Sugestão de citação: Anonym (Ed.): "XXXIV. Discours", em: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.5\034 (1723), S. 204-209, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1423 [consultado em: ].


Nível 1►

XXXIV. Discours

Citação/Divisa► —— —— —— Huc natas adjice septem
Et totidem juvenes, & mox generósque nurúsque ;
Quærite nunc, habeat quam nostra superbia causam.

Ovid. Metam L. VI. v. 182.

Ajoutez-y sept Filles & autant de Garçons, ensuite les Gendres & les belles-Filles : Demandez après cela quel est le sujet de notre gloire. ◀Citação/Divisa

Metatextualidade► Le bonheur de Mariage à deux égards particuliers. ◀Metatextualidade

Nível 2► Nível 3► Carta/Carta ao editor► Monsieur,

« Vous êtes si bien versé dans l’Histoire & la Vie de Socrate, que vous avez lû sans doute qu’il discourut un jour avec tant de succès & de force, sur le agrémens de l’Amour conjugal, que tous les jeunes Hommes, qui étoient de ses Auditeurs, résolurent de se marier à la premier ocassion, & que tous les Hommes mariez prirent aussitôt la post pour aller rejoindre leurs Femmes. Je ne doute pas que vos Discours, où [205] vous avez tracé de si agréables peintures du Mariage n’aient produit à cet égard un très-bon effet en Angleterre. Nous vous sommes obligez du moins, de ce que vous avez banni la sote & impertinente coûtume qui régnoit depuis longtems & qui engageoit les prétendus beaux Esprits de la Ville à se moquer de leurs Peres & de leurs Meres, & à les tourner en ridicule. Pour moi, je suis né d’un légitime Mariage, & je suis fort aise que tout le monde le sache : C’est pour cette raison-là même, entre plusieurs autres, que je me croirois le plus sot de tous les Hommes, si je m’avisois de soutenir que le Courage est inséparable du Mariage, ou d’emploïer les termes du Mari & d’Epouse comme des termes injurieux. Je vais même plus loin, Monsieur, & j’avouë, à la face de toute la terre, que je suis marié ; J’ai d’ailleurs assez d’éfronterie pour n’avoir pas honte de ce que j’ai fait.

Entre les divers plaisirs qui accompagnent cet état, & que vous aves décrit dans quelques-uns de vos Discours, il y en a deux que vous n’avez pas relevez, & dont ceux qui traitent le même sujet ne prennent guére connoissance. Vous aurez bien observé, dans vos Méditations sur la Nature Humaine, qu’il n’y a rien de si agréable à l’Esprit de l’Homme que le Pouvoir ou la Domination, & c’est ce dont je me crois ample-[206]ment pourvu, en qualité de Pere de Famille. Je suis toûjours occupé à donner des ordres, à prescrire certains devoirs, à entendre les plaintes des uns & des autres, à administrer la Justice, à distribuer des récompenses & des châtimens ; &, pour me servir des termes du Centenier de l’Evangile, 1 je dis à l’un : allez là, & il y va ; & à l’autre : venez ici, & il y vient ; & à mon esclave : faites cela, & il le fait. En un mot, je regarde ma Famille comme une Souveraineté Patriarchale, dont je suis en même tems le Roi & le Prêtre. Tous les grands Gouvernemens ne sont autre chose qu’un amas de ces petites Royautez particulieres, & c’est pour cela que j’envisage les Maîtres de Famille comme de petits Lieutenans de Gouverneur, qui président sur les differens petits Corps & les divers Pelotons de leurs Compatriotes. Si d’un côté je trouve un plaisir sensible à régir mon Domestique ; de l’autre, je me crois non seulement plus utile à la Societé, mais aussi plus illustre & plus’heureux qu’aucun jeune Homme en Angleterre, de mon rang & de ma condition, qui n’est pas marié.

Il y a un autre bien qui résulte du Mariage, & que j’ai obtenu, je veux dire le plaisir d’avoir nombre d’Enfans. Je ne puis que les regarder comme une grande benediction du Ciel. Lors que j’ai mon [207] petit troupeau sous les yeux, je me réjouïs d’avoir fait cette addition à mon Espece, à ma Patrie & à ma Religion, ou d’avoir produit un tel nombre de Créatures raisonnables, d’Habitans & de Chrétiens. Je me plais à me voir ainsi perpétué, & puis qu’aucune Production n’est comparable à celle d’une Créature Humaine, je tire plus de vanité d’avoir contribué à dix de ces glorieuses Productions, que si j’avois bâti cent Pyramides à mes fraix & dépens, ou publié autant de Volumes remplis de tout l’Esprit & de tout le Savoir du monde. Quel relief l’Ecriture sainte ne donne-t-elle pas à Habdon, un des Juges d’Israël, lors qu’elle dit 2 qu’il avoit quarante Fils & trente petits-Fils, qui montoient sur soixante-dix Anons, suivant la magnificence des Païs Orientaux ? De quelle joie le cœur de ce bon Vieillard ne devoit-il pas être inondé, lors qu’il voïos une si belle prosession de ces descendans, & une si nombreuse Cavalcade sortie de ses reins. Pour moi, je goûte un plaisir tout extraordinaire dans ma Sale, lors que je passe en revûe une demi douzaine de mes petits Garçons montez à cheval sur des Cannes, & autant de petites Filles qui s’amusent à instruire leurs Poupées ; lors qu’il y a de l’émulation entre eux, & qu’ils tâchent de faire quelque chose pour abtenir mes bonnes graces & mon apro-[208]bation. Je ne saurois douter que celui qui m’a beni d’une si nombreuse lignée ne me fournisse les moïens de pourvoir à leur subsistance ; & qu’il ne seconde les éforts que j’y emploie. Il y a d’ailleurs un soin que je puis accorder à tous, c’est-à-dire de les élever dans la crainte de Dieu. Je croi que le Chevalier François Bacon a observé que, dans une Famille où il y a plusieurs Enfans, l’àiné est souvent gâré par l’esperance d’un Héritage considérable, & le plus jeune, parce qu’il est le Favori du Pere & de la Mere ; mais que l’un ou l’autre de ceux du milieu, qu’on n’a jamais flaté, s’éleve dans le monde & surpasse tous les autres. Quoi qu’il en soit, il est de mon devoir d’inspirer à tous mes Enfans la même industrie & les mêmes principes d’honneur. Par là j’ai sujet d’esperer que l’un ou l’autre de mes Garçons se poussera dans le Monde, soit à l’Armée, ou sur la Flote, ou dans le Négoce, ou quelqu’une des trois savantes Professions ; Du moins je suis convaincu, par une longue Experience & des Observations réiterées, malgré le paradoxe qu’y trouvent la plûpart de ceux avec qui je converse, qu’un Homme qui a plusieurs Enfens & qui leur donne une bonne Education établira mieux sa Famille dans le Monde & pour plus long tems, que celui qui’n’a qu’un seul Garçon, quoi qu’il lui laisse tout son Bien. C’est pour cela que je me divertis quel-[209] quefois à trouver un Général, un Amiral, ou un Echevin de Londres, un Théologién, un Médecin, ou un Avocat, entre mes petits Garçons, quoi qu’ils portent encore la Robe. D’un autre côté, à la vûe des airs maternels qui paroissent dans mes petites Filles quand elles badinent avec leurs Poupées, je me flate que leurs Maris & leurs Enfans seront heureux d’avoir de telles Femmes & de telles Meres.

Si vous êtes Pere, vous ne trouverez pas cette Lettre tout-à-fait ridicule ; mais si vous êtes jeune Homme, vous n’entendrez pas ce qu’elle veut dire, & vous la jetterez peut-être au feu. Quelque sort que vous lui destiniez, soïez persuadé, qu’elle vient de celui qui est avec sincérité, &c. »

3 Philogame. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3

O. ◀Nível 2 ◀Nível 1

1S. Matth. VIII. 9.

2Juges, XII. 14.

3Ce mot Grec signifie celui qui aime le Mariage.