Diligit, tutus caret obsoleti
Sordibus tecti, caret invidenda
Sobrius aulâ.Hor. l. ii. Ode x. 5.
Celui que se contente de la Médiocrité si rare & si difficile à trouver, vit en sûreté & à convert de l’Envie : sa Maison n’a pas la magnificence des Palais, mais elle en a la propreté.
Grec ou Latin, quelque passage qui n’a pas été observé, ou que je n’ai vû cité aucune part. Telle est cette belle Sentence de les Richesses font disparoitre le Vice, qu’entre les Hommes, il y en a quelques-uns dont les Vices sont couverts par les Richesses, & d’autres dont les Vertus sont cachées par la Pauvreté. Il n’y a personne qui ne se puisse rapeller divers Exemples de Gens riches, qui ont divers défauts, qu’on ne releve pas, ou plûtôt qu’on ne voit point du tout, par cela même qu’ils sont riches. D’un autre côté, je ne croi pas qu’on puisse trouver une description plus naturelle d’un pauvre Homme, dont le Mérite est englouti par la Pauvreté, que dans cet endroit de l’Ecclesiasie, où il est dit : ix. 14, 15, 16.Il y avoit une petite Ville, avec peu d’habitans, contre laquelle est venu un grand Roi, qui l’a environnée, & qui a bâti de grand Forts contre elle : Mais il s’y est trouvé un pauvre Homme sage, qui l’a délivrée par sa prudence, & nul ne s’est souvenu de ce pauvre Homme-là. Alors j’ai dit, la prudence vaut mieux que la force ; & cependant la prudence de ce pauvre homme a été negligée, & l’on n’entend point parler de ces faits.
Un milieu entre les deux extrêmitez semble être la situation la plus avantageuse pour aquerir la Sagesse. La pauvreté occupe trop nos pensées á la recherche de nos besoins, & les Richesses les emploient trop à jouïr du superflu ; de sorte que, pour me servir des paroles de Cowley dans une autre occasion, il est difficile qu’un Homme ne détourne jamais les yeux de la Vérité, lors qu’il est toujours engagé dans une Bataille ou dans un Triomphe.
Si nous regardons la Pauvreté & les Richesses comme capables de produire des Vertus & des Vices dans l’Esprit de l’Homme, on peut remarquer qu’il y en a des unes & des autres qui naissent de la Pauvreté, mais qui diférent des Vertus & des Vices qui doivent leur origine aux Richesses. L’Humilité & la Patience, l’Industrie & la Temperance sont très-souvent les bonnes qualitez d’un Pauvre. L’Humanité & le Naturel bien-faisant, la Magnanimité & 1’Honneur font aussi souvent le partage du Riche. D’ailleurs, la Pauvreté est presque toujours accompagnée d’Envie, de Fraude, d’une Complaisance aveugle & rampante, de Murmures, de Soucis & d’Inquiétudes. Les Richesses exposent un Homme à l’Orgueil & à la Débauche, à une sote Vanité & à un grand attachement aux Plaisirs du Monde. Ainsi un état mitoïen, comme je l’ai déja insinuée, est le parti le plus sûr & le plus avantageux pour s’éclairer l’Esprit & se former à la Vertu. C’est là-dessus qu’xxx. 7, 8, 9.Je t’ai demandé deux choses, disoit-il à Dieu, ne me les refuse pas durant ma vie. Eloigne de moi la Vanité & le Mensonge : ne m donne ni pauvreté ni richesses ; nourri-moi du pain de mon ordinaire ; De peur que je ne te renie dans l’abondance, & que je ne dise, Qui est l’Eternel ? de peur aussi que devenue pauvre, je ne dérobe, & que je ne prenne en vain le nom de mon Dieu.
Cette Allégorie enseignoit deux choses aux Athéniens, l’une, que la Province ne mérite pas d’être blâmée dans la distribution des biens temporels, & l’autre, que les Richesses tendent â corrompre les bonnes mœurs de ceux qui les possedent.
C.