Hor. l. i. Epist. xix. 12.
Quoi ? Si quelqu’un afectoit l’air austere
& réformé de , & paroissoit aussi simplement vétu que lui, en
auroit-il pour cela le mérite & la vertu ?
Spectateur,
« Depuis que je me trouve à la Campagne, j’emploie presque
tout mon tems à la lecture, ou à méditer sur ce que j’ai lû. Votre
Feuille volante, que j’y reçois tous les jours, fait une si grande
impression sur mon Esprit ; que mes pensées roulent & se
confondent avec les vôtres. Il y a un Sujet que vous n’avez pas
touché jusques-ici, & qui mériteroit bien d’exercer votre Plume,
je veux dire la satisfaction que certaines Personnes trouvent à se
vanter de leurs propres défauts. Un Auteur célèbre s’imagine que ce
Foible est l’opposé de l’Envie ; quoi que, selon mes idées, il
pourroit en venir. Il n’y a rien de si commun que d’entendre des
Hommes de ce Ca-
Oh,
oh, à present que j’y pense, je dois aller trouver mon
Procureur, , pour quelque affaire ; mais si c’est aujourd’hui
ou demain, ma foi, c’est ce que je ne sai pas. Malgré tout
cela, il le savoit si bien, qu’il se rendit chez lui à l’heure
précise. Le bon est que ces Oublieurs sont d’autant plus coupables,
qu’ils ont souvent la mémoire fort heureuse, & qu’ils le
découvrent
Il y a peu de tems qu’invité à dîner chez un de mes Amis, je priai un des Conviez, qui passe pour un des meilleurs Ecuïers tranchans qu’il y ait, de vouloir me servir d’un Plat de Rôti qui étoit à sa portée ; mais, comme si cela dérogeoit à ses autres bonnes qualitez, il en eut quelque honte, & me protesta que de sa vie il n’avoit sû découper ; quoi qu’on le puisse convaincre qu’il desosse, qu’il éventre, qu’il dépouille & qu’il découpe avec une dexterité merveilleuse. Ce n’est pas que je prétende qu’un Homme, qui a de la Naissance, du Bien & de l’Education, aspire aux qualitez d’un simple Artisan, ni qu’il tâche d’exceller dans les petites operations manuelles ; Non, je n’ai pas un tel but, mais je ne voudrois pas qu’on se fit une honte de ce qui est louable en soi-même. Vous voyez des Gens qui poussent ce mauvais Caractere si loin, qu’ils fondent leur prétention au bel Esprit sur la négligence & la mal-propreté de leurs Habits.
Je ne saurois m’empêcher de relever ici un Foible tout diférent de
ceux-là, quoi qu’il vienne de la même source, je veux dire celui de
certains Hommes assez médiocres, qui prétendent se mettre en
parallèle avec les plus grands Génies, par la jouissance de quelques
petits avan-Grec, l’Hébreu & les autres Langues Orientales ; &
soûtenir même que leur connoissance fait plus de tort que d’honneur,
quoi que, dans le fonds, il ait du chagrin de ne pas les posseder.
&c. »
S. P.