Et si duarum pœnitebit, inquit,
addentur duæ.
Plaut. Stich. Act. IV. Sc. I. 44.
S’il n’en a pas assez d’une, a dit ce jeune
Homme, je lui en donnerais deux ; & si deux ne lui sufisent
pas ; j’y en ajouterai deux autres.
Spectateur,
« Vous nous avez donné de très-bons Discours sur cette cruelle & dénaturée coûtume des
Peres & des Meres, qui obligent leurs Enfans de se marier contre
leur inclination. Sans un plus longue préface, je vous exposerai mon
Cas à cet égard, & je vous en laisserai le Juge. Mon Pere &
ma Mere, qui son déja avancez en âge, souhaiteroient fort de me voir
établi, comme ils parlent, moi qui suis leur Fils aîné. Je ne le
souhaite pas moins qu’eux ; mais leur malheur est que je dois
m’établir à leur fantaisie & non pas à la mienne. C’est
là-dessus qu’ils me tourmentent tous les jours, pare que je n’ai pû
aimer jusques-ici, malgré moi & mes dents, une des Filles d’un
Gentilhomme de notre voisinage, que en a quatre, dont, est une Fille de mérite. Cela est vrai,
Monsieur ; mais elle est un peu trop âgée pour moi. Mon fils, elle n’en sera que d’autant plus
discrete & bonne Ménagere. Ensuite ma Mere vient à la
charge, Est-ce que n’est pas d’une grande beauté ? Oui, Madame ; mais elle n’a point de
Conversation, je ne lui trouve ni feu, ni agrément, ni esprit dans
le Discours, non plus que dans la Mine. Je
l’avouë, mon Fils ; & c’est pour cela même qu’elle fera
d’une humeur aisée, douce, obligeante & traitable.
Après avoir essuïé cet assaut, une vieille Tante, qui est du nombre
de ces bonnes Femmes qui lisent des Comédies avec les Lunetes sur le
nez, vient m’en livrer un autre, & me dire, Mon Neveu, que pensez-vous de la grande Bon, voilà qui va bien, vous en raillerez
tant qu’il vous plairra ; mais une taille avantageuse donne un
air noble & majestueux. Allons,
laissez-moi faire, dit enfin une de mes Cousines que
demeure dans la Maison, je lui trouverai bien ce
qu’il lui faut : Vous ne pensez pas à la jolie Mlle
Qu’en dits-vous, mon cher
Cousin ? Elle ne peut que vous plaire. Ah ! ma chere
Cousine, je suis vôtre très-humble serviteur ; Est-ce ainsi, replique-t-elle, Monsieur
le délicat ? Vous n’avez que vingt deux ans passez, &, dans
six Mois, Mlle
Fanchon
entrera dans sa treiziéme : de sorte qu’elle peut
aprendre tout te que l’on voudra. D’ailleurs elle sera si
obéissante ; peut-être qu’elle pleurera de tems en tems, mais
elle ne sera jamais en colere. Spectateur, que
je dois mener une vie bien agréable. Quoi qu’il en soit, je vous
avouerai de bonne foi, qu’il y a déja trois ans passez que je suis
éperdûment amoureux d’une jeune Demoiselle, que je nommerai, s’il
vous plaît, . Je
l’ai souvent proposée à mon Père & à ma Mère avec tout le
respect d’un Fils obeïssant ; mais avec toute l’impatience d’un
Homme qui est charmé de l’Objet qu’il aime. Je vous prie, Monsieur,
de penser à ces trois Années. Quelles inquietudes accablantes ne
dois-je pas avoir essuïè ; à quel triste & déplorable état
n’ai-je pas été réduit durant un espace de trois longues Années
accomplies ? Ah ! c’est-là ce qui me desole. L’air, l’esprit &c. »
Tristan le Feru.
Spectateur,
« Lors que vous avez censuré nos jeunes Etourdis qui se piquent de
faire les Cochers dans la Ville & à la Campagne, je souhaiterois
que vous eussiez emploïe quelques-uns de ces momens à examiner ce
qui se passe dans l’interieur de ces Voitures. Je sai bien que j’ai
soufert ma bonne part de l’insolence & de la brutalité de
quelques-uns de ces Messieurs, avec qui je me suis trouvée en
dernier lieu dans un Coche qui alloit d’Essex
à Londres. Je ne doute pas même qu’après
avoir entendu ma Relation, vous ne conveniez avec moi qu’il y en a
plusieurs de ceux qui se disent Gentilshommes qui ne Discours. Est-ce que tout
Impertinent aura le privilege de me tourmenter dans un Coche, où je
paie ma place aussi bien que lui ? Regardez-nous, s’il vous plaît,
réduites à ce cruel état, comme le Sexe le plus foible, qui n’a rien
pour se défendre, & je croi qu’il n’est pas moins indigne d’un
Gentilhomme d’apeller une Femme en Duel, que de dire des obscénitez
en sa presence, sur-tout lors qu’elle ne peut se retirer.
Permettez-moi de vous raconter ici une Avanture, que vous tournerez,
s’il vous plaît, â votre maniere, afin qu’elle puisse mieux soutenir
la vûe du Public. Voyez de quelle maniere Mr. Ce Philosophe, leur dit-il, fut prié un jour à
diner avec les Seigneurs
Ce n’est pas tout, Monsieur ; j’ai oui dire que vous êtes aussi
habile Machiniste que célebre Spectateur. Je vous prie donc
très-humblement de vouloir inventer quelque sorte de Cadenat,
d’accorder un plein Pouvoir, signé de votre main & cacheté de
votre Seau, à toutes les Personnes modestes, soit Hommes ou Femmes,
de l’appliquer à la bouche de tous les Impertinens de l’ordre de
ceux dont je viens de vous entretenir. Je souhaiterois d’ailleurs
que vous publiassiez un Edit, par lequel il fut enjoint à toute
Personne modeste, qui a quelque estime pour sa contenance, & qui
ne voudroit pas ainsi la perdre, de ne pas se hasarder, après un
certain jour fixe, à voïager sons avoir un de ces Cadenats dans la
poche. Il me semble qu’un de vos Discours
un peu severe là-dessus pourroit bien tenir lieu d’un pareil
Cadenat ; mais il fau-&c. »
T. Mar. Chastelein.