XI. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Susanna Falle Editor Michaela Fischer Editor Barbara Müllner Editor Institut für Romanistik, Universität Graz 16.01.2014 info:fedora/o:mws.2375 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Tome V. Paris: Etienne Papillon 1723, 65-73, Le Spectateur ou le Socrate moderne 5 011 1723 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Religion Religione Religion Religión Religion Theater Literatur Kunst Teatro Letteratura Arte Theatre Literature Arts Teatro Literatura Arte Théâtre Littérature Art Autopoetische Reflexion Riflessione Autopoetica Autopoetical Reflection Reflexión Autopoética Réflexion autopoétique Aberglaube Superstizione Superstition Superstición Superstition Religion Religione Religion Religión Religion United Kingdom England England -0.70312,52.16045 France 2.0,46.0

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XI. Discours

Inter cuncta leges & percontabere doctos ;Quâ ratione queas traducere leniter ӕvum :Ne te semper inops agitet, vexétque cupido ;Ne pavor, & rerum mediocriter utilium spes.Hor. l. i. Epist. xviii. 96.

Ecoutez les sages conseils des habiles gens ; ils vous diront de quelle maniere on peut passer agréablement la vie, & ce qu’il faut faire pour ne vous point laisser tyranniser par la crainte ni par l’esperance des choses peu utiles, ni par la passion d’amasser du bien, & de n’en pas user.

Demoïens qui peuvent contribuient à nourrir la Foi dans le cœur des Hommes.

Après avoir taché dans C’est le vi. de ce Volume.un de mes derniers Discours, de faire voir l’excellence de la Foi, je vais considérer ici les moïens capables de la fortifier & de l’enraciner dans nos cœurs. Ceux qui se plaisent à la lecture des Livres de Controverse, ecrits de l’un & de l’autre côté de la Question sur des Articles de Foi, n’arrivent presque jamais à une Habitude fixe & immuable de cette Vertu. Ils sont convaincus un jour des importantes Véritez qu’elle nous enseigne, & ils admettent le lendemain quelque Idée qui les ébranle, ou qui les renverse. Le Doute qu’on avoit dissi-pé revient à la charge suivi de nouvelles difficultez parce que l’Esprit agité par les flots de la Dispute oublie les raisons qui l’avoient d’abord calmé, & qu’il se tourmente à la vûe de quelque ancienne Objection, qui paroit sous une autre forme, ou qu’un autre Adversaire lui propose. Comme il n’y a rien de plus louable que la recherche de la Vérité, il n’y a rien aussi de plus déraisonable que de passer toute notre vie, sans nous déterminer sur des Articles qui nous sont de la dernière importance. Il faut avouer qu’il y a bien des choses qui ne demandent pas notre décision ; mais dans les Cas qui doivent servir à la conduite de notre vie, c’est la plus haute de toutes les absurditez de balancer & de n’embarasser pas le sentiment qui paroit le plus sûr & le plus probable.

La premiere regle donc que je poserai est celle-ci, que pleinement convaincus de la vérité de quelque Article, soit par la lecture, la méditation ou les discours des autres, nous ne devons plus le révoquer en doute à l’avenir. Peut-être oublierons-nous les Argumens qui nous ont persuadez ; mais nous devons toujours nous souvenir de la force qu’ils ont eu sur nous, & garder notre conviction précedente. Il n’y a rien la qui ne se pratique dans les Arts ou les Sciences ordinaires ; & il n’est pas même possible d’en user autrement, eu égard à la foiblesse & aux bornes étroites de nos Facultez intellectuelles. Ce fut ainsi que Latimer, un de ces glorieux Martyrs qui établisent la Réformation en Angleterre, en usa dans la célébre Conference qu’il y eut, entre quelques uns des plus habiles Protestans & Catholiques Romains, sous la Reine Marie. Persuadé que l’âge avoit afoibli son Esprit, & qu’il lui étoit impossible de se rapeller toutes les raisons qui l’avoient convaincu de la Vérité, ce vénérable Vieillard laissa à ses Confreres, qui jouïssoient de toute la vigueur de leurs talens, naturels & aquis, le soin de disputer avec leurs Antagonistes, & les confondre par l’évidence de leurs Raisonnemens. Pour lui, il se borna à repéter les Articles, qu’il croïoit de tout son cœur, & dans la profession desquels il étoit résolu de mourir. C’eft ainsi que les Mathématiciens argumentent sur une Vérité qu’ils ont déjà démontrée, quoi que la Démonstration ait échapé à leur memoire. Cette Régle est d’une absolue nécessité pour les Esprits foibles, & même à certains égards pour les plus habiles.

En deuxiéme lieu je conseille à ceux ci de fixer dans leur mémoire, & d’avoir toujours prêts au besoin, lés Argumens qui leur paroissent les plus forts, pour soutenir les Articles de leur créance, & que toutes les dificultez & les chicanes des Incrédules ne sauroient jamais ébranler.

En troisiéme lieu, il n’y a rien qui fortifie mieux la Foi que la pratique de la Vertu. Elles se produisent naturellement l’une l’autre. Un Homme est bientôt convaincu de la vérité de la Religion, lors qu’il trouve qu’il n’est pas opposé à son intérêt de la croité véritable. Le plaisir qu’il en reçoit de cette vie, & le bonheur qu il en atend pour l’avenir, ne peuvent que le disposer d’une maniere très puissante à y ajouter foi, puis que tout le monde avouë que nous sommes bien aises de croire ce que nous sonhaitons. Il est certain qu’un Homme de bon sens, qui examine la Religion avec impartialité, ne peut que l’embrasser d’abord ; mais il est aussi certain que la Foi se nourrit dans nos cœurs, & qu’elle y aquiert plus de force par la pratique des bonnes oeuvres, que par la simple speculation des Dogmes.

Il y a une quatriéme voie qui est encore plus éficace qu’aucune des précédentes, je veux dire l’Habitude qu’on se forme d’adorer l’Etre suprême, soit par des actes réiterez de l’Esprit, ou des éjaculations mentales, ou par le Culte extérieur qu’on lui rend. L’Homme pieux ne croit pas seulement qu’il y a une Divinité ; mais il la touche en quelque maniere. Il en a de sensations actuelles ; son Expérience concourt avec sa Raison ; il la voit de plus en plus dans le commerce familier qu’il entretient avec elle, & peu s’en faut que dès cette vie sa Foi ne soit changée en pleine Conviction.

La derniere méthode que je prescrirai, pour animer la Foi dans nos cœurs, est la fréquente retraite, accompagnée d’une mé-ditation religieuse. Lors qu’on pense à quelque chose dans les ténèbres de la nuit, quelque forte impression que l’Esprit en reçoive, elle risque de s’évanoüir, d’abord que le jour paroit autour de nous. L’éclat de la lumiere & le bruit du monde, qui frapent à toute heure nos Sens, & qui nous empêche d’être atentifs, éfacent peu à peu de l’Esprit ces Idées qui s’y étoient gravées, avec tant de force, durant le silence & l’obscurité de la nuit. Un Homme trouve la même différence à son égard dans une Foule & dans une Solitude ; l’Esprit est ébloui au milieu de cette variété d’Objets qui l’assaillent dans une grande Ville ; il ne sauroit méditer sur ce qui l’intéresse le plus. Les soins ou les plaisirs de la Vie se mêlent avec toutes nos pensées, & une infinité de mauvais Exemples servent en quelque maniere à justifier nos desordres. Dans la retraite, tout nous dispose à être sérieux. Les Ouvrages des Hommes nous occupent dans les Cours & dans les Villes, & ceux de Dieu cous entretiennent à la Campagne. Les uns sont du ressort de l’Arte, & les autres de celui de la Nature. La Foi & la Piété naissent d’elles-mêmes dans l’Esprit de tout Homme raisonnable, qui voit les traces du Pouvoir & de la Sagesse de Dieu dans tous les Objets qui l’environnent. L’Etre suprême a donné les meilleures Preuves qu’il y ait de son existence, dans la formation du Ciel & de la Terre ; & tout Homme de boit sens qui est éloigné du bruit & du tracas des affaires du monde, ne peut que les apercevoir. Aristote dit que, si un Homme, qui auroit vécu sous-terre, & qui n’y auroit vû que des Ouvrages de l’Art, ou de pur Méchanisme, venoit ensuite à paroître au grand jour, & contempler toutes les glorieuses merveilles du Ciel & de la Terre, il ne manqueroit pas de prononcer d’abord que c’est l’Ouvrage de cet Etre parfait que nous apellons Dieu. Le Psalmiste ravi en admiration, à la vûe de cette magnificence, s’est exprimé d’une maniere très sublime & très poëtique en ces termes : Psau. xix. 1-4. dans la Version ordinaire des Reformez, & xviii. dans celle de Mr. de Saci, qui l’on a suivie. Les Cieux racontent la gloire de Dieu, & le Firmament publie les ouvrages de ses mains. Un jour annonce cette vérité à un autre jour ; & une nuit en donne la connoissance à une autre nuit. Il n’y a point de langue, ni de différent langage, pár qui leur voix ne soit entendue. Leur bruit s’est répandu dans toute la terre, & leurs paroles se sont fait entendre jusques aux extremitez du monde. Voici de quelle maniere Voyez le Tome i. pag. 5. de ses Œuvres imprimés à Rotterdam en 1716.Mr. Rousseau a paraphrasé ce Psaume dans ses Odes sacrées.

Les Cieux instruisent la Terre A révérer leur Auteur ;Tout ce que leur Globe enferreCélébre un Dieu Créateur. Quel plus sublime CantiqueQue ce Concert magnifiqueDe tout les céléstes Corps ?Quelle grandeur infinie !Quelle divine harmonieRésulte de leurs accords ! De sa puissance immortelle Tout parle, tout nous instruit.Le Jour au Jour la révéle,La Nuit l’annonce à la Nuit.Ce grand & superbe OuvrageN’est point pour l’Homme un langageObscur & mysterieux.Son admirable structureEst la voix de la NatureQui se fait entendre aux yeux. Dans une éclatante Voute Il a placé de ses mainsCe Soleil, qui dans sa routeEclaire tous les Humains.Environné de lumiereCet Astre ouvre sa carrierComme un Epoux glorieux ;Qui, dès l’Aube matinale,De sa couche nuptialeSort brillant & radieux. L’Univers à sa presence Semble sortir du Néant.Il prend sa course, & s’avanceComme un superbe Géant.Bientôt sa marche sécondeEmbrasse le tour du MondeDans le cercle qu’il décrit,Et, par sa chaleur puissante ;La Nature languissanteSe ranime & se nourrit. O que tes Oeuvres sont belles ! Grand Dieu, quels sont tes bienfaits !Que ceux qui te sont fidellesSous ton joug trouvent d’attraits !Ta crainte inspire la joie :Elle assûre notre voie :Elle nous rend triomphans.Elle éclaire la jeunesse,Et fait briller la SagesseDans les plus foibles Enfans. Soutien ma foi chancelante ; Dieu puissant, inspire-moiCette Crainte vigilantequi fait pratiquer ta LoiLoi sainte, Loi desirable,Ta richesse est préferableA la richesse de l’Or ;Et ta douceur est pareilleAu miel dont la jeune AbeilleCompose son cher tresor.

Mais sans tes clartez sacrées,

Qui peut connoître, Seigneur,Les foiblesses égaréesDans les replis de son cœur ?Prête-moi tes feux propices.Vien m’aider à fuïr les vicesQui t’attachent à mes pas.Vien consumer, par ta flame,Ceux que je vois dans mon Ame,Et ceux que je n’y vois pas. Si de leur triste esclavage Tu viens dégager mes Sens,Si tu détruits leur ouvrage,Mes jours seront innocens.J’irai puiser sur ta traceDans les sources de la Grâce,Et de ces eaux abreuvéMa gloire fera connoîtreQue le Dieu qui m’a fait naîtreEst le Dieu qui m’a sauvé.

XI. Discours Inter cuncta leges & percontabere doctos ;Quâ ratione queas traducere leniter ӕvum :Ne te semper inops agitet, vexétque cupido ;Ne pavor, & rerum mediocriter utilium spes.Hor. l. i. Epist. xviii. 96. Ecoutez les sages conseils des habiles gens ; ils vous diront de quelle maniere on peut passer agréablement la vie, & ce qu’il faut faire pour ne vous point laisser tyranniser par la crainte ni par l’esperance des choses peu utiles, ni par la passion d’amasser du bien, & de n’en pas user. Demoïens qui peuvent contribuient à nourrir la Foi dans le cœur des Hommes. Après avoir taché dans C’est le vi. de ce Volume.un de mes derniers Discours, de faire voir l’excellence de la Foi, je vais considérer ici les moïens capables de la fortifier & de l’enraciner dans nos cœurs. Ceux qui se plaisent à la lecture des Livres de Controverse, ecrits de l’un & de l’autre côté de la Question sur des Articles de Foi, n’arrivent presque jamais à une Habitude fixe & immuable de cette Vertu. Ils sont convaincus un jour des importantes Véritez qu’elle nous enseigne, & ils admettent le lendemain quelque Idée qui les ébranle, ou qui les renverse. Le Doute qu’on avoit dissi-pé revient à la charge suivi de nouvelles difficultez parce que l’Esprit agité par les flots de la Dispute oublie les raisons qui l’avoient d’abord calmé, & qu’il se tourmente à la vûe de quelque ancienne Objection, qui paroit sous une autre forme, ou qu’un autre Adversaire lui propose. Comme il n’y a rien de plus louable que la recherche de la Vérité, il n’y a rien aussi de plus déraisonable que de passer toute notre vie, sans nous déterminer sur des Articles qui nous sont de la dernière importance. Il faut avouer qu’il y a bien des choses qui ne demandent pas notre décision ; mais dans les Cas qui doivent servir à la conduite de notre vie, c’est la plus haute de toutes les absurditez de balancer & de n’embarasser pas le sentiment qui paroit le plus sûr & le plus probable. La premiere regle donc que je poserai est celle-ci, que pleinement convaincus de la vérité de quelque Article, soit par la lecture, la méditation ou les discours des autres, nous ne devons plus le révoquer en doute à l’avenir. Peut-être oublierons-nous les Argumens qui nous ont persuadez ; mais nous devons toujours nous souvenir de la force qu’ils ont eu sur nous, & garder notre conviction précedente. Il n’y a rien la qui ne se pratique dans les Arts ou les Sciences ordinaires ; & il n’est pas même possible d’en user autrement, eu égard à la foiblesse & aux bornes étroites de nos Facultez intellectuelles. Ce fut ainsi que Latimer, un de ces glorieux Martyrs qui établisent la Réformation en Angleterre, en usa dans la célébre Conference qu’il y eut, entre quelques uns des plus habiles Protestans & Catholiques Romains, sous la Reine Marie. Persuadé que l’âge avoit afoibli son Esprit, & qu’il lui étoit impossible de se rapeller toutes les raisons qui l’avoient convaincu de la Vérité, ce vénérable Vieillard laissa à ses Confreres, qui jouïssoient de toute la vigueur de leurs talens, naturels & aquis, le soin de disputer avec leurs Antagonistes, & les confondre par l’évidence de leurs Raisonnemens. Pour lui, il se borna à repéter les Articles, qu’il croïoit de tout son cœur, & dans la profession desquels il étoit résolu de mourir. C’eft ainsi que les Mathématiciens argumentent sur une Vérité qu’ils ont déjà démontrée, quoi que la Démonstration ait échapé à leur memoire. Cette Régle est d’une absolue nécessité pour les Esprits foibles, & même à certains égards pour les plus habiles. En deuxiéme lieu je conseille à ceux ci de fixer dans leur mémoire, & d’avoir toujours prêts au besoin, lés Argumens qui leur paroissent les plus forts, pour soutenir les Articles de leur créance, & que toutes les dificultez & les chicanes des Incrédules ne sauroient jamais ébranler. En troisiéme lieu, il n’y a rien qui fortifie mieux la Foi que la pratique de la Vertu. Elles se produisent naturellement l’une l’autre. Un Homme est bientôt convaincu de la vérité de la Religion, lors qu’il trouve qu’il n’est pas opposé à son intérêt de la croité véritable. Le plaisir qu’il en reçoit de cette vie, & le bonheur qu il en atend pour l’avenir, ne peuvent que le disposer d’une maniere très puissante à y ajouter foi, puis que tout le monde avouë que nous sommes bien aises de croire ce que nous sonhaitons. Il est certain qu’un Homme de bon sens, qui examine la Religion avec impartialité, ne peut que l’embrasser d’abord ; mais il est aussi certain que la Foi se nourrit dans nos cœurs, & qu’elle y aquiert plus de force par la pratique des bonnes oeuvres, que par la simple speculation des Dogmes. Il y a une quatriéme voie qui est encore plus éficace qu’aucune des précédentes, je veux dire l’Habitude qu’on se forme d’adorer l’Etre suprême, soit par des actes réiterez de l’Esprit, ou des éjaculations mentales, ou par le Culte extérieur qu’on lui rend. L’Homme pieux ne croit pas seulement qu’il y a une Divinité ; mais il la touche en quelque maniere. Il en a de sensations actuelles ; son Expérience concourt avec sa Raison ; il la voit de plus en plus dans le commerce familier qu’il entretient avec elle, & peu s’en faut que dès cette vie sa Foi ne soit changée en pleine Conviction. La derniere méthode que je prescrirai, pour animer la Foi dans nos cœurs, est la fréquente retraite, accompagnée d’une mé-ditation religieuse. Lors qu’on pense à quelque chose dans les ténèbres de la nuit, quelque forte impression que l’Esprit en reçoive, elle risque de s’évanoüir, d’abord que le jour paroit autour de nous. L’éclat de la lumiere & le bruit du monde, qui frapent à toute heure nos Sens, & qui nous empêche d’être atentifs, éfacent peu à peu de l’Esprit ces Idées qui s’y étoient gravées, avec tant de force, durant le silence & l’obscurité de la nuit. Un Homme trouve la même différence à son égard dans une Foule & dans une Solitude ; l’Esprit est ébloui au milieu de cette variété d’Objets qui l’assaillent dans une grande Ville ; il ne sauroit méditer sur ce qui l’intéresse le plus. Les soins ou les plaisirs de la Vie se mêlent avec toutes nos pensées, & une infinité de mauvais Exemples servent en quelque maniere à justifier nos desordres. Dans la retraite, tout nous dispose à être sérieux. Les Ouvrages des Hommes nous occupent dans les Cours & dans les Villes, & ceux de Dieu cous entretiennent à la Campagne. Les uns sont du ressort de l’Arte, & les autres de celui de la Nature. La Foi & la Piété naissent d’elles-mêmes dans l’Esprit de tout Homme raisonnable, qui voit les traces du Pouvoir & de la Sagesse de Dieu dans tous les Objets qui l’environnent. L’Etre suprême a donné les meilleures Preuves qu’il y ait de son existence, dans la formation du Ciel & de la Terre ; & tout Homme de boit sens qui est éloigné du bruit & du tracas des affaires du monde, ne peut que les apercevoir. Aristote dit que, si un Homme, qui auroit vécu sous-terre, & qui n’y auroit vû que des Ouvrages de l’Art, ou de pur Méchanisme, venoit ensuite à paroître au grand jour, & contempler toutes les glorieuses merveilles du Ciel & de la Terre, il ne manqueroit pas de prononcer d’abord que c’est l’Ouvrage de cet Etre parfait que nous apellons Dieu. Le Psalmiste ravi en admiration, à la vûe de cette magnificence, s’est exprimé d’une maniere très sublime & très poëtique en ces termes : Psau. xix. 1-4. dans la Version ordinaire des Reformez, & xviii. dans celle de Mr. de Saci, qui l’on a suivie. Les Cieux racontent la gloire de Dieu, & le Firmament publie les ouvrages de ses mains. Un jour annonce cette vérité à un autre jour ; & une nuit en donne la connoissance à une autre nuit. Il n’y a point de langue, ni de différent langage, pár qui leur voix ne soit entendue. Leur bruit s’est répandu dans toute la terre, & leurs paroles se sont fait entendre jusques aux extremitez du monde. Voici de quelle maniere Voyez le Tome i. pag. 5. de ses Œuvres imprimés à Rotterdam en 1716.Mr. Rousseau a paraphrasé ce Psaume dans ses Odes sacrées. Les Cieux instruisent la Terre A révérer leur Auteur ;Tout ce que leur Globe enferreCélébre un Dieu Créateur. Quel plus sublime CantiqueQue ce Concert magnifiqueDe tout les céléstes Corps ?Quelle grandeur infinie !Quelle divine harmonieRésulte de leurs accords ! De sa puissance immortelle Tout parle, tout nous instruit.Le Jour au Jour la révéle,La Nuit l’annonce à la Nuit.Ce grand & superbe OuvrageN’est point pour l’Homme un langageObscur & mysterieux.Son admirable structureEst la voix de la NatureQui se fait entendre aux yeux. Dans une éclatante Voute Il a placé de ses mainsCe Soleil, qui dans sa routeEclaire tous les Humains.Environné de lumiereCet Astre ouvre sa carrierComme un Epoux glorieux ;Qui, dès l’Aube matinale,De sa couche nuptialeSort brillant & radieux. L’Univers à sa presence Semble sortir du Néant.Il prend sa course, & s’avanceComme un superbe Géant.Bientôt sa marche sécondeEmbrasse le tour du MondeDans le cercle qu’il décrit,Et, par sa chaleur puissante ;La Nature languissanteSe ranime & se nourrit. O que tes Oeuvres sont belles ! Grand Dieu, quels sont tes bienfaits !Que ceux qui te sont fidellesSous ton joug trouvent d’attraits !Ta crainte inspire la joie :Elle assûre notre voie :Elle nous rend triomphans.Elle éclaire la jeunesse,Et fait briller la SagesseDans les plus foibles Enfans. Soutien ma foi chancelante ; Dieu puissant, inspire-moiCette Crainte vigilantequi fait pratiquer ta LoiLoi sainte, Loi desirable,Ta richesse est préferableA la richesse de l’Or ;Et ta douceur est pareilleAu miel dont la jeune AbeilleCompose son cher tresor. Mais sans tes clartez sacrées, Qui peut connoître, Seigneur,Les foiblesses égaréesDans les replis de son cœur ?Prête-moi tes feux propices.Vien m’aider à fuïr les vicesQui t’attachent à mes pas.Vien consumer, par ta flame,Ceux que je vois dans mon Ame,Et ceux que je n’y vois pas. Si de leur triste esclavage Tu viens dégager mes Sens,Si tu détruits leur ouvrage,Mes jours seront innocens.J’irai puiser sur ta traceDans les sources de la Grâce,Et de ces eaux abreuvéMa gloire fera connoîtreQue le Dieu qui m’a fait naîtreEst le Dieu qui m’a sauvé.