Le Spectateur ou le Socrate moderne: XV. Discours
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Livello 1
XV. Discours
Citazione/Motto
Turpe est difficiles
babere nugas,
Et stultus labor est ineptiarum.
Mart. l. ii. Epig. lxxxvi.
Et stultus labor est ineptiarum.
Mart. l. ii. Epig. lxxxvi.
Il est indigne de s’occuper à des bagatelles épineuses, & de se fatiguer beaucoup pour expliquer des niaiseries.
Metatestualità
Remarques sur une
Chanson, pour se moquer de la pédanterie & du mauvais
goût de quelques Commentateurs.
Metatestualità
Remarques sur une
Chanson, pour se moquer de la pédanterie & du mauvais
goût de quelques Commentateurs.
Livello 2
Depuis quelques années, j’ai eu le
chagrin de me voir fort éloigné de mon compte, lors
qu’après avoir examiné la nouvelle édition d’un Auteur
classique, j’ai trouvé plus de la moitié du Volume remplie de
différentes leçons. Au lieu d’une savante Note que j’atendois
sur un Passage douteux d’un Poëte Latin, j’y ai simplement apris
que, dans tels ou tels anciens Manuscrits, à la place d’un &
on lisoit un ac, ou quelque autre découverte de la même
importance. Lors qu’une diférente Leçon nous donne un nouveau
sens, ou qu’elle est plus élégante, l’Editeur fait três-bien de
la noter ; mais lors qu’il se borne à nous entretenir de la
diférente maniere dont un Mot est orthographié, & qu’il
ramasse les diférentes bévûes de vingt ou trente Copistes, cela
ne sert qu’à faire perdre le tems aux Lecteurs habiles &
qu’à causer de l’embarras aux ignorans. Je me suis representé
bien des fois la rage où seroit un ancien Auteur Latin, s’il
voïoit toute les absurditez, à l’égard du sens & de la
construction Grammaticale, qu’on lui atribue par l’une, ou
l’autre de ces diférentes Leçons. Dans l’une il parle
Galimathias ; dans l’autre il emploie un Mot qui n’a jamais été
en usage. En effet, il n’y a presque pas un Solecisme, où le
meilleur Ecrivain ne soit tombé, s’il nous est permis de suivre
quelqu’un des Manuscrits que le laborieux Editeur a jugé à
propos de consulter pour l’exécution de son dessein.
Metatestualità
Je ne doute pas que les Dames &
les Messieurs du bel air ne soient fort curieux d’aprendre
ce que signifie tout ce que j’ai dit
jusques-ici. Pour leur en donner une idée, je tâcherai
d’imiter le Stile de plusieurs Savans, qui font belle figure
dans la République des Lettres. Nous suposerons d abord que
la Chanson qui suit est une ancienne Ode, dont je publie une
nouvelle Edition, avec les variétez qui se trouvent dans les
précédentes, & dans les anciens Manuscrits. Ceux qui
n’auront pas du goût pour les diverses Leçons seront
peut-être bien aises de voir la Chanson même, qui n’avoit
jamais été imprimée, & qu’on peut nommer à juste titre
le Chef d’oeuvre d’un Inconnu. La voici mot à mot :
Citazione/Motto
Autrefois mon Amour, inconstant
& rebelle, Ne put jamais se fixer dans mon
cœur ;
Mais en courant toujours de Belle en Belle.
De tous leurs traits je sentois la rigueur. Je fus d’abord épris d’un beau Corsage ; Ensuite un Œuil fripon me friponna ;
Enfin Cloris m’ayant rendu plus sage,
A sa Vertu mon cœur se cramponna. Mais aujourd’hui je languis, je soupire pour l’Enchanteresse Beauvoir ;
tous momens je me plains & j’expire,
Sans esperance de l’avoir. Car l’Inconstante & la Perfide, M’aïant montré tous ses atraits,
Les varie chacun & par là m’intimide,
Avec plus de cent mille traits.
Mais en courant toujours de Belle en Belle.
De tous leurs traits je sentois la rigueur. Je fus d’abord épris d’un beau Corsage ; Ensuite un Œuil fripon me friponna ;
Enfin Cloris m’ayant rendu plus sage,
A sa Vertu mon cœur se cramponna. Mais aujourd’hui je languis, je soupire pour l’Enchanteresse Beauvoir ;
tous momens je me plains & j’expire,
Sans esperance de l’avoir. Car l’Inconstante & la Perfide, M’aïant montré tous ses atraits,
Les varie chacun & par là m’intimide,
Avec plus de cent mille traits.
Livello 3
Metatestualità
Diferentes Leçons.
Stance i. Vers i. & rebelle, ] Dans un Manuscrit de
la Bibliothèque du Chevalier Cotton, la Particule
conjonctive & se trouve écrite en deux lettres
séparées ainsi et ; mais, dans presque tous les autres
Manuscrits, elles sont jointes ensemble. C’est aussi
pour cela que nous l’avons observé de même dans cette
nouvelle Edition. Vers 2. -- se fixer -- ] Quoi qu’Alde,
Scaliger & quelques autres aient lû se ficher, il y
a toutes les apparences du monde que c’est une bévûe de
Copiste, puis que tous les Manuscrits, qui me sont
tombez entre les mains, ont, se fixer, qui est plus
naturel en cet endroit, & qui répond mieux au stile
de toute la Piéce. Vers 4. -- la rigueur. ] Le Manuscrit
du Vatican lit la vigueur ; mais c’est encore ici une
méprise du Copiste, qui a confondu une lettre avec une
autre, à cause de la proximité de leur figure ; ce qui
arrive très-souvent. Stance ii. Vers 2.-- un œuil -- ]
Sciopius, Saumaise, & plusieurs autres Critiques
célebres lisent un air ; mais j’ai suivi la
Leçon ordinaire, qui est fondée sur la plûpart des
Manuscrits. Vers 3. – Cloris ...] Quelques Manuscrits
ont Philis; mais la cacophonie, ou ou <sic> le
mauvais son de la même syllabe qui choque l’oreille, est
une preuve convaincante qu’on doit retenir Cloris.
Stance iii. Vers i. – je soupire ] Le Manuscrits
d’Allemagne lit, je me páme ; mais la Rime ne permet pas
qu’on adopte cette Leçon. Vers 2. Pour l’Echanteresse
Beauvoir ; ] Il y a divers Manuscrits qui ont, la
chanteuse de Beauvoir ; & le célébre Mathanasius les
a suivis ; mais n’en déplaise à ce Maître-Fat, les plus
anciens & les meilleurs lisent de même que nous.
Vers 3. A tous momens- ] Quelques-uns lisent, A tout
moment, & j’aurois de la peine à détérminer lequel
vaut le mieux, puis que chacune de ces Leçons est
appuïee sur de grandes Autoritez. Vers 4. -- de
l’avoir. ] Les Etiennes, Père & Fils, ont lû, de la
voir ; mais, quoi que plusieur Savans aient embrassé
leur opinion, je ne saurois l’adopter moi-même. Il me
semble du moins qu’un Amant passionné souhaite quelque
chose de plus que la vûe de sa Maitresse ; & le
dernier Couplet insinue qu’il n’en étoit pas privé. Du
telle, de quelque manière qu’on lise, le son des mots
est le même quand on les prononce ; & c’est
peut-être de là qu’est née la diférénce qu’on voit dans
les Manuscrits, Stance IV. Vers 2. M’aïant
montré tous ses atraits, ] Il y a ici deux grandes
varietez : Les uns lisent, M’aïant fait voir &c. les
autres, M’aïant décoché tous ses traits. La première
Leçon m’est suspecte, à cause de la rime qu’il y a entre
cet Hemistiche & le derniers Vers de la iii.
Stance ; défaut, dont l’Auteur me paroit incapable, eu
égard à l’exactitude qui regne dans toute la Piéce. Pour
la séconde Leçon, je n’oserois l’adopter ; parce que la
varieté, qui est ensuite attribuée à ces traits, ne leur
quadre pas trop bien, dès qu’ils sont décochez ; &
que d’ailleurs le même mot se trouve, dans tous les
Manuscrits, à la fin du quatrième Vers ; ce qui est
contre les règles de la bonne Poësie. La Leçon, que j’ai
admise, n’est guére plus de mon goût ; parce que montré,
joint avec atraits, dans le même Vers, forme un son rude
qui choque l’oreille. Ainsi je laisse à chacun la
liberté de prendre celle des trois qui l’accommodera le
mieux, si tant est qu’il n’y en ait pas une quatriéme,
inconnue jusques-ici à nos plus habiles Critiques. Vers
4. Avec plus de cent mille traits, ] La moitié des
anciens Manuscrits ont dix mille. D’où je conjecture que
ce nombre étoit d’abord écrit en chiffrés, & que les
Copistes y ont ajouté ou retranché un Zero, par
inadvertance. Je laisse aux Savans à déterminer lequel
des deux est le plus probable ; quoi que le plus grand
nombre me paroisse plus conforme au
génie d’un Amant, à qui 1’Hyperbole ne coûte rien.
Livello 3
Metatestualità
Diferentes Leçons.