, edito in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Gli "Spectators" nel contesto internazionale. Edizione digitale, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1448 [consultato il: ].


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LVI. Discours

Citazione/Motto► O verè Phrygiæ, neque enim Phryges!

Virg. Æneid. IX. 617.

O vous, qui êtes plûtôt de véritables Phrygiennes, que de Phrygiens ! ◀Citazione/Motto

Livello 2► Racconto generale► J’étois l’autre jour dans la Boutique de mon Libraire, lors qu’une jolie Demoiselle ; qui paroissoit avoir environ dix-huit ans, y descendit de son Carosse, passa tout auprès de moi, & lui fit signe de s’avancer jusques au bout de son Comptoir, où elle lui dit quelque chose à l’oreille d’un air fort atentif, & lui donna en même tems une Lettre : Ensuite elle appuïa le bout de son Eventail sur la main du Libraire, echeva de lui dire ce qu’elle vouloit, & se retira. J’observai qu’elle rougissoit au milieu de son discours, & qu’informée que j’étois l’homme du visage court, dont elle avoit lû si [350] souvent les Speculations, elle tourna la tête pour me regarder de coin de l’œuil. Ce n’est pas tout, lors qu’elle repassa devant moi, elle me sourit d’un air gracieux & m’honora d’une réverance. Mais elle sortit de la Boutique, & remonta en Carosse d’une manière si leste, après avoir ordonné au Valet de la faire conduire où il savoit, qu’à peine eus-je le tems de lui rendre le salut. Dès qu’elle fut partie, mon Libraire me remit une Lettre adressée A l’ingénieux Spectateur, que cette jeune Dame l’avoit prié de me donner en mains propres, & de me dire, que si je la publiois incessamment, je ne l’obligerois pas elle seule, mais une troupe de mes Amies, qui lisent ma Feuille volante autour de la Table à Thé. Je l’ouvris donc, résolu de la publier quoi qu’elle pût contenir ; & si quelsques-uns de mes Lecteurs étoient assez critiques pour la desaprouver, je ne doute pas qu’ils n’en fussent charmez aussi bien que moi, s’ils avoient vû l’aimable personne qui l’a écrite. ◀Racconto generale

Metatestualità► Lettre sur les Damoiseaux qui devroient s’emploïer à nouer des Franges. ◀Metatestualità

Livello 3► Lettera/Lettera al direttore► Mr. le Spectateur,

« Vous êtes toûjours prêt à recevoir tout ce qu’on peut vous insinuer ou vous proposer d’utile au Public ; & je me flate que vous jugerez tel un Expédient qui vous fournira les moïens d’employer la Race la plus fainéante de tout le Roïaume, je veux dire ces Hommes qu’on distingue par les Noms de Damoiseaux, de Petits [351] Maîtres, &c. Vous savez que ces beaux Messieurs ne sont pas faits pour les Emplois mâles, & que, faute d’ocupation, ils se voient souvent exposez aux Vapeurs aussi bien que les Dames. D’un autre côté, vous n’ignorez pas que les Franges à nœuds sont revenues à la mode, & que c’est un assez joli amusement. Je souhaiterois donc qu’il vous plaît de le recommander à ces Messieurs, puis que par-là ils peuvent se rendre utiles aux Dames qu’ils admirent. C’est d’ailleurs un Exercice, qui ne détourne point d’aucune sorte de Jeu, ni de tout autre Divertissement ; qu’on peut faire à la Comédie, en Carosse, auprès de la Table de Thé ; en un mot, dans tous les Lieux où ils se rendent pour l’amour des Dames, si vous en exceptez l’Eglise, où je vous prie, s’il vous plaît, de le défendre, pour éviter toute équivoque ; Ainsi je compte qu’ils s’y adonneront volontiers. Outre cela, c’est une Ocupation qui admet bien des graces, comme on peut le voir dans le beau Sexe, & qui doit encourager d’autant plus les Damoiseaux à l’embrasser ; Par exemple, elle fait paroître, avec tout l’avantage possible, une Main blanche & un Brillant magnifique ; & laisse les yeux, les Pensées & la Langue en pleine liberté de s’emploïer comme à l’ordinaire. Enfin, elle me paroit si convenable à tous égards, qu’il est inutile d’en relever le prix par la satisfaction que ces Maîtres Noueurs au-[352]ront de voir leur Ouvrage mêlé dans une Frange avec celui d’une belle Dame, pour laquelle & avec laquelle ils l’auront fait. En verité, Mr. le Spectateur, je suîs ravie d’avoir trouvé quelque chose à la portée de ces Messieurs ; puis qu’il seroit fort triste qu’une si grande Partie du Royaume demeurât en friche & les bras croisez. Je ne vous retiendrai pas plus long-tems, & je me borne à vous dire que je suis toûjours du nombre de celles qui lisent vos Feuilles volantes, & qui vous admirent le plus.

C.B.

P.S. Le plutôt qu’on mettra ces beaux Messieurs en œuvre ne sera que le mieux ; puis qu’il y a quantité de belles Franges commencées qui n’atendent qu’un nouveau renfort de mains. » ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 3

Metatestualità► L’autre Piéce dont je regalerai mes Lecteurs contient la Description d’une espéce d’Hommes, que je ne sache pas d’avoir envisagez, quoi qu’assez communs dans le Monde, par le même endroit que la Lettre suivante les caratérise. ◀Metatestualità

Metatestualità► Lettre sur les Hommes que servent de Chausse-pié aux Dames. ◀Metatestualità

Livello 3► Lettera/Lettera al direttore► Mr. le Spectateur,

« Vous avez si bien raisonné en dernier lieu sur l’Amour conjugal, qu’il n’y a nul doute que vous ne découragiez, dans les démarches que précedent cette Union, [353] toute pratique qui a plûtôt en vûe l’interêt sordide que le véritable Bonheur. D’un autre côté, il ne se peut que vous n’aïez observé que la plûpart de nos jeunes & jolies Demoiselles se piquent de suivre l’exemple des Dames les plus graves, & de retenir à leur service, par quelque petit encouragement, un aussi grand nombre qu’elles peuvent d’Adorateurs inutiles & surnuméraires, qu’elles emploient comme des Appeaux, & qu’elles nomment d’ordinaire des chausse-pieds. Ceux-ci ne doivent jamais savoir à quel point elles se chaussent ; mais lors qu’elles trouvent Chaussure propre à leur pied, & qu’il s’offre un Bon Parti, ils servent à l’animer & à le piquer au Jeu, jusqu’à ce qu’il soit arrivé au point qu’il faut. Ce n’est pas tout, Madame Desmarizieres, cette grave Matrone, croit qu’il est très-convenable que toute Famille sage & prudente ait plusieurs de ces Outils autour de la Maison, pour s’en servir au besoin, & que tout Galant doit produire un Certificat de sa qualité de Chausse-pied, avant que d’être admis pour Chaussure. Une certaine Dame, que je pourrois nommer s’il le faloit, a presentement à son service plus de Chausse-pieds de toutes les tailles, de tous les Païs, & de toutes les couleurs, qu’elle n’a jamais eu de Souliers neufs en sa Vie. J’ai connu une Femme, qui, après s’être servi d’un Chausse-pied bien des années de suite, & avoir vû [354] qu’il ne réussissoit dans cet emploi, le convertit enfin en Soulier. Je serois fort trompé, ou votre bon Ami Mr. Honeycomb étoit un vieux Chausse-pied de rebut, avant qu’il se mariât en dernier lieu. Pour moi, je vous déclare ingénûment que j’ai été un véritable Chausse-pied depuis plus de vingt années, dont j’ai passé plus de cinq à servir à ma premiere Maitresse, avant qu’elle trouvât Chaussure qui lui convint. J’avoue d’ailleurs que, malgré la foule de ses Courtisans, je me crus toûjours le meilleur Soulier de sa Boutique, & que je ne découvris ma destinée qu’un Mois avant son Mariage. Ce revers, qui faillit à me causer la mort, me rendit si soupçonneux, que, sur quelques manieres un peu desobligeantes de ma seconde Maitresse, je lui dis qu’elle me prenoit sans doute pour son Chausse-pied. Là-dessus, ma chere Climène, qui étoient <sic> une franche Coquette de son naturel, me répondit que j’étois un Hypocondriaque, & que je pourrois aussi bien m’imaginer être un Œuf ou un Pot de terre. Mais fort peu de tems après elle me fit connaître que je n’étois pas trompé à cet égard. Je vous ennuïerois, mon cher Monsieur, si je vous racontois la Vie d’un malheureux Chausse-pied, & si je vous donnois le triste & long recit de mes propres soufrances. J’aime donc mieux vous exhorter à une entreprise qui me paroît digne de votre Poste, je veux dire à décider en quels Cas il peut [355] être permis à une Dame de se servir, avec honneur, d’un Chausse-pied, & si une Fille qui est au-dessous de vingt-cinq ans, ou une Veuve qui n’a pas été trois années dans cet état, peut avoir un tel privilege ; comme aussi resoudre toutes les autres dificultez qui vous viendront naturellement dans l’Esprit sur un Article de cette importance. Je suis, &c. » ◀Lettera/Lettera al direttore ◀Livello 3

O. ◀Livello 2 ◀Livello 1