Le Spectateur ou le Socrate moderne: XVII. Discours
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Livello 1
XVII. Discours
Citazione/Motto
–– –– –– ea sola
voluptas,
Solaménque mali. –– –– ––
Virg. Aeneid. iii. 66i. C’est là le seul plaisir qui lui reste & qui soulage son mal.
Solaménque mali. –– –– ––
Virg. Aeneid. iii. 66i. C’est là le seul plaisir qui lui reste & qui soulage son mal.
Metatestualità
Sur la Charité que les
Riches attaquez de certains maux dévroient faire aux
Pauvres, qui se trouvent dans les mêmes Calamitez.
Metatestualità
Sur la Charité que les
Riches attaquez de certains maux dévroient faire aux
Pauvres, qui se trouvent dans les mêmes Calamitez.
Livello 2
Racconto generale
Il y a quelque tems que je reçus
un Projet accompagné d’une Préface, où l’Auteur raisonne à
perte de vúe sur le nombre infini d’Objets de Charité qu’on
voit dans une Nation, & où il avertit les Riches, qui
sont afligez de quelque maladie, d’avoir égard aux Pauvres
qui soufrent la même calamité, & de borner leur
tendresse à ceux-là, puis qu’il leur est impossible de
secourir tous ceux qui en ont besoin. Il avoit été guéri
lui-même d’un cruel mal aux yeux, par l’opération que lui
fit le Chevalier Guillaume Read ; & comme
c’est une Personne de qualité qui a du bien, pour témoigner
à Dieu sa reconnoissance d’une si grande faveur, il résolut
d’entretenir trois pauvres Aveugles pendant toute leur vie.
Ce malheur est si triste, & d’un autre côté si peu
ordinaire, qu’il semble qu’une Fondation pour l’entretien de
tous les Pauvres qui en sont affligez pourroit être aisément
établie, avec le secours d’un petit nombre de Gens
charitables joints aux Riches qui se trouvent dans le même
cas. Quoi qu’il en soit, le Projet de l’Auteur doit sa
naissance à un très-bon Motif, & si nous nous partagions
tous en diférentes Classes, dont chacune s’apliquât à
quelque acte de Générosité en particulier, ce seroit le vrai
moïen de fortifier les nœuds de la Société civile &
d’encourager la Vertu. Puis que la recherche des mêmes
plaisirs est le fondement ordinaire du commerce & de la
familiarité que les Hommes ont entre eux ; il me semble que
les mêmes disgraces devroient produire à peu-près le même
éfet. Si tous les Riches que la Goute estropie, pour avoir
vêcu dans l’aise, l’abondance & la luxure, vouloient
secourir ce petit nombre de Pauvres qui en sont ataquez sans
que la débauche y ait aucune part, ou ceux qu’une vie
laborieuse, qu’un malheureux coup, qu’une chute, ou que les
autres accidens de la Vieillesse ou de la Maladie ont rendus
impotens ; si, dis-je, de tels Gouteux vouloient fournir aux
besoins de ceux qui se trouvent réduits au
même état, le sentiment d’une pareille conduite seroit le
meilleur Julep, le Cordial le plus éficace & le Remede
le plus anodin qu’ils pussent prendre, pour calmer les vives
douleurs qu’ils essuïent dans les attaques d’un si cruel
Mal. On peut dire la même chose de tous les autres Maux,
soit qu’ils regardent le Corps ou l’Esprit. La Charité ainsi
partagée ne manqueroit pas d’attirer les bénédictions du
Ciel sur tout un Peuple ; & si l’amour du Monde ne
rendoit les Hommes insensibles à l’union qu’il doit y avoir
entre eux, il n’y aurait point d’injustice, si un Pauvre
accablé de maux & de misere tiroit, sur un Echevin
malade ou toute autre Personne Riche,
Metatestualità
un Billet conçu à peu près en ces termes :
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Mr. Richard, « Vous avez
la Goute & la Pierre, avec soixante mille Livres
sterlin de Capital ; J’ai la Pierre & la Goute,
sans un sol dans la poche : Je prierai Dieu pour
vous, s’il vous plaît de donner au Porteur la somme
de vingt Chelins, & vous obligerez infiniment
&c. » Lazare Esperendieu
Metatestualità
Mes Lecteurs apercevront bien
d’eux-mêmes la justice d’une pareille Correspondance,
qu’ils peuvent varier à l’infini, sans que j’entre dans
ce détail. Mais ils ne trouveront pas
mauvais que je leur communique la Lettre suivante, qu’un
Homme d’érudition, revenu à ses études, après en avoir
été détourné quelque tems, me paroit avoir écrite. La
Cure, dont il bénit Dieu, merite les plus beaux éloges
qu’il puisse donner à l’Opérateur.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Mr. le Spectateur,
« Occupé en dernier lieu à réfléchir
sur vos admirables Discours, où vous traitez des
1Plaisirs innocents de l’Imagination,
j’examinai auquel de tous nos Sens nous devons la
plus grande partie & les plus importans de ces
Plaisirs, & je conclus bientôt que c’étoit à la
Vûe. En effet, c’est là Reine de tous les Sens,
& la Mere de tous les Arts & de toutes les
Sciences, qui ont banni la grossiereté de nos mœurs,
& qui donnent à l’Esprit cette délicatesse,
oposée au mauvais Goût du grand & du petit
Vulgaire. La. Vue est l’obligeante Bienfaitrice, qui
nous donne les sensations les plus agréables que
nous recevions de toutes les diférentes &
merveilleuses productions de la Nature. C’est à la
Vûe que nous devons les surprenantes découvertes de
la hauteur, de la grandeur & du mouvement des
Planetes ; aussi bien que de leurs diferentes
révolutions autour du Soleil, le Centre commun de la
lumière, de la chaleur & du mouvement qu’elles ont. La Vûe s’étend même
jusques aux Etoiles fixes, & nous fournit de
bonnes preuves que chacune d’elles est un Soleil qui
se meut sur son axe, dans le centre de son
Tourbillon, & qui sert aux mêmes usages que le
nôtre, à l’égard des Planètes qui en dépendent. La
Vûe ne se borne pas ici dans ses recherches ; elle
perce, à travers l’immense étendue des Cieux,
jusques à la Voie lactée, où elle distingue une
infinité de nouveaux Mondes, dont chacun a son
Soleil, avec le juste nombre de ses Planètes. Lors
qu’elle est hors d’état d’aller plus loin, elle s’en
remet à l’Imagination, qui pousse les découvertes
jusqu’à ce qu’elle ait rempli tout ce vaste Univers
d’une infinité de pareils Systêmes. La Vue instruit
le Ciseau du Sculpteur & du Statuaire à animer,
pour ainsi dire, le bois & la pierre : elle
guide aussi le Pinceau du Peintre, afin qu’il donne
en quelque sorte du relief & du mouvement aux
Figures qu’il trace sur le Canevas. Si d’un côté la
Musique doit son origine à une autre cause, puis que
Jubal en découvrit les premiers rudimens à l’ouïe de
la cadence que les coups de son Marteau faisoient
sur l’Enclume ; on peut dire de l’autre que la Vue
n’a pas seulement réduit ces sons grossiers dans un
ordre artificiel & harmonieux ; mais qu’elle
communique cette Harmonie aux endroits les plus reculez du Monde sans le secours du Son.
C’est à la Vue que nous devons toutes les
découvertes de la Philosophie, aussi bien que les
divines Images de la Poësie, qui transportent ceux
qui lisent Homere, Milton & Virgile. Après que
la Vûe a donné de la politesse au monde, elle nous
fournie les plaisirs les plus agréables & de
plus longue durée. Que l’Amour, que l’Amitié, que la
Tendresse paternelle & filiale, & que les
Devoirs du Mari & de la Femme anoncent la joie
que la Vûe procure lors qu’on vient à se retrouver
après une longue absence. On ne tariroit pas, si
l’on vouloit specifier en détail tous les plaisirs
& les avantages de la Vûe ; celui qui la possede
les trouve, les sent & en jouït à chaque moment
qu’il en fait usage. Puis que nos plus grands
Plaisirs & la plûpart de nos Connoissances
viennent de la Vûe, on ne doit pas s’étonner que la
Providence ait pris un soin tout particulier du
siége où elle réside, c’est-à-dire de l’Oeuil, qui
semble fait avec plus d’art que les Organes des
autres Sens. Ce petit Globe d’une fabrique
merveilleuse est composé de Muscles, de Membranes
& d’Humeurs. Ses mouvements sont dirigez, d’une
maniere admirable, par les Muscles ; ses Humeurs
sont transparentes pour donner passage aux raïons de
lumiere, & d’une figure propre à leur causer une
réfraction réguliere ; pendant que la
surface interne de la tunique, nommée Sclerotes, est
noire, pour empêcher que ces raïons ne se confondent
par la réflexion. Il y a dequoi s’étonner lors qu’on
pense à la diversité des Objets que l’Oeuil est
capable de recevoir tout à la fois, ou dans un
instant, & à l’exactitude avec laquelle il peut
juger d’abord de leur situation, de leur figure
& de leur couleur. Il veille contre les dangers
qui nous environnent, il guide nos pas & il
admet tous les Objets visibles, dont la beauté &
la variété servent à nous instruire aussi bien qu’à
nous divertir. Eu égard à tous ces plaisirs & à
tous ces avantages que la Vûe nous procure, il n’y a
nul doute que la perte n’en soit accablante. Milton,
qui le savoit par expérience, nous en donne une idée
fort vive dans le troisiéme Livre de son Paradis
perdu, & dans sa Tragédie intitulée Samson
Aconiste’s. Puis donc que la jouïssance de la Vûe
est un si grand bien, & que sa perte est un
malheur si déplorable, quel cas ne doit-on pas faire
de l’habileté de cet Opérateur qui peut redonner
l’une & remédier à l’autre ? Par ma fréquente
lecture des Avertissemens, qui se trouvent dans nos
Gazettes & dans les autres Feuilles volantes qui
se publient ici toutes les semaines, & qu’on
peut regarder presque toûjours comme’ce qu’il y a de
plus essentiel, j’ai eu la joie de voir que le
fameux Dr. Grant, Oculiste
extraordinaire de Sa Majesté la Reine Anne, a
redonné la vûe à plusieurs centaines de mes
Compatriotes en moins de quatre années de tems.
Quelques-uns même, qui étoient nez aveugles, comme
Jones de Newington, l’ont recouvrée par son moïen.
J’ai été guéri moi-même d’une faiblesse dans les
yeux qui aprochoit de l’aveuglement, & je suis
disposé à croire tout ce que l’on peut dire de
l’habileté de cet Opérateur, qui n’est pas moins
adroit que charitable à l’égard de ceux qui ne sont
pas en état de le païer. Mais les bornes prescrites
à une Lettre m’empêchent d’en venir au détail de ses
Cures ; ce que j’en ai dit sufira pour encourager
ceux qui peuvent avoir besoin de son secours, &
qui peuvent se flater d’être guéris, pendant qu’un
si habile Oculiste que le Dr. Grant est encore en
vie. Je suis, &c. » Philanthrope
Metatestualità
Lettre
sur les plaisirs & les avantages de la vue.
« Occupé en dernier lieu à réfléchir
sur vos admirables Discours, où vous traitez des
1Plaisirs innocents de l’Imagination,
j’examinai auquel de tous nos Sens nous devons la
plus grande partie & les plus importans de ces
Plaisirs, & je conclus bientôt que c’étoit à la
Vûe. En effet, c’est là Reine de tous les Sens,
& la Mere de tous les Arts & de toutes les
Sciences, qui ont banni la grossiereté de nos mœurs,
& qui donnent à l’Esprit cette délicatesse,
oposée au mauvais Goût du grand & du petit
Vulgaire. La. Vue est l’obligeante Bienfaitrice, qui
nous donne les sensations les plus agréables que
nous recevions de toutes les diférentes &
merveilleuses productions de la Nature. C’est à la
Vûe que nous devons les surprenantes découvertes de
la hauteur, de la grandeur & du mouvement des
Planetes ; aussi bien que de leurs diferentes
révolutions autour du Soleil, le Centre commun de la
lumière, de la chaleur & du mouvement qu’elles ont. La Vûe s’étend même
jusques aux Etoiles fixes, & nous fournit de
bonnes preuves que chacune d’elles est un Soleil qui
se meut sur son axe, dans le centre de son
Tourbillon, & qui sert aux mêmes usages que le
nôtre, à l’égard des Planètes qui en dépendent. La
Vûe ne se borne pas ici dans ses recherches ; elle
perce, à travers l’immense étendue des Cieux,
jusques à la Voie lactée, où elle distingue une
infinité de nouveaux Mondes, dont chacun a son
Soleil, avec le juste nombre de ses Planètes. Lors
qu’elle est hors d’état d’aller plus loin, elle s’en
remet à l’Imagination, qui pousse les découvertes
jusqu’à ce qu’elle ait rempli tout ce vaste Univers
d’une infinité de pareils Systêmes. La Vue instruit
le Ciseau du Sculpteur & du Statuaire à animer,
pour ainsi dire, le bois & la pierre : elle
guide aussi le Pinceau du Peintre, afin qu’il donne
en quelque sorte du relief & du mouvement aux
Figures qu’il trace sur le Canevas. Si d’un côté la
Musique doit son origine à une autre cause, puis que
Jubal en découvrit les premiers rudimens à l’ouïe de
la cadence que les coups de son Marteau faisoient
sur l’Enclume ; on peut dire de l’autre que la Vue
n’a pas seulement réduit ces sons grossiers dans un
ordre artificiel & harmonieux ; mais qu’elle
communique cette Harmonie aux endroits les plus reculez du Monde sans le secours du Son.
C’est à la Vue que nous devons toutes les
découvertes de la Philosophie, aussi bien que les
divines Images de la Poësie, qui transportent ceux
qui lisent Homere, Milton & Virgile. Après que
la Vûe a donné de la politesse au monde, elle nous
fournie les plaisirs les plus agréables & de
plus longue durée. Que l’Amour, que l’Amitié, que la
Tendresse paternelle & filiale, & que les
Devoirs du Mari & de la Femme anoncent la joie
que la Vûe procure lors qu’on vient à se retrouver
après une longue absence. On ne tariroit pas, si
l’on vouloit specifier en détail tous les plaisirs
& les avantages de la Vûe ; celui qui la possede
les trouve, les sent & en jouït à chaque moment
qu’il en fait usage. Puis que nos plus grands
Plaisirs & la plûpart de nos Connoissances
viennent de la Vûe, on ne doit pas s’étonner que la
Providence ait pris un soin tout particulier du
siége où elle réside, c’est-à-dire de l’Oeuil, qui
semble fait avec plus d’art que les Organes des
autres Sens. Ce petit Globe d’une fabrique
merveilleuse est composé de Muscles, de Membranes
& d’Humeurs. Ses mouvements sont dirigez, d’une
maniere admirable, par les Muscles ; ses Humeurs
sont transparentes pour donner passage aux raïons de
lumiere, & d’une figure propre à leur causer une
réfraction réguliere ; pendant que la
surface interne de la tunique, nommée Sclerotes, est
noire, pour empêcher que ces raïons ne se confondent
par la réflexion. Il y a dequoi s’étonner lors qu’on
pense à la diversité des Objets que l’Oeuil est
capable de recevoir tout à la fois, ou dans un
instant, & à l’exactitude avec laquelle il peut
juger d’abord de leur situation, de leur figure
& de leur couleur. Il veille contre les dangers
qui nous environnent, il guide nos pas & il
admet tous les Objets visibles, dont la beauté &
la variété servent à nous instruire aussi bien qu’à
nous divertir. Eu égard à tous ces plaisirs & à
tous ces avantages que la Vûe nous procure, il n’y a
nul doute que la perte n’en soit accablante. Milton,
qui le savoit par expérience, nous en donne une idée
fort vive dans le troisiéme Livre de son Paradis
perdu, & dans sa Tragédie intitulée Samson
Aconiste’s. Puis donc que la jouïssance de la Vûe
est un si grand bien, & que sa perte est un
malheur si déplorable, quel cas ne doit-on pas faire
de l’habileté de cet Opérateur qui peut redonner
l’une & remédier à l’autre ? Par ma fréquente
lecture des Avertissemens, qui se trouvent dans nos
Gazettes & dans les autres Feuilles volantes qui
se publient ici toutes les semaines, & qu’on
peut regarder presque toûjours comme’ce qu’il y a de
plus essentiel, j’ai eu la joie de voir que le
fameux Dr. Grant, Oculiste
extraordinaire de Sa Majesté la Reine Anne, a
redonné la vûe à plusieurs centaines de mes
Compatriotes en moins de quatre années de tems.
Quelques-uns même, qui étoient nez aveugles, comme
Jones de Newington, l’ont recouvrée par son moïen.
J’ai été guéri moi-même d’une faiblesse dans les
yeux qui aprochoit de l’aveuglement, & je suis
disposé à croire tout ce que l’on peut dire de
l’habileté de cet Opérateur, qui n’est pas moins
adroit que charitable à l’égard de ceux qui ne sont
pas en état de le païer. Mais les bornes prescrites
à une Lettre m’empêchent d’en venir au détail de ses
Cures ; ce que j’en ai dit sufira pour encourager
ceux qui peuvent avoir besoin de son secours, &
qui peuvent se flater d’être guéris, pendant qu’un
si habile Oculiste que le Dr. Grant est encore en
vie. Je suis, &c. » Philanthrope Metatestualità
Lettre
sur les plaisirs & les avantages de la vue.
1Voyez Tome iv. p. 247-317